La nomination par le président Bouteflika d'un gouvernement conduit par le Premier ministre Noureddine Bedoui dans lequel étrangement Ahmed Gaïd Salah, le chef de l'état-major, a été confirmé au poste de vice-ministre de la Défense n'est pas un poisson d'avril comme aurait pu le suggérer le timing de son annonce. Elle apporte confirmation que le sommet du pouvoir qui a paru être divisé par la solution à apporter à la crise politique qui secoue le pays est parvenu à s'entendre sur un règlement qui satisfait autant le président et son clan que le chef de l'armée et le sien. La rupture entre Bouteflika et Gaïd Salah n'a pas été provoquée par leur divergence sur la transition qui doit combler le vide qu'entraînera l'inéluctable départ du premier mais sur la forme que celui-ci prendra. Les deux hommes tiennent tous deux en effet à une transition s'effectuant dans le cadre constitutionnel. Ce qui a provoqué le « clash » entre eux est que Gaïd Salah pensant calmer et amadouer le mouvement citoyen qui réclame le départ de Bouteflika s'est rallié aux partisans de l'activation de l'article 102 dont celui-ci ne veut pas qu'il soit le déclencheur de la transition. Il paraît quasi certain qu'après avoir haussé le ton pour qu'il soit fait application de cet article 102, Gaïd Salah a obtenu la satisfaction que la déclaration de vacance soit constatée au plus tôt mais par le biais de l'annonce par Bouteflika de sa démission, une fois qu'il aura validé tous les intervenants qui auront à charge de piloter la transition dans le cadre constitutionnel. Mais si le deal évident auquel sont parvenus les deux pôles du pouvoir éteint probablement la confrontation à laquelle ils se sont livrés, il a peu de chance de voir se rallier à lui le mouvement populaire qui ne veut pas entendre parler d'une transition dans le cadre constitutionnel qu'il dénonce comme voulue pour faire échec au changement radical revendiqué par le peuple. Par calcul politicien, certains partis politiques et personnalités nationales semblent vouloir acquiescer au processus transitoire annoncé par la nomination du gouvernement Bedoui et ne demander que quelques assurances sur la transparence et la régularité des échéances électorales auxquelles il mènera. Mais ce qui va être déterminant sera ce que la rue dira au constat que tous ceux qui grenouillent et magouillent au sommet de l'Etat sont en fait d'accord pour la flouer des avancées à la démocratie et au concept de souveraineté populaire qu'il a fait faire au pays. Autant dire que si la crise au sommet de l'Etat paraît s'estomper, celle dont le mouvement populaire est le protagoniste risque de connaître d'imprévisibles développements.