Le régime d'Omar El Béchir est désormais un lointain souvenir dans la nouvelle configuration géopolitique du Soudan. Après avoir littéralement pris le pouvoir dans la rue, le peuple soudanais amorce aujourd'hui une inexorable marche vers l'émergence d'une société démocratique avec un gouvernement civil, des institutions républicaines nouvelles. Après des décennies d'errements politiques, un pouvoir dominé par une junte militaire qui obéissait au doigt et à l'œil à Omar El Béchir, ce colonel qui avait pris en 1989 le pouvoir après un putsch contre le Premier ministre Sadek El Mehdi, le Soudan est revenu, du moins pour le moment, doucement et sûrement vers un pouvoir civil. Une légalité constitutionnelle qui devrait cependant être validée lors de prochaines élections générales que le gouvernement de transition, qui sera installé dans les prochaines semaines, décidera. L'accord global entre les civils et l'armée sur la transition qui a été conclu samedi 3 août sera officiellement signé le 17 août. Une date importante pour ce pays martyrisé, qui devra faire rentrer dans leurs casernes les militaires et, surtout, remettre le pouvoir à un gouvernement civil. Même si le chemin d'un vrai retour à la démocratie et la paix civile reste encore tributaire de beaucoup d'éléments, notamment la « pacification » des seigneurs de la guerre et le retour définitif des militaires dans les casernes et, au-delà, éviter les dangers des divergences entre ethnies et le casse-tête des confessions qui ont été jusque-là instrumentalisées par les puissances occidentales. La partition du Soudan en est la preuve de cet acharnement des lobbies occidentaux à prendre pied dans le Sud où le pétrole reste un enjeu régional majeur. La situation du Soudan ne peut, par ailleurs, ne pas être étendue à l'Algérie qui vit pratiquement les mêmes symptômes politiques, à savoir organiser sereinement les fondements d'une transition politique saine, sereine, citoyenne. L'instance de dialogue et de médiation, qui a annoncé qu'elle va lancer prochainement des rounds de discussions avec l'ensemble des acteurs politiques pour ouvrir la voie à un début de décantation politique devant mettre fin à la crise actuelle, a cependant du plomb dans l'aile, car, pour l'opposition, elle véhicule en réalité les propositions de sortie de crise du pouvoir. Et donc qui n'a que peu de crédibilité aux yeux de l'opinion publique. La difficulté d'assurer une vraie transition politique est là, contrairement aux Soudanais qui ont réussi à conclure un deal avec l'armée et mettre en place une transition qui sera encadrée par trois instances, à savoir le Conseil souverain (qui sera nommé le 18 août - et comptera cinq militaires et six civils), un Conseil des ministres dirigé par un Premier ministre, qui sera nommé par les civils le 20 août. Et, dans trois mois, un Parlement devra être mis en place. En moins de deux semaines, les Soudanais ont réussi, après des moments difficiles, à s'entendre sur une plateforme de sortie de crise, avec l'implication de l'armée qui abandonne de facto la scène politique. Ici, la crise perdure et la question qui se pose alors est de savoir si c'est vraiment compliqué de s'entendre sur un minimum politique pour prémunir le pays des dangers qui le guettent.