Selon le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Mohamed Miraoui, les agressions à l'encontre des personnels des établissements de santé ont atteint 1.922 cas d'agressions physiques et 27.909 agressions verbales enregistrées au cours du premier semestre de l'année 2019 au niveau national. Le ministre a fait état d'une série de mesures «urgentes» pour faire face à ce phénomène. Dans une déclaration à l'APS, le ministre a précisé que ces mesures portaient sur l'organisation des services accueillant les patients et leurs accompagnateurs, la formation des agents de sécurité au niveau de ces établissements et des instructions données aux responsables des établissements relevant du secteur en vue d'ester en justice les auteurs de ces actes. Le premier responsable du secteur de la santé a rappelé que «626 affaires judiciaires avaient été engagées par les établissements contre les auteurs d'agressions sur le personnel du secteur ou de la dégradation des biens publics». Par ailleurs, M. Miraoui s'est interrogé sur la différence dans le comportement des citoyens dans les secteurs public et privé, ajoutant qu'au moment où les accompagnateurs du patient agressent pour les raisons les plus simples les employés du secteur public en dépit des soins gratuits qui leur sont prodigués, cette même catégorie de citoyens «se comporte correctement au niveau du secteur privé». Il a appelé à ce propos à «faire des études sociologiques en vue de connaître les raisons derrière cette différence». Le ministre a affirmé aussi que son département «veille au renforcement des unités d'urgences médicales d'agents de sécurité en nombre suffisant, à l'amélioration de l'accueil, tout en humanisant le service au niveau des établissements de la santé». Il a annoncé «la formation des agents de sécurité par le secteur et l'installation élargie des équipements de surveillance au niveau des établissements de santé notamment dans les services d'urgences, outre la consécration d'espaces d'attente pour les accompagnateurs de malades de façon qu'ils soient isolés des salles de soins et des salles d'attente réservées aux malades». Il a également fait état «d'un projet en cours d'évaluation portant sur la possibilité de recourir à la signature de conventions avec des entreprises de gardiennage compétentes conformément à la loi». Les «urgences» plus exposées Les personnels des services des urgences médicales et d'obstétrique sont les plus touchés par les violences physiques ou verbales en milieu hospitalier, commises par les accompagnateurs des malades dans 90% des cas, selon différents acteurs du secteur. Si certains imputent ces agressions à la pression que subissent les personnels de ces services face à la demande croissante, d'autres l'attribuent au manque de moyens, à la désorganisation qui règne dans certains établissements hospitaliers et à l'apparition de comportements étranges chez certains patients et accompagnateurs. A l'hôpital public Salim Zemirli d'El-Harrach (Alger), le service des urgences médico-chirurgicales est en première ligne, selon son directeur, Abdelhamid Bouchelouche. Certes, les agressions à l'encontre du personnel de cet établissement ont baissé, mais le phénomène «persiste», a affirmé le responsable, indiquant qu'il a été à maintes fois fait appel aux services de sécurité pour mettre un terme aux agressions. Selon M. Bouchelouche, toutes les mesures prises en matière de sensibilisation, de changement des agents de sécurité, d'amélioration des conditions et des moyens de travail dans le pavillon des urgences, au bloc opératoire et dans le service d'imagerie, et l'installation de caméras de surveillance, n'ont pas encore permis de venir à bout de ce phénomène qui n'épargne ni le personnel ni le matériel. L'administration de l'hôpital a eu recours à la justice et les auteurs d'actes de dégradation des biens de l'établissement ont été condamnés à de la prison. Quant aux affaires individuelles de violences à l'encontre des personnels hospitaliers, il a signalé que «de nombreuses victimes finissaient par retirer leurs plaintes par crainte de représailles». Pour Abdeslam Bennana, directeur général du CHU Mustapha Bacha (Alger), le phénomène de violences et d'agressions en milieu hospitalier est «étranger à la société algérienne». Sa propagation, au cours des dernières années, est due à plusieurs facteurs, notamment «la pression sur les services des urgences où 80% des cas admis ne représentent pas de véritables urgences», a-t-expliqué. «Hormis quelques rares cas, l'établissement n'enregistre pas d'agressions physiques», a-t-il rassuré, rappelant que les agressions étaient surtout le fait des accompagnateurs des malades. M. Bennana explique l'absence de ces agressions physiques par l'emplacement de l'hôpital qui se trouve «à proximité d'un commissariat de police et son renforcement en agents de sécurité». Au CHU de Beni Messous, les agressions quasi inexistantes Le Centre hospitalo-universitaire (CHU) Issad Hassani de Beni Messous est un hôpital «où les cas d'agressions physiques sont quasi inexistants», à la faveur de l'organisation du service des urgences selon les cas de gravité, a révélé son directeur, M. Boufassa. Au CHU de Beni Messous, les urgences médico-chirurgicales sont dotées de trois espaces, l'un dédié aux urgences médicales ne nécessitant pas une longue attente et prenant en charge le patient dès son arrivée, l'autre pour les cas moins graves, avec une prise en charge en moins d'une demi-heure, alors que le 3e est dédié aux cas bénins, où le patient peut attendre une heure ou plus. Ainsi, poursuit M. Boufassa, l'établissement s'est prémuni à 90% des agressions, notamment physiques, tandis que les agressions verbales persistent toujours.