Sous le titre « L'encre du savant est plus sacrée que le sang du martyre », la confrérie soufie alawyya affirme condamner « avec la plus grande force » l'assassinat de Samuel Paty, professeur d'histoire - géographie à Conflans Sainte-Honorine, une commune dans les Yvelines, banlieue située à l'ouest de Paris. La confrérie que préside Cheikh Khaled Bentounes l'a fait savoir par AISA, (Association Internationale Soufie Alawyya), sa représentation en France qui a rendu public lundi dernier un communiqué dans ce sens. « Sidéré(e)s et horrifié(e)s par la décapitation de Monsieur Samuel Paty, professeur d'histoire - géographie, tous les membres de AISA ONG Internationale condamnent et rejettent avec la plus grande force ce crime abject attribué insidieusement à l'Islam », écrivent ses membres. Ils adressent leurs « plus sincères condoléances à sa famille, ses proches, ses collègues, à tous les élèves du collège Bois d'Aulne de Conflans-Sainte-Honorine et à l'ensemble du corps enseignant » qu'ils considèrent « touché au cœur de sa mission sacrée, accomplie au quotidien ». AISA affirme que « ce sont toutes les valeurs ancestrales transmises par la Tradition du prophète Mohammed qui se trouvent aujourd'hui bafouées par cet acte ». Le prophète Mohammed enseignait, rappelle l'Association internationale alalawyya : « L'encre du savant est plus sacrée que le sang du martyre ». L'enseignement et le savoir, note-t-elle, « ont toujours été considérés comme des injonctions plus essentielles que la pratique du dogme, comme le prescrivait l'Imam al-Ghazali déjà à son époque (XIe siècle) dans son interprétation du droit islamique ». Une autre immense référence de AISA «L'Emir Abd el-Kader, qui, rappelle-t-elle, a sauvé des milliers de vies chrétiennes lors des émeutes de Damas en 1860, (et) n'appliquait pas la réciprocité ou la loi du Talion aux enseignants même s'ils avaient commis un crime, eu égard au fait qu'ils instruisaient les autres ». La véritable caricature qui défigure l'islam est, pensent les adeptes d'alalawyya, « cet acte monstrueux ». Et soulignent « Quiconque tue une âme, c'est comme s'il avait tué l'humanité entière. Quiconque sauve une seule âme, c'est comme s'il avait sauvé l'humanité tout entière » (Coran, sourate 5, verset 32). «Qui parle de l'Islam des lumières ? » Les valeurs de AISA ONG Internationale, lit-on dans le communiqué « sont en totale contradiction avec ce meurtre ». L'Association affirme « promouvoir l'éducation à la Culture de Paix et le Vivre Ensemble en Paix qu'elle a pu concrétiser à travers la Résolution des Nations Unies AR/72/130, adoptée à l'unanimité par les 193 Etats membres et instaurant la Journée Internationale du Vivre Ensemble en Paix le 16 mai de chaque année ». D'un bout à l'autre de la planète, dit-elle encore, « une frange d'islamistes ultra-médiatisés utilisent les mêmes mots, les mêmes idées, les mêmes habits pour fournir aux jeunes en mal d'être une sorte de prêt-à-penser islamique aux atours de martyre et de récompense paradisiaque, en en faisant des êtres pervertis ». Elle interroge alors « Qui parle de la diversité des penseur(euse)s, des philosophes, des poète(sse)s, des nombreuses écoles juridiques, des mystiques, de l'Islam des lumières d'Orient comme d'Occident qui ont marqué de leurs empreintes la civilisation ? ». Elle estime que « la soif d'apprendre et la curiosité innées chez l'humain représentent, pour les musulman(e)s qui connaissent et approfondissent leur religion, un impératif coranique ». La quête du savoir, dit-elle « est une obligation avant d'être un besoin naturel ou un plaisir recherché. En ce sens, le premier verset révélé fait de la lecture un devoir : «Iqra'» (« Lis ! »). Une professeure algéro-française qui enseigne l'histoire-géographie dans l'Essonne, une banlieue du sud de la capitale française, constate choquée dans un article qu'elle nous a transmis qu'« un jeune, en principe plein de vie et d'espoir, qui devait être heureux d'avoir obtenu un permis de séjour en la France où d'innombrables jeunes rêvent de venir et d'innombrables autres n'accepteraient pas de quitter pour rien au monde (...),vient tout simplement de perdre sa vie après en avoir ôté sauvagement celle d'une autre personne. C'est la loi du Talion, dirait-on ». Ce jeune, s'indigne-t-elle, « a préféré décapiter une vie humaine : il n'a pas seulement donné un coup de couteau ou lancé une pierre : non, il a décapité. Il a non seulement mis un terme à une vie, mais également décapité la transmission du savoir. Et nous ne sommes pas professeur(e)s par besoin, mais par vocation ». L'enseignante s'interroge : « comment un jeune de 18 ans a-t-il seulement pu commettre cet acte ? A quoi pensait-il pendant son forfait ? Quelle histoire trimbalait ce jeune venu de l'Est ? Quelles douleurs, quelles frustrations le hantaient ? » « Si l'Islam est insulté (...), si les guerres se multiplient sur nos écrans... » La professeure algéro-française fait remarquer que « si les Tchéchènes se disent musulmans, il serait étonnant que ce jeune qui était plein d'avenir avant son crime, connaisse le Coran (...) ». Pour elle « le drame de cette tragique histoire, c'est que ce jeune a du probablement agir seul, il ne devait avoir aucune directive d'aucune organisation terroriste de par le monde(...). Cela signifie que n'importe quelle personne en colère, frustrée, meurtrie par la vie se donne le droit d'agir par le meurtre, sans qu'aucune conscience ne vienne l'avertir des conséquences de son acte et de l'injustice de ce qu'elle veut faire (...) ». Elle estime ainsi que « le temps des violences (...) ne se terminera pas tant que le monde et la vie elle-même ne font plus sens, tant que la foi est si mince et si instable qu'un simple dessin paru dans un journal à scandales peut l'anéantir ». La violence de la vie, dit-elle, « fait des individus instables, mais aussi les humiliations, la mauvaise mondialisation qui a créé des sectes criminelles dans les pays les plus développés (...)... Tant de facteurs qui font qu'une vie peut basculer, qu'on vit sur une lame de rasoir et qu'un souffle ténu peut nous faire basculer si la foi en la vie n'est pas solide et nourrie ». Elle interroge encore « Si l'Islam est insulté à longueurs de chaînes de télévision et de radio (...), si les guerres se multiplient sur nos écrans (...), comment peut-on installer la paix et le détachement en soi ? Comment regarder la vie qui se déroule sous nos yeux tout en restant détaché face aux injustices et aux incompréhensions ? Comment peut-on se vider de ses colères et de ses frustrations quand on présente continuellement une religion comme violente en oubliant les violences qui ont ponctué et continuent de ponctuer les autres idéologies ? (...) »...