Ouyahia qui quelques jours avant la journée du 22 février a menacé que les autorités empêcheront toute tentative de faire bouger la rue en protestation contre le cinquième mandat, s'est apparemment dédit en affirmant devant l'Assemblée populaire nationale (APN) que « le peuple algérien a le droit d'exprimer son avis parce que la Constitution garantit le droit à la manifestation et au rassemblement pacifiques ». Ce même Ouyahia et son gouvernement n'ont pas pourtant eu scrupule à faire fi de ce droit constitutionnel et de façon systématique avant les mémorables manifestations de vendredi dernier. Que faut-il déduire de cet étonnant légalisme auquel semble s'être converti le Premier ministre de Bouteflika sinon qu'il tente encore une fois d'enfumer l'opinion publique en lui faisant croire qu'il n'a pas été dans l'intention du pouvoir d'empêcher les marches et manifestations contre le cinquième mandat ? Il y a en réalité tout simplement qu'Ouyahia et les tenants du cinquième mandat ont été pris au piège de leur méprisante sous-estimation de la colère populaire suscitée par leur atterrant projet et de la détermination des Algériens à s'affranchir de la peur à l'exprimer que le pouvoir leur a inoculée. Bardés de la certitude que cette peur allait encore jouer le 22 février, Ouyahia et les autres décideurs ont opté pour laisser ce qu'ils pensaient être d'isolés activistes anti-cinquième mandat descendre dans la rue et pour au constat envisagé de leur échec à mobiliser la foule, clamer que le pouvoir qu'ils dénoncent comme arbitraire et antidémocratique les a laissés manifester leur opposition. Cette vitrine d'un pouvoir respectueux des droits constitutionnels des citoyens qu'ils se sont imaginé pouvoir offrir à l'opinion internationale est l'ultime artifice à leur disposition pour contrebalancer le discrédit absolu de ce pouvoir qu'ont donné à constater les grandioses manifestations populaires. En préposé impénitent aux «basses besognes», Ahmed Ouyahia s'est chargé de suggérer que s'il n'y a pas eu de l'irréparable dans les manifestations du 22 février c'est au pouvoir que cela a été dû et non à l'extraordinaire maturité politique dont ont fait montre les milliers de citoyens qui y ont pris part et l'ont mis ainsi devant le choix périlleux pour lui de réprimer leur contestation pacifique ou de la laisser s'exprimer. Il a momentanément opté pour cette dernière attitude dont il mousse le prétendu légalisme et la hauteur de vue. Il s'en départira dès qu'il pensera avoir discerné quelque lassitude à l'œuvre dans le mouvement de protestation populaire. L'on reverra alors Ouyahia tel qu'il est toujours en réalité: arrogant, méprisant et déterminé à faire taire toute voix contestatrice.