Paris se démarque officiellement des déclarations de son ancien ambassadeur en Algérie, Bernard Bajolet, rendues publiques, vendredi dernier, dans une interview accordée au Figaro. La sortie médiatique de l'ex-patron de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) avait soulevé un tollé général en Algérie surtout qu'il affirme que le président Abdelaziz Bouteflika était maintenu «artificiellement en vie». Hier, Xavier Driencourt, l'actuel ambassadeur de France à Alger, a réagi, à propos de cette affaire, indiquant que «Bernard Bajolet s'exprime à titre personnel, à titre privé. Il n'engage en aucun cas, je dis bien en aucun cas, le gouvernement, le président et l'administration française. Il s'exprime en son nom personnel». Cette explication de texte à l'adresse de la presse nationale s'est faite en marge de l'installation du comité d'amitié algéro-française à l'APN. Xavier Driencourt a rappelé que Bernard Bajolet a occupé, «il y a plus de dix ans», le poste qui est le sien aujourd'hui, « il sait combien que ces fonctions sont importantes, délicates et compliquées». Il tiendra à rappeler le rôle d'un ambassadeur français à Alger qui «n'est pas de remettre de l'huile sur le feu, fût-ce de l'huile d'olive ! C'est au contraire de rapprocher, de raccommoder quand il le faut, de faire de la dentelle. Et quand on fait de la dentelle parfois on se pique avec une épingle. Il faut éviter de se piquer avec une épingle, il faut éviter les piqûres d'épingles et je pense que nous sommes là, pas seulement moi, mais les parlementaires et moi, nous sommes là pour éviter les piqûres». Bernard Bajolet, l'ancien patron des services secrets français a publié, la semaine dernière à Paris ses mémoires : «Le soleil ne se lève plus à l'Est, mémoires d'Orient d'un ambassadeur peu diplomate» où il est revenu notamment sur son passage en Algérie dans les années 1970 et entre 2006 et 2008. Il a ouvertement critiqué la politique économique du gouvernement, a évoqué la corruption, a parlé de blocages liés à l'histoire entre l'Algérie et la France et a réclamé l'ouverture des archives du FLN. «La nomenklatura algérienne, issue ou héritière de la guerre d'Algérie, a toujours besoin de se légitimer en exploitant les sentiments à l'égard de l'ancienne puissance coloniale ( ) Le président Boutefkika, avec tout le respect que j'éprouve pour lui, est maintenu en vie artificiellement. Et rien ne changera dans cette période de transition», a-t-il déclaré au Figaro en évoquant «les relations difficiles» entre l'Algérie et la France. Ce n'est pas la première fois où Bajolet dit tout le bien qu'il pense de l'Algérie si on croit les révélations de Wikileaks qui avait rapporté, en 2013, que le diplomate, alors en poste à Alger, avait dressé un portrait peu flatteur du pays lors d'un entretien qu'il a eu avec l'ambassadeur américain, le 23 janvier 2008. Des notes publiées par le quotidien espagnol El Pais où Bajolet estimait alors que l'Algérie se dirigeait droit vers l'instabilité. Pour lui, le gouvernement était incapable de prendre et d'assumer les décisions difficiles. Il notait également que les partis politiques bénéficiaient de peu de liberté et d'espace d'expression et manquaient clairement de projet politique à long terme. Ce qui explique le désintérêt de la population pour la politique, boudant scrutin après scrutin. Bajolet avait expliqué que Bouteflika avait saisi l'enjeu de la modification de la Constitution et l'armée avait accepté cette révision pour lui offrir un nouveau mandat en 2009, et que les Algériens le consentaient car ils estimaient que ce serait sans doute le dernier. Economiquement, il avait souligné dans ses notes à quel point le climat des affaires est très compliqué et fermé aux investisseurs étrangers. La création d'emplois en Algérie est quasi-inexistante, précisait encore l'ex-ambassadeur. Une économie qui ne parvient pas à relever son niveau car elle est sans cesse plombée par la corruption qui interfère dans le développement économique, et semble ne pas vouloir se résorber, affirmait-il à l'époque.