Le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a réitéré vendredi dernier «la conviction de l'Algérie que seule la voie pacifique du dialogue entre les enfants du pays est à même d'amorcer un réel processus permettant de surmonter les difficultés de l'heure». Le ministre est arrivé vendredi dernier à Bamako, la capitale du Mali, où il s'est entretenu avec les membres du Comité national pour le salut du peuple (CNSP). Comité constitué au lendemain du coup d'Etat perpétré le 18 août dernier contre le président malien Ibrahim Boubacar Keïta qui a dit avoir démissionné tout de suite après son arrestation. Les entretiens de Boukadoum avec les militaires putschistes ont eu pour objet, rapporte un communiqué du MAE, «la situation prévalant au Mali ainsi que les paramètres de sortie de la crise». Boukadoum a aussi rencontré dans la même journée Saleh Annadif, représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies et chef de la Mission intégrée multidimensionnelle des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) ainsi que Pierre Buyoya, le chef de la Mission de l'Union africaine pour le Sahel (MISAHEL)». Le communiqué du MAE fait savoir que «ces deux rencontres ont eu pour objet la situation prévalant actuellement au Mali ainsi que les voies et moyens à même d'accompagner ce pays frère et voisin pour surmonter les défis de l'heure». Lors de son déplacement à Bamako, le MAE a «réitéré la disponibilité de l'Algérie à accompagner le Mali en ces circonstances particulières, comme elle l'a toujours fait». Boukadoum a fait part de «l'engagement indéfectible de l'Algérie en direction du Mali et du peuple malien frère, qui a depuis toujours caractérisé les relations entre les deux pays, y compris dans le cadre de la mise en œuvre de l'Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, issu du Processus d'Alger. Cette rencontre a été l'occasion de réitérer l'attachement à sa mise en œuvre effective pour une sortie durable de la crise au Mali». Les membres du CNSP, pour leur part, «ont exprimé leur gratitude pour cette visite, la première du genre et de ce niveau, qui constitue un grand geste d'amitié et de solidarité en direction du Mali». Ils ont exprimé «leur confiance en l'Algérie qui s'est toujours tenue du côté du peuple malien frère». Relance de la médiation algérienne pour le Mali ? Le communiqué du MAE précise qu' «au terme des discussions, les membres du CNSP, tout en réitérant leur attachement aux relations bilatérales avec l'Algérie, ont exprimé leur souhait d'être accompagnés dans leurs efforts visant à aller vers une sortie de crise consensuelle dans les délais les plus courts possibles». Les termes du communiqué semblent faire allusion à une nouvelle proposition algérienne d'une médiation pour la résolution de la crise malienne. «D'autant que depuis quelque temps, Alger s'inquiète du non-respect de l'accord qui a été signé sous ses auspices entre les parties maliennes en conflit et tente par tous les moyens de le remettre sur la table pour rétablir ses clauses», nous disent des sources proches du dossier. L'histoire retient qu'en 2014, et grâce à une médiation algérienne, après plusieurs mois de combats entre eux, des forces loyalistes ont signé la «Plateforme des mouvements du 14 juin 2014» et les groupes rebelles se sont constitués en une «Coordination des mouvements de l'Azawad». Après plusieurs rounds de négociations entre eux, les deux parties ont conclu à Alger un accord de paix le 15 mai 2015. Ce que la communauté internationale a enregistré sous l'appellation «Accord d'Alger» a été signé par les belligérants maliens le 20 juin 2015. L'on rappelle que le Mali et la bande sahélo-sahélienne dans son ensemble, s'est enflammé en 2012, un an après la chute du colonel Maamar Kadhafi, leader de la Jamahiria libyenne sous les bombardements des forces atlantistes. La situation politique et sécuritaire en Libye se détériore dangereusement au point où tous les pays qui lui sont frontaliers décident de mettre leurs armées respectives en alerte maximum. L'Algérie n'y a pas échappé de par les longues frontières qu'elle