La rue algérienne s'est réveillée et ses bruits sont autrement plus expressifs quant au refus de l'option du 5ème mandat que les interventions ambiguës du gouvernement. Le chef de l'exécutif a prévenu, tout en saluant du bout des lèvres le caractère pacifique de ces marches contre le 5ème mandat, qu'elles pourraient être instrumentalisées et se transformer en mouvements beaucoup plus violents, ce qui fatalement va menacer la stabilité et la sécurité du pays. Le message délivré lundi à l'APN lors de la présentation de politique générale par le Premier ministre est clair. Pour autant, il reste, au-delà de la situation actuelle dans le pays, sans impact sur les manifestants qui refusent non seulement une 5ème mandature du président Bouteflika, mais demandent également un changement politique immédiat. Celui-ci passerait par une alternance politique et l'arrivée de nouvelles figures politiques. Et plus que tout, la fin du système politique qui a géré le pays depuis l'arrivée du président Bouteflika au pouvoir, c'est-à-dire depuis 1999. C'est à une atmosphère de fin de règne que semblent assister en fait des Algériens dont beaucoup aspirent à un changement politique, social et économique radical. Les grondements de la rue ont cet écho des attentes citoyennes quant à un changement de régime politique en douceur, pacifiquement, et non pas dans la violence, contre-productive et dangereuse pour la stabilité du pays et ses institutions. Certes, les partis de la majorité présidentielle reconnaissent que les manifestations de rue sont 'un droit constitutionnel», mais refusent en même temps d'aller plus loin pour y voir cet impérieux et puissant besoin des Algériens de voir d'autres responsables venir à la barre du pays, le gouverner au plus près des préoccupations du peuple, sans 'hogra», avec plus de justice sociale, un pays tourné vers l'avenir. Cet aveuglement à ne pas voir dans cette explosion de colère qui renvoie à un état général d'exaspération de la société algérienne par rapport à la situation globale du pays est dangereux et peut mener à d'autres extrémités politiques. C'est le signe le plus évident qu'il faut envisager maintenant des changements radicaux, en douceur et dans la sérénité. Des voix se sont élevées ici et là pour demander un report de l'élection de quelques mois, le temps pour qu'il y ait d'autres alternatives politiques, plus apaisantes, au lieu de maintenir un agenda politique que refusent de toute évidence beaucoup d'Algériens. La situation actuelle exige assurément de la pondération et de bien comprendre les enjeux de cette élection qui est en train de dériver vers des horizons imprécis et incertains. Faut-il dès lors maintenir une candidature qui a fait sortir les Algériens dans la rue ? Ou la retirer ? Dans les deux cas, les choix sont difficiles et engagent l'avenir du pays. Pour autant, il faut compter sur la maturité politique de toutes les parties, politiques, société civile, citoyens et gouvernement, pour gérer au mieux ces moments délicats, difficiles. Même si, au fond, les Algériens ne font qu'user d'un droit constitutionnel.