Quarante-huit heures après la démonstration de force des opposants au cinquième mandat, la question la plus lancinante est de connaître l'intention du pouvoir en place. Vendredi dernier, des milliers d'Algériens lambda ont sillonné les rues des villes algériennes dans le calme pour scander des slogans hostiles au cinquième mandat et réclamer le changement. Si la réaction du gouvernement était inaudible ce jour-là, l'absence d'une répression policière face aux manifestations, interdites de facto, présageait d'une nouvelle orientation au sommet décisionnel d'autant plus que les menaces et mises en garde contre le recours à la rue n'ont pas manqué dans la bouche des responsables politiques et institutionnels. Mais aussitôt que la tempête s'est calmée, les Algériens ont assisté au retour des vieux réflexes du temps de l'ancien parti unique. Les préposés à la parole, les défenseurs d'un cinquième mandat, recrutés dans les sphères partisanes et dans les appareils appendices de l'Etat, ont reproduit le discours de circonstance, celui qu'on ressort à chaque contestation d'envergure citoyenne. Bouchareb, Ghoul ou encore Sidi Saïd ont dégainé la vieille litanie des années de braise, expliquant au peuple que sans la continuité du régime le pays pourrait revivre cette décennie noire qui l'a détruit. Cette réaction primaire et l'entêtement à ne pas vouloir entendre le bouillonnement de la rue ont provoqué la colère des Algériens qui se sont sentis insultés par l'attitude méprisante de ces porte-voix du cinquième mandat et leur obstination à les infantiliser. A l'occasion des festivités officielles du double anniversaire du 24 février qui se sont tenues hier à Adrar, les partisans de Bouteflika, partagés entre son responsable de campagne, le patronat, le syndicat et le gouvernements, ont de nouveau appelé à un nouveau mandat alors que des manifestations hostiles ont lieu dans la ville. Actuellement, sur l'échiquier politique, on est face à des partisans de la réélection de Bouteflika supportés par une logistique mise en service par l'Etat, et les adversaires d'un cinquième mandat portés par la rue. Les forces en présence semblent déséquilibrées tant l'emprise des appareils étatiques est pesante dans la vie du pays. Cette nouvelle donne exclut de manière presque définitive les structures partisanes traditionnelles au détriment d'un nouveau parti issu du peuple. En attendant ce que les prochains jours vont apporter et connaître la durée de vie de la protestation populaire, les avis restent partagés et surtout arrêtés, chacun défendant sa chapelle.