Des centaines d'avocats du barreau d'Oran ont organisé, hier matin, une marche pour exiger le départ du système et l'avènement d'une justice libre et indépendante. Après avoir suspendu leurs activités judiciaires pendant quatre jours pour marquer notamment leur refus de l'organisation de l'élection présidentielle sous la conduite d'un gouvernement rejeté par le peuple, les robes noires ont décidé de porter leurs revendications dans la rue, à l'occasion d'une marche inédite depuis le début des manifestations populaires en février dernier. «Nos revendications sont celles du peuple. Nous voulons le départ du pouvoir en place et l'instauration d'une nouvelle république à même de répondre aux aspirations des Algériens», a indiqué l'un des manifestants en soulignant que cette république n'est pas possible sans une justice libre et indépendante. Emblème national et banderoles de revendications dans les mains, les avocats ont marché de la nouvelle cour de justice au tribunal correctionnel de Cité Djamel en lançant des formules hostiles au pouvoir, à Bensalah et Bedoui. Reprenant à leur compte le célèbre slogan «klitou leblad ya serrakine (vous avez pillé le pays, voleurs)», les manifestants ont également réclamé des poursuites judiciaires contre les auteurs de ce pillage de 20 ans. Hasard ou acte réfléchi, ce slogan et cette exigence ont été lancés au moment où les marcheurs sont arrivés à hauteur du siège Sonatrach-Aval où des voix se sont élevées pour exiger le départ du très controversé P-DG du groupe Sonatrach : «Ould Kaddour, dégage !», ont crié les manifestant en joignant ce nom aux deux «B», vilipendés tout au long de la marche. Un sit-in d'une dizaine de minutes a été improvisé sur le perron du tribunal correctionnel de Cité Djamel, en face de justiciables solidaires et manifestement contents de voir des avocats manifester pour une justice indépendante. Les avocats ont profité de cette halte pour lancer un appel en direction des magistrats afin qu'ils prennent part au combat pour une justice libre. «Les magistrats, comme les avocats, les huissiers ou les greffiers, sont concernés par cette lutte. Ils doivent rejoindre le mouvement s'ils veulent que la justice s'affranchisse de tous les pouvoirs et des coups de téléphone», s'est énervée une avocate, exaspérée par le silence de magistrats que les robes noires interpellent à l'occasion de chaque manifestation. Après le sit-in, les manifestants ont pris le chemin du retour en direction du palais de justice où ils sont arrivés, accueillis par des klaxons d'encouragement d'automobilistes arrêtés par les agents de police pour permettre aux marcheurs de traverser le périphérique. La marche s'est achevée par un rassemblement sur le parvis du palais de justice au cours duquel les avocats se sont égosillés contre le système, Bensalah, Bedoui, la corruption et la justice aux ordres. Au moment où les robes noires se dispersaient, des étudiants de la faculté de droit de Belgaïd qui marchaient sur le siège de la wilaya ont fait leur apparition au rond-point d'El Morchid avant de s'arrêter devant l'entrée de la cour de justice pour exprimer leur solidarité avec les avocats et lancer des slogans hostiles au pouvoir.