Samedi 7 mars, il est presque 6h du matin. Le jour ne s'est pas encore levé et les rues sont vides. Un temps froid, presque glacial, sévit dehors. L'autobus fait le tour de la ville pour ramasser la trentaine de membres de l'expédition en partance pour un périple mémorable vers l'ouest des monts de l'Ouarsenis, via la route nationale N°90. Le dernier membre de l'expédition embarqué à hauteur du lycée « Aflah », nous entamons un long et inoubliable périple à travers des paysages à couper le souffle, jusqu'à presque la localité de Ramka, à une douzaine de kilomètres de Ammi Moussa, à quelque 80 kilomètres au sud-est de la capitale de la Mina, Relizane. La lumière du soleil commence à éclairer notre route alors que nous atteignions la localité de Boughaiden, relevant de la commune de Had Chekala, où s'offre à notre vue le massif de l'Ouarsenis à cheval sur sept wilayas, avec des superficies immenses de cultures maraichères, de la pomme de terre surtout, pastèque et autre melons cultivés sous serre, avec une maitrise et une minutie que seules des mains expertes dans le travail de la terre savent le faire. L'on saura que les populations, chassées par les terroristes, sont presque toutes revenues à leurs terres pour les irriguer de leur sueur, après avoir été irriguées de leur sang. Dans la localité de Zebboudja, l'immensité des champs de maraichages, irrigués avec un système d'arrosage par aspersion, nous laissent presque rêveurs de ce que peut devenir ce pays-continent, si l'on accordait un peu plus d'attention au travail de la terre nourricière. Nous arrivons à Aïn Tarik, où nous sommes accueillis par notre guide, M. Lahcene Med, professeur d'histoire à la retraite et écrivain, aux connaissances encyclopédiques sur l'histoire de la région. Flanqué de plusieurs de ses amis d'une bonté proverbiale, tous habitant la région de Had Chekala et Aïn Tarik, notre guide nous présente l'itinéraire à respecter, à travers une forêt verte, dense et luxuriante, jusqu'à notre point de chute où nous attend une surprise épique ! Au point équidistant entre les trois wilayas de Tiaret-Relizane et Tissemsilt, sur le vers sud-ouest de l'Ouarsenis, nous abandonnons notre bus pour faire une plongée mémorable à travers des paysages féériques, fait d'une nature exubérante, avec une variété de végétaux, arbres, cascades, oueds et autres thalwegs. En parfait connaisseur du terrain, notre guide flanqué de son bâton de randonnée, est déjà à plusieurs dizaines de mètres devant nous. Certains randonneurs, membres de l'expédition, commencent déjà à tirer la langue, tant l'effort est soutenu et le terrain, sous nos pieds, très accidenté. Des miradors, ces yeux qui ne dorment jamais des détachements de l'armée déployés dans cette région meurtrie par les années de braise du terrorisme, sont présents presque partout, donnant un sentiment de sécurité aux membres de l'expédition, émerveillés par une nature exubérante et par l'immensité de ces anfractuosité plongeant jusqu'à des dizaines de mètres plus bas, dans des sortes de canyons couverts d'une épaisse couche d'argile gréseuse. Le cimetière des 1061 chouhada Le relief escarpé, à travers des sentiers étroits et sinueux, devient de plus en plus dur pour les randonneurs, heureusement accompagnés par le Dr Benhmaed qui veille au grain. Sur le point d'arriver à notre point de chute final après plus de 12 kilomètres de marche et plus de mille mètres d'altitude selon le GPS de notre ami Ahmed Farrah, la découverte est saisissante : un calme absolu et un environnement ambiant saturé d'oxygène et d'air pur, des lieux idylliques restés à l'état vierge, emplis d'une beauté à couper le souffle au sommet du Djebel Bourokba. Nous prenons place sur une clairière juchée sur une crête boisée où les membres de l'expédition, lessivés par tant d'efforts, décident de marquer une longue et bienfaisante halte. Certains se débarrassent de leurs chaussures devenues trop douloureuses, d'autres s'affalent carrément par terre pour reprendre leur souffle. Visiblement vanné par une escalade jusqu'à plus de 1000 mètres d'altitude, le président de l'association « Essalam El Akhdar », à l'origine de cette mémorable expédition, se laisse carrément chuter sur un tapis en plastique tressé pour piquer un petit somme ô combien réparateur. Pascal, naturaliste à ses heures perdues, installe son hamac entre deux pins d'Alep, pour prendre, lui aussi, un moment de répit. Cerise sur le gâteau : un couscous garni de légumes bio, viande de poulet, sodas et autre café cuit à la braise, les membres de l'expédition sont chouchoutés, et gratifiés d'une grandiose réception en pleine forêt, avec une vue époustouflante sur le plateau du Sersou au loin à l'horizon et la vallée basse de Oued Rhiou sous nos pieds. Nous entamons, enfin, la dure épreuve du retour vers Tiaret, au milieu de crêtes boisées et des vallées verdoyantes séparées par des pics sur lesquels s'adossent des groupes d'oliviers, de chênes, de sapins et des thuyas. Mais on n'est pas encore au bout de nos surprises. Au dernier moment, notre guide décide de virer à droite d'Ammi Moussa, pour nous mener vers ce somptueux site romain «Ksar El Kaoua», un château fortifié datant du IIIe siècle ap .J.C, surveillé en permanence par des agents de sécurité relevant du ministère de la Culture. Il est déjà 17h passées quand nous arrivons à ce cimetière oublié où reposent plus de 1060 martyrs dont la plupart sont tombés au champ d'honneur lors de la grande bataille de Bab El Bekkouche. Une carcasse érodée d'un camion de l'armée coloniale est exposée, tel un trophée, sur un piédestal en béton à l'entrée du cimetière parfaitement entretenu, et où règne un silence religieux. Le col de Guertoufa pointe à l'horizon. Le soleil se couche déjà quand nous arrivons enfin à notre point départ, certes vannés mais heureux, très heureux de cette escapade mémorable dans l'une des plus belles régions d'Algérie.