Chères soeurs et chers frères de Palestine, J'ai eu l'immense privilège de partager votre quotidien pendant quelques années et je conserve de ce séjour en Palestine le plus beau souvenir de ma vie. Vous m'avez accueilli comme un frère, vous n'avez jamais omis de rendre hommage à mon peuple et à son héroïque résistance au colonialisme, vous n'avez eu cesse de rappeler le sacrifice du million et demi de chouhada pour que nous accédions à la souveraineté nationale. Je ne me suis jamais senti autant fier de vivre parmi vous en toute quiétude - partageant les bons et les mauvais moments. La ville de Naplouse m'a même honoré des « Clés de la ville » avec promesse de me proposer un passeport palestinien aussitôt l'indépendance arrachée. Je vis avec cet espoir. Je suis avec attention ce qui se passe chez vous et j'en souffre en silence. Le pluralisme naturel qui, chez vous, a pris des formes politiques singulières, est une des caractéristiques de votre attachement à la démocratie. Votre respect des différences religieuses fait de la Palestine l'un des pays arabes le plus tolérant en matière de pluralisme confessionnel. L'effort consenti par tous afin d'offrir une éducation solide à tous vos enfants m'a toujours impressionné car la qualité d'enseignement et la haute compétence du corps enseignant forcent au respect. L'université n'est pas en reste avec ses professeurs à l'expérience internationale rompue et des étudiants motivés pour s'en sortir et vivre une vie digne. Votre économie est pleine de potentiels de succès s'il n'y avait les freins des forces de l'occupation. J'ai suivi la naissance de la bourse de Naplouse et son émergence en tant que première bourse arabe en moins de 48 mois ... avant que tout ne s'écroule parce que les forces de l'occupation ont su dévitaliser le processus. Vous vivez avec l'arbitraire des check-points suivis des incursions nocturnes qui éjectent tout le monde à la rue sans garantie que l'immeuble ne soit détruit. Vous êtes exclus de l'eau qui coule sous vos pieds, vos oliviers sont déracinés pour un oui ou pour un non. Vous avez le sentiment que vous êtes seuls. Que vous êtes les sacrifiés de la géopolitique, du real politique et de l'opportunisme génocidaire. Beaucoup d'amis m'ont assailli de questionnements, de doutes, d'interrogations sur vos capacités à vous défendre. Sur votre détermination à vous affranchir du joug colonial. Mais, à mes éclaircissements, on m'a toujours rétorqué que votre désunion est la clé de la réussite de vos occupants. Je sais très bien que les frictions du passé avaient été commandées - par chantages infâmes - par des gouvernements qui n'ont jamais voulu voir la Palestine indépendante. Ils en avaient même donné les assurances aux forces de l'occupation. Du coup le pluralisme politique palestinien a été formaté, malgré lui, par ces pressions. Il en a résulté des antagonismes et des frictions - malheureuses, certes - qui ont fait le jeu de l'adversaire. Or le monde a changé et ces forces de pressions vicieuses ont été balayées par l'histoire récente. Un autre paysage géopolitique se présente et, au-delà d'une stratégie d'accès à l'indépendance nationale claire, de nouvelles tactiques peuvent émerger dans vos rangs. Le pluralisme qui vous anime peut devenir un cas d'école pour le monde arabe. Vous en avez le potentiel intellectuel, vous en avez la force. Mais qu'en est-il de la volonté? Ici et maintenant ? Je suis fier de l'initiative de notre honorable Président qui vous réunit pour tenter de forger une image ressoudée de la Palestine résistante, de la Palestine combattante, de la Palestine conquérante. Il vaut mieux faire des concessions mutuelles, pour le bien de tous que de rester figés sur des positions qui nuisent au bien de tous. Nombreuses sont les forces qui vous soutiennent de par le monde, y compris dans le pays oppresseur. Les forces démocratiques et progressistes des quatre coins de la planète prient pour vous, se mobilisent pour vous, souffrent pour vous. Tenez bon et commencez par vous donner la main pour nous encourager à croire en vous et à votre victoire prochaine. Bienvenus chez vous, chères sœurs et chers frères de Palestine. Oran, ce 25 janvier 2022, Votre frère Abed (Abdeljalil), ancien de Nablus.