La question des disparus durant la révolution semble de nouveau revenir au-devant des préoccupations des autorités françaises, après la reconnaissance officielle de la pratique systématique de la torture par l'armée coloniale. Mais, cette fois-ci, Paris parle de disparus français, des civils et des militaires entre 1954 et 1962, en pleine révolution armée. Dans un entretien paru dans le quotidien Le Figaro, la secrétaire d'Etat française aux Armées Geneviève Darrieussecq a annoncé qu'elle envisage de se rendre début 2019 à Alger pour 'travailler notamment avec les autorités algériennes sur la question des disparus'' lors de la guerre de libération. Elle compte parvenir, durant ses discussions avec les autorités algériennes, selon ses déclarations, à 'un acte de vérité'' afin de «réconcilier les mémoires». Le président français Emmanuel Macron avait reconnu officiellement le 13 septembre dernier la responsabilité de l'Etat français dans la mort du militant du parti communiste et anticolonialiste algérien Maurice Audin, disparu après son enlèvement de son domicile par des parachutistes le 11 juin 1957. Pour le président français, 'il en va de l'apaisement et de la sérénité» de ceux que la guerre «a meurtris, dont elle a bouleversé les destins tant en Algérie qu'en France». Selon la secrétaire d'Etat française aux Armées, il y aurait '1.500 civils et 500 militaires français qui n'ont jamais été retrouvés». 'Je voudrais que les choses avancent», a-t-elle indiqué. Pour elle, 'il faut qu'on se mette d'accord sur une méthode. J'aimerais pouvoir me rendre en Algérie début 2019 et aborder notamment cette question», précise-t-elle. «L'idée est de parvenir à un acte de vérité afin d'avancer vers une réconciliation des mémoires, qui resteront différentes, mais qui pourront se parler, se côtoyer», estime-t-elle. Après le geste fort symbolique de la reconnaissance par le président Macron du recours systématique des militaires français à la torture, en vertu des pouvoirs spéciaux décrétés alors en 1956 par le gouvernement de Guy Mollet, qui avait donné carte blanche à l'armée pour l'assassinat méthodique des militants de la cause nationale et des moudjahidine, il est attendu d'autres gestes encore plus forts de Paris. En particulier dans la reconnaissance et l'identification des milliers de disparus algériens dans les geôles et prisons secrètes des troupes françaises en Algérie, des milliers de militants disparus, la reconnaissance des massacres du 8 mai 1945 dans le Constantinois, et les exécutions sommaires dans les casernes de l'armée coloniale. Au lendemain de la reconnaissance par la France de la disparition forcée du jeune militant et mathématicien algérien durant les premières années de la révolution, l'Association Maurice Audin a mis en ligne un site dédié aux disparus algériens (1000autres.org) intitulé 'Des Maurice Audin par milliers''. Ce site comporte le nom de chaque disparu avec sa date de naissance, sa profession, son domicile, le jour et le lieu de l'arrestation par les militaires à Alger seulement. Il s'agit du fichier, qui a été établi par le service des liaisons nord-africaines de la préfecture d'Alger, et était connu depuis l'année même de sa création, en 1957, selon le journal La Croix, qui a précisé que 'le fichier resta toutefois secrètement confiné dans les archives pendant soixante ans.'' Jusque-là tatillonne, sinon sourde aux appels d'Alger pour trouver une solution humaine à la question des disparus algériens, la France semble cette fois-ci plus disposée à aller en profondeur dans la question 'mémorielle''. Mais, pour ce faire, elle veut inclure le dossier des 'supplétifs'' de l'armée coloniale, un dossier du reste 'franco-français''. Car dans la foulée de la reconnaissance de la torture en Algérie, le président français a ranimé le dossier des harkis, ce que la secrétaire d'Etat aux Armées veut aborder lors de sa visite à Alger en 2019. Car il ne fait aucun doute que les disparus dont se préoccupe Geneviève Darrieussecq, sont bien les supplétifs de l'armée coloniale, et pour qui 'les deux pays ont besoin de temps pour aborder la question du droit au retour des harkis en Algérie''. 'Il faut être patient et persuasif et, avec nous, le ministre des Affaires étrangères continue à travailler sur le sujet'', a-t-elle ajouté. Toute la question est de savoir quelle sera la réaction d'Alger, et si cette visite pourra jamais être programmée.