La guerre entre les pouvoirs en place et les réseaux occultes fait rage depuis que Gaïd Salah s'est placé comme arbitre entre la rue et le clan présidentiel et que le chef de l'Etat a accepté de remettre sa démission dans les jours à venir. Nouvelle salve -celle-là puissante- contre le pré-sident de la République, un communiqué d'une teneur effrayante tourne, depuis hier, en boucle sur des réseaux sociaux bien huilés et bien rémunérés. Il porte le sceau de la présidence de la République et la signature du conseiller de Bouteflika, Mohamed-Ali Boughazi. L'homme n'a rien d'un conspirateur ni d'un manipulateur. D'une discrétion et d'une humilité rares, Boughazi ne pourrait accepter d'être mis au-devant d'un conflit qui sent une recomposition acharnée des pouvoirs en prévision de la fin du mandat du chef de l'Etat. Le communiqué fait part «d'un déploiement des forces de la Garde républicaine et d'autres qui lui sont alliées autour du bâtiment de la présidence de la République, des résidences d'Etat, du siège de la télévision publique (...)». Les délateurs vont plus loin en écrivant qu'«au regard de cette déliquescence (...), le président a mis fin aux fonctions de Gaïd Salah (...) et le prévient qu'il le prendrait pour responsable de toute éventuelle atteinte à sa personne ou aux membres de sa famille (...)». Nouvelle intox, un tel communiqué pourrait cependant initier sur de nouvelles orientations aux événements à venir. Il est nécessaire de noter que des observateurs avaient vite fait part de leurs inquiétudes lorsqu'ils avaient relevé l'absence dans le conclave de l'état-major du MDN, mercredi dernier, du général de corps d'armée Benali Benali, commandant de la Garde républicaine, et aussi celle des cinq autres commandants de région. La Garde républicaine, une force de dissuasion Des analystes nous ont rappelé, dans cet ordre d'idées, que la Garde républicaine occupe une place prépondérante dans le nouvel organigramme de la défense nationale qui a été mis en place conséquemment aux restructurations introduites au sein du département du renseignement et de la sécurité (DRS), de la direction générale de sécurité et de la protection présidentielle (DGSPP) et de la direction de la sécurité intérieure (DSI). C'était en 2015, année où le patron du DRS a été mis à la retraite par le chef de l'Etat et, entre autres changements de têtes, le général de corps d'armée Benali Benali a été nommé à la tête de la Garde républicaine en remplacement de Ahmed Moulay Melliani. C'est Gaïd Salah qui l'avait installé à son nouveau poste le 26 juillet de la même année. Nos sources notent à cet effet que depuis la nomination de Benali et la restructuration des services de défense, la Garde républicaine est chargée d'assurer la protection et la sécurité de la capitale en lieu et place de la 1ère région militaire. Son redéploiement a été ainsi adapté à ses nouvelles missions avec en main plus de six bataillons constitués de troupes d'élite. Une véritable force d'intervention et de dissuasion. Le communiqué qui cherche à l'impliquer dans la crise politique du pays est d'une dangerosité absolue. «Je ne suis pas au courant de ce communiqué et je ne suis pas habilité à signer quoi que ce soit à la présidence de la République», a dit hier Boughazi, avec une voix quelque peu tremblante en réponse à des questions posées par téléphone sur une chaîne de télévision privée. Intox, manipulation et confrontations des pouvoirs La trame et l'esprit du communiqué en question pourraient définir des forces en confrontation dans un contexte où tous les coups sont permis. Depuis qu'il a rendu public son plan de «sauvetage» de la République et de là, la disponibilité du chef de l'Etat de remettre bientôt sa démission, le vice-ministre de la Défense, chef d'état-major, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, a réussi, pour l'heure, à gagner un tant soit peu la confiance de la rue qui, de «Bouteflika rayah, rayah, edi maâk Gaïd Salah» brandi vendredi dernier, a scandé hier «nous sommes tous dans la même tranchée (elkhandak) que Gaïd». Les événements défilent et se bousculent de minute en minute. Les tenants des manœuvres font vite pour gagner du terrain et des positions. Dans cet engrenage politico-militaire, l'ancien président de la République, Liamine Zeroual, est rentré hier en jeu publiquement pour confirmer son rapprochement avec l'ancien patron du DRS, le général Toufik. Donc, pas de fumée sans feu, Zeroual a bien rencontré Toufik mercredi dernier. «J'ai rencontré Toufik à sa demande, il m'a proposé de présider une instance pour la période de transition, il m'a assuré que cette proposition a été prise en concertation avec Saïd Bouteflika (...). J'ai conseillé qu'il ne faut pas entraver la marche du peuple (...). Les tenants du pouvoir doivent faire preuve de raison et de sagesse pour éviter tout dérapage (...)», a-t-il écrit dans la lettre qu'il a rendue publique hier. Selon toute vraisemblance, Zeroual est placé entre Gaïd et Toufik comme pour trouver un terrain d'entente et des marges de manœuvres les plus larges possibles pour que tous les pouvoirs présents et anciens se repositionnent. A l'heure où nous mettons sous presse, nous apprenons que le chef d'état-major a convoqué, hier, au siège du MDN une réunion d'urgence avec les commandants de forces y compris celui de la Garde républicaine ainsi que les 6 chefs de région. Des démentis et des décisions seraient prévus pour mettre un terme aux dangereuses informations qui circulent dans le pays. Un communiqué devait être rendu public à l'issue de ce conclave de la défense.