Il est (presque) impossible pour les autorités algériennes de récupérer l'argent transféré illégalement ou par des moyens légaux à l'étranger par des personnes actuellement en détention préventive. L'expert économiste Kamel Rezig a expliqué, hier dimanche à la radio nationale, que «nous ne savons pas quel est réellement le montant des fuites d'argent. On ne sait pas quel est le montant de cette fuite, mais on est en train de constater que ce sont des chiffres énormes». Selon lui, le problème des autorités pour récupérer cet argent est «de déterminer quel est son montant, ensuite, sous quels noms et quels comptes cette somme faramineuse a été transférée à l'étranger». «Il faut déterminer où se trouve cet argent et sous quels noms, et il est à prévoir une bataille juridique et diplomatique pour ramener cet argent», précise-t-il, rappelant que les 12 milliards de dollars détournés par Rafik Khalifa, durant sept ans d'une grosse bataille juridique, n'ont jamais été ramenés. «Aucun dollar n'a été ramené», précise M. Rezig, selon lequel «les 12 milliards de dollars détournés par Khalifa sont partis en fumée, en Angleterre et en France, sous des prête-noms. «C'est là où réside le dilemme pour les autorités algériennes: il faut savoir sous quel nom et où cet argent a été placé, ensuite, il faut envisager une bataille juridique et diplomatique pour le ramener. Ces gens-là ont utilisé des prête-noms, on est dans l'incapacité de savoir où est cet argent, et donc, il est impossible de le ramener», estime-t-il. Pour cela, il préconise de «marchander avec ces gens-là pour ramener l'argent. On doit négocier avec ces gens-là et faire comme la Russie. Il ne s'agit pas de quelques milliards, mais de sommes faramineuses qui appartiennent aux Algériens. On ne peut accepter de ne pas les ramener». Et de s'interroger: «Est-ce que la Suisse et la France vont nous redonner cet argent ? On n'a pas réussi à récupérer les 12 mds de dollars de Khalifa, répartis entre la France et la GB». Pessimiste, il affirme que c'est « quasiment impossible de ramener cet argent de plusieurs pays ». «La fraude s'est faite de telle manière à ne laisser aucune trace. La fuite de capitaux s'est faite sur la base de surfacturations, ils n'ont pas laissé de traces». «Tout comme l'Irak et la Syrie qui n'ont pas récupéré leur argent, c'est quasiment impossible pour les autorités algériennes de ramener l'argent des transferts illicites», estime-t-il encore. Mais «c'est un combat juridique, politique, diplomatique. Les gens d'El Harrach ont pu frauder pendant 20 ans et utiliser les moyens de l'Etat pour détourner cet argent, et le dilemme qui se pose à l'Algérie est de pister où se trouve cet argent, dans quels pays arabes, européens, asiatiques ou dans des sociétés écrans». Selon lui, le gouvernement va «utiliser tous les moyens légaux pour pister cet argent et on va utiliser tous les moyens, dont les accords bilatéraux, pour récupérer cet argent. Ce sera très difficile, et même en Algérie il est difficile de pister ces détournements». Sur la préparation de la loi de finances 2020, M. Rezig a indiqué qu'elle est «en cours», mais «sans que le gouvernement ait un programme économique». «Et donc, sur quelle base le gouvernement est en train de préparer la loi de finances 2020? Il y a des exigences, c'est le moment des arbitrages, et il y a aussi, précise-t-il, le fait de faire passer le PLF 2020 avant le 30 août 2019 pour être déposé en septembre devant l'Assemblée nationale». «Le dilemme est qu'on ne sache pas sur quelle base ils préparent le PLF 2020", relève-t-il, avant de souligner que « le gouvernement a décidé d'arrêter la planche à billets, mais utilise les 1.000 mds d'Ouyahia». Pour 2020, il table sur un gros déficit budgétaire: «Si on garde le même principe de 2019, on va avoir un budget avec un déficit de 2.500 mds de dinars pour 2020. C'est un cadeau empoisonné pour le prochain gouvernement», estime-t-il. Dès lors, il préconise «un règlement rapide de la crise politique pour aller vers des élections présidentielles dans les plus brefs délais, car la raison économique prime sur les autres objectifs pour trouver des solutions, car en 2020, ce sera très difficile en matière économique». «Il faut dès maintenant préparer le budget 2021, nous sommes dans une phase très délicate, les indicateurs sont au rouge, et la poursuite de cette situation politique sera catastrophique pour l'économie nationale», explique encore cet expert économiste.