partage avec la Libye et qu'elle se doit de protéger pour éviter la déstabilisation de ses immenses territoires du Sud. A cette époque, des Touaregs libyens ont rejoint les groupes indépendantistes maliens proches des tribus azawad au sein du MNLA pour mener la guerre aux jihadistes qui ont prêté allégeance à l'AQMI et mis sous la bannière du MUJAO. En se coalisant, les groupes terroristes avaient réussi à prendre d'importantes villes maliennes comme Tombouctou, Gao, Kidal des mains de l'armée conventionnelle qui n'avait pas les moyens matériels pour leur tenir tête. Ce qui avait fissuré ses rangs et provoqué des heurts sanglants entre les militaires. Leurs hauts gradés ont décidé de destituer Amadou Toumami Touré, alors président de la République. Paris décide d'intervenir militairement en lançant en janvier 2013 «l'opération Serval» pour laquelle elle a envoyé au Mali plus de 2.000 soldats. La France a-t-elle vu les choses venir ? Les forces militaires françaises se sont retrouvées depuis cette date aux côtés des forces onusiennes et d'autres africaines constituées des troupes des membres de la Cédéao (Sénégal, Niger, Nigéria, Benin, Libéria, Ghana, Guinée, Togo, Burkina Faso) sans compter la présence de forces tchadiennes. Ce sont les pays que la France a toujours régentés à travers sa fameuse politique néocoloniale «Françafrique» et ce pour y préserver des intérêts économiques colossaux. En août 2014, la France décide de lancer une nouvelle opération contre le terrorisme. Appelée «Barkhane» (du nom d'une dune), l'opération est menée aux côtés des pays africains membres du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) pour la lutte contre des groupes islamistes qui avaient en main d'importantes villes maliennes et intervenaient sur l'ensemble de la bande sahélo-sahélienne. Avec plus de 5.000 hommes, la France voulait protéger la capitale Bamako. Malgré cette lourde présence militaire française, les actes terroristes ont redoublé d'intensité et les groupes rebelles et islamistes ont déstabilisé l'ensemble du pays et ceux qui lui sont limitrophes. C'est donc l'échec total de l'opération militaire française «Barkhane». L'on se demande si la France a vu venir les choses et anticipé la destitution de Keïta Le Mali connaît depuis plusieurs années de graves affrontements fratricides, une profonde crise économique et financière sous-tendue par des pratiques de corruption qui se sont généralisées. L'histoire a donc décidé de se répéter le 18 août dernier où des colonels de l'armée malienne ont décidé d'investir le siège de la présidence de la République et d'en sortir Ibrahim Boubacar Keïta (élu président en 2013), ainsi que certains de ses ministres. Prémédité ou pas, c'est le coup d'Etat. Les putschistes prennent les choses en main mais sont tout de suite sommés par la Cédéao (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) de retourner à l'ordre constitutionnel, de redonner les commandes du pays à un civil pour mener une période de transition d'un an, le temps d'organiser des élections législatives et présidentielles. En attendant que la junte militaire putschiste réponde à ces injonctions, la Cédéao a décidé de fermer les frontières de ses pays membres et de geler ses échanges financiers et commerciaux avec le Mali. Jusque-là, après avoir libéré Keïta, les colonels putschistes ont promis par la voix d'un des leurs, le colonel-major Ismaël Wagué, chef d'état-major adjoint de l'armée de l'air, que «tous les accords passés seront respectés, Minusma, la mission de l'ONU, la force française Barkhane, le G5 Sahel et la force Takuba demeurent nos partenaires». La junte devait hier, samedi, tenir une réunion de concertation avec les partis politiques, les organisations de la société civile et les groupes rebelles signataires de l'accord de paix pour, rapportent des agences de presse étrangères, «décider des transferts des pouvoirs et de l'organisation de la transition». Mais elle a fait savoir par un communiqué rendu public qu'elle a reporté la réunion en question «à une date ultérieure pour des raisons d'ordre organisationnel».