«Moi, je suis sortie manifester contre le 5ème mandat», affirme une jeune étudiante à Blida, qui a vécu dans la soirée de dimanche une nuit mouvementée, avec des manifestations de jeunes après l'annonce de la candidature du Président Bouteflika à sa propre succession. A Blida, les gens s'interrogent surtout si le fait de déposer sa candidature par une autre personne, même mandatée, est légal «au regard de la constitution». «On ne sait même pas s'il sera capable de rester, vu son âge et son état de santé, plus d'une année», explique un vieil homme, à son voisin, assis à côté de lui à la place Ettout', point de rencontre des retraités et des anciens de l'USMBlida. Si la ville est calme, en cette journée printanière, à quelques dizaines de kilomètres, le campus universitaire Saâd Dahleb est agité par une seconde manifestation d'étudiants, empêchés de sortir dans la rue par des détachements de gendarmes. «Y en a marre de cette misère» scandaient les étudiants de l'Université de Blida pour la seconde journée consécutive. Même climat de contestation à Alger, où les étudiants ont scandé «non au 5ème mandat», «ce peuple ne veut pas de Bouteflika et Said», ou du FLN, «Ouyahia, dégage». Dimanche et lundi, les étudiants sont sortis, en force, pour manifester contre le 5ème mandat, à travers l'ensemble des campus universitaires. Les étudiants à Alger qui jouaient au chat et à la souris, avec les forces de police, scandaient notamment «non au 5ème mandat», alors que d'autres groupes criaient de leur côté «Pouvoir assassin», ou «FLN dégage». Dans les campus algérois, la contestation politique est lancée: «Les étudiants sont en colère, ils refusent le 5ème mandat» répétaient, à l'envi, les manifestants à Bab Ezzouar, dimanche. Sur les réseaux sociaux, c'est le direct sur les différentes manifestations populaires contre le 5àme mandat. A Guelma, c'est «El Hogra, barakat!», scandaient les étudiants dans une ville submergée par des milliers d'étudiants, qui ont manifesté dans le calme. «Ya Bouteflika, barakat», criaient-ils lors d'une marche à travers la ville. Ailleurs dans le pays, des marches populaires contre le 5ème mandat ont été également organisées, en particulier à Batna, où plus de 100.000 personnes avaient manifesté, selon les organisateurs. Pour autant, ce sont surtout les commentaires qui fusent de la rue qui sont les plus expressifs de la situation sociale et politique, dans laquelle est embrigadé actuellement le pays. Pour les plus modérés, «rien n'a changé dans ce pays depuis l'indépendance : le pouvoir ne veut pas s'en aller», estiment des habitants de Blida. A Alger, la colère est encore plus profonde : «moi, Bouteflika, je ne le connais pas. La hogra, oui», explique ce jeune, revendeur à la sauvette dans les vieux quartiers d'Alger. «Barakat el hogra ! Les jeunes meurent en mer, ils partent, car ici ils n'ont aucun avenir», ajoute t-il, affirmant avec une grande fierté avoir «marché vendredi 1er mars, et j'irai manifester ma colère vendredi prochain.» «Le pouvoir doit tomber, sinon changer», nous dit un homme, la cinquantaine, qui se dit «exaspéré par la situation actuelle du pays.» «Qu'un président insiste pour aller vers une présidence à vie, alors que son état de santé ne le lui permet pas, est un grand mystère pour moi». «Je n'ai rien compris à tout ce qui se passe : comment un président malade, peut-il se présenter comme candidat à sa succession ? Cela serait-il possible dans un pays qui se respecte ?», s'interroge un autre, qui flânait à Alger, du côté du Front de mer, en face de la vieille médina. Les étudiants des Universités des Constantine ont organisé, hier, des marches à l'intérieur des campus, scandant des slogans contre la candidature de Bouteflika à un 5ème mandat. L'adhésion n'était pas aussi massive que les précédentes marches, poussant certains manifestants jusqu'à aller chasser des étudiants des amphithéâtres et des salles de cours à l'Université Salah Boubnider Constantine 3', et les fermer, pour pousser ces étudiants studieux, du moins se considérant non concernés par la marche, à rejoindre les rangs des manifestants. Il faut relever que les résidences universitaires se sont vidées de leurs occupants, car pratiquement tous les étudiants résidents hors wilayas ont rejoint leur domicile, en attendant que les choses reviennent à la normale, nous ont affirmé des étudiants qui se dirigeaient vers la gare routière pour rentrer chez eux, pour au moins une semaine. Enfin, le petit groupe formé au départ de la manifestation deviendra plus imposant au fil des minutes. Puis, la marche à l'intérieur des campus a débordé dans la rue, malgré la tentative des agents de sécurité et des services d'ordre, déployés à l'extérieur du campus, pour les empêcher d'investir la rue. Des manifestants rejoindront, ainsi le centre-ville de Constantine, où ils observeront un rassemblement devant le palais de la Culture Mohamed Laïd Al Khalifa. Avant de se disperser dans le calme. A Oran, des manifestations ont été enregistrées, dimanche soir, en plusieurs lieux. Que ce soit à Blida, Alger, Oran ou dans les autres villes ou villages du pays, c'est le même sentiment qui se dégage : non au 5ème mandat. Dimanche soir, Abdelghani Zaalane, directeur de campagne de Bouteflika a déposé le dossier du chef de l'Etat sortant. Zaâlane a lu, à cette occasion, une lettre de Abdelaziz Bouteflika, dans laquelle ce dernier s'est engagé à organiser une élection présidentielle anticipée, dont la date sera arrêtée par la conférence nationale, élection à laquelle il ne prendra pas part.