Le Conseil national du RND a entériné, vendredi dernier, la candidature de son secrétaire général par intérim dont le discours a été d'une clairvoyance rare. Azzedine Mihoubi ne figure pas dans le palmarès politique national. Ce n'est pas un homme politique ou du moins n'en n'a pas été un, même depuis qu'il est apparu sur la scène partisane sous l'étiquette RND. Les membres du Conseil national du parti l'avouent quand ils affirment qu'il a « un riche bagage scientifique et culturel et de hautes qualifications en matière de gestion des affaires publiques, à travers l'expérience acquise dans les différentes hautes fonctions de l'Etat qu'il a assumées, l'habilitant à se porter candidat au poste de président de la République ». En d'autres termes, l'ancien ministre de la Culture est connu pour être un homme de lettres, du roman, du poème et de la prose dans toute leur splendeur, manipulant la langue arabe avec une aisance qui ravit l'ouïe. Pourtant son discours de clôture vendredi dernier, de la 7ème session du Conseil national de son parti a étonné plus d'un de par son caractère politique pragmatique et lucide. Pour cette fois, il s'est déplacé de la tribune « littéraire » vers celle purement politique. Il est candidat à la candidature des élections présidentielles du 12 décembre prochain. Il a défendu « constitutionnellement » son droit de l'être. Mihoubi défie le diable en étant candidat à une élection à laquelle le Hirak' lui dénie le droit de participer. « Celui qui exclut notre parti, qu'il se présente lui aussi devant le peuple, quel que soit le résultat de ces élections, nous l'accepterons parce que nous savons que le peuple est souverain, » a-t-il affirmé lors de la conférence de presse qu'il a animée, le jour même. « Pensez à demain », est son slogan de campagne électorale, période durant laquelle il appelle les citoyens « à faire preuve de discipline et de respect des règles et principes démocratiques ». Il réfute le fait de revenir sur le passé d'un RND intronisé par la fraude. Pour lui, il ne s'agit donc plus de la machine électorale que le pouvoir a l'habitude de mettre en marche pour gagner des élections. Il s'engage à cet effet, « à poursuivre le processus d'affranchissement des pratiques négatives qui prévalaient, dans le passé, sur la scène politique (...) ». Il ne doit pas en être le candidat du pouvoir parce que le Haut Commandement de l'armée ne va pas contredire le Hirak'. Ce mouvement populaire qui scande en faveur de la démocratie et du respect des libertés individuelles et collectives, refuse avec hargne de voir sur la scène nationale les partis qui ont toujours soutenu le pouvoir. Le RND, le FLN et leurs auxiliaires sont donc blacklistés. Mihoubi part donc en perdant. Mais il aura eu ce courage de défier tout le monde en se portant candidat à la candidature. Son programme, il n'en a pas un « classique ». Il pense poser « de grandes questions intellectuelles et politiques » au peuple pour cadrer « une approche politique commune qui sera la plate-forme d'une Algérie nouvelle ». Il compte aussi s'inspirer des expériences réussies dans le monde.» Contrairement aux politiques qui ont retiré, avant lui, les formulaires de leur candidature, Mihoubi a été très fin en insinuation et en allégories estimant, entre autres, que sa foi « en la liberté, le pluralisme et la coexistence ne signifie, aucunement adopter, le silence face à certains avis non démocratiques qui prônent l'exclusion, issus d'une logique populiste et de surenchères politiciennes ». Le SG par intérim du RND estime que l'élection prochaine nécessite le recours « à d'autres forces politiques et syndicales, à des personnalités ainsi qu'à des acteurs actifs de la société. Nous veillerons à ce qu'il y ait une large adhésion en faveur du candidat pour hisser la concurrence à un haut niveau ». Il accepte ainsi de contribuer à une élection qui a besoin de beaucoup de prétendants pour tenter de transcender les menaces de son annulation.