Le Grand Sud, ce pays utile oublié par l'Algérie «inutile», revient dans la bouche des hommes politiques à chaque fois que les Algériens sont convoqués aux urnes, comme c'est le cas pour la présidentielle du 12 décembre prochain. Véritable trésor grandeur nature de l'Algérie utile, vérité de La Palice que de dire que le Grand Sud algérien a toujours été le dernier de la classe dans la redistribution de la gigantesque rente, tirée des revenus des énergies fossiles enfouies sous son sol. Au point que l'un des candidats, lors d'un speech électoral à Adrar, a carrément parlé de «hogra politique» dont sont victimes les populations du sud du pays. Pour parler la «langue froide» des statisticiens, moins de 200 milliards de dinars (2,6 milliards d'euros) ont été consacrés au développement des régions du Grand Sud de 1999 à ce jour. Un peu comme celui qui verse une goutte d'eau dans un océan, que peut représenter une telle bagatelle -laquelle convertie en monnaie plus cotée que notre dinar- quand on prend la réelle mesure de l'argent fou -sans parler des milliards dérobés !- englouti par l'Algérie depuis le recouvrement du soleil de la liberté ? Autre question des plus «cabalistique», est de savoir pourquoi la plus grande portion du pays, toujours considérée comme «inutile», se retrouve comme par enchantement au centre d'intérêt des cinq postulants au Palais d'El Mouradia, quand on connaît à quel point ces populations laissées pour compte ont souffert de voir des gens manger sous leurs yeux écarquillés, en leur laissant des miettes pour seule pitance. Au-delà de la logique froide, presque scélérate, des chiffres, comment prendre confiance en l'avenir quand on connaît -juste pour l'exemple- que l'argent supposé dérobé par les «locataires» des centres pénitentiaires aurait donné un grand coup de fouet au développement dans ces vastes régions du Sud ? Faut-il se résoudre à arracher son droit par la force, forcément condamnable, dans un pays où tous les moyens conformes à la loi ne mènent plus qu'à un véritable cul-de-sac ? Seul un partage équitable de la richesse du pays entre tous les Algériens demeure l'un des moyens de projeter le pays vers des horizons salvateurs. Donner à vivre à Mohamed pour conjurer la volonté de mourir -dans la dignité- de Larbi n'est certainement pas le meilleur moyen de léguer un devenir -des plus angoissant- à nos enfants, ni contribuer à dissiper l'atmosphère anxiogène qui sape le moral à tout le pays. N'est-il pas vrai que l'Algérie, depuis le début du siècle naissant, a tellement gaspillé son temps -et son argent- à entretenir ses trottoirs que tout un peuple se retrouve sur le carreau, ou plutôt dans la rue ?!