Dix ans après la chute du président Zine El Abidine Ben-Ali le 14 janvier 2011 sous l'effet d'un soulèvement populaire, la Tunisie connait toujours une instabilité politique et des problèmes socio-économiques. En effet, quelques heures après l'annonce par le chef du gouvernement tunisien Hichem Mechichi d'un vaste remaniement de son gouvernement affectant douze ministères notamment ceux de l'Intérieur, de la Justice et de la Santé, les Tunisiens ont vécu une nuit chaotique, avec des troubles nocturnes et actes de violences qui ont été enregistrés samedi soir dans plusieurs villes tunisiennes, dont Tunis, Sousse et Kairouan, selon des sources sécuritaires tunisiennes. En plein couvre-feu, des jeunes ont procédé à provoquer des troubles en mettant le feu dans des pneus, en fermant les routes, en lançant des pierres contre les forces de l'ordre et en s'attaquant et saccageant des magasins et commerces privés ou établissements publics, obligeant les autorités à faire intervenir la Garde Nationale pour remédier à la situation. Des affrontements entre des jeunes de quartiers «Ettadhamen » et «AlIntilaka » relevant respectivement des gouvernorats de l'Ariana et de Tunis, et les forces de l'ordre ont éclaté dans la nuit de samedi à dimanche. Au cours de ces affrontements, les jeunes ont tenté de saccager un bureau de poste avant d'être dispersés. Quant au distributeur automatique de ce bureau, il a été détruit et pillé, selon les mêmes sources. Partout, les unités sécuritaires ont riposté en jetant des gaz lacrymogènes. Ces actions se sont passées simultanément aux gouvernorats de Tunis, Kairouan, Sousse, Monastir, Siliana et le Kef. D'après les mêmes sources, les unités sécuritaires relevant du district de la sûreté nationale à Kalaa Kebira dans le gouvernorat de Sousse ont réussi à mettre en échec un plan d'actes de vandalisme dans la région. Quinze jeunes hommes dont des délinquants ont été arrêtés et une dizaine de cocktails Molotov, des récipients de carburant ainsi que des armes blanches ont été saisis, rapportent les mêmes sources. Aucun slogan revendicatif n'a été enregistré durant ces troubles, selon le ministère de l'Intérieur. Pour rappel, quelques dizaines de Tunisiens, dont des victimes de la répression de la révolution en 2011 ou leurs proches, se sont rassemblés jeudi en dépit du confinement, et ils ont été empêchés de défiler sur l'avenue Bourguiba, lieu symbolique de la révolution. "C'est un confinement politique et non sanitaire", ont lancé les manifestants, réagissant à l'important dispositif sécuritaire déployé dans le centre de Tunis, qui les a dispersés dans le calme. Un confinement de quatre jours a débuté jeudi, jour du 10e anniversaire de la fuite de Zine el Abdidine Ben Ali, et les rassemblements comme les déplacements non essentiels sont interdits pour faire face à la recrudescence des cas de Covid-19. Les blessés de la révolution, à l'initiative de cette marche, réclament une reconnaissance officielle de la part des autorités, notamment via la publication de la liste définitive des morts et blessés au Journal officiel. Cela leur donnerait droit à des réparations, mais aussi à une reconnaissance morale, en gravant dans le marbre cet épisode de l'histoire tunisienne, alors que s'enlisent les procès des responsables du ministère de l'Intérieur poursuivis pour des homicides en 2011. Un gouvernement remanié en pompier Le premier ministre tunisien Hichem Mechichi a annoncé samedi un vaste remaniement de son gouvernement affectant douze ministères notamment ceux de l'Intérieur, de la Justice et de la Santé. Ce nouveau gouvernement, dans lequel aucun des ministères redistribués n'a été attribué à une femme, doit encore être approuvé par le Parlement. "L'objectif de ce remaniement est d'avoir davantage d'efficacité dans le travail du gouvernement", a déclaré M. Mechichi à la presse. Quelques heures après une rencontre avec le président Kaies Saied, le 1er ministre a insisté sur le choix de ministres "dont l'intégrité ne soulève aucun doute", selon un communiqué de la présidence de la République. "Il n'y a pas de place (dans le gouvernement) pour les personnes faisant l'objet de poursuites judiciaires" ou pour lesquelles "il existe des doutes sur leurs parcours ou leurs comportements qui pourraient porter atteinte à l'Etat et à la crédibilité de ses institutions et à la légitimité de ses décisions", est -t-il souligné, dans le même communiqué du Palais de Carthage. La classe politique, plus fragmentée que jamais depuis les élections législatives de 2019, se déchire alors que l'urgence sociale s'accentue avec la pandémie de coronavirus (177.231 cas dont 5.616 décès), qui s'ajoute à la hausse des prix, la persistance du chômage et la défaillance croissante des services publics.