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Juge et... partie !?
Belkacem Ahcene Djaballah
Publié dans
Le Quotidien d'Oran
le 30 - 07 - 2022
Il n'a encore que 30 ans d'âge. Ou même pas. Il est (a été) juge exerçant dans une cour du sud-est de la capitale. Il présidait un tribunal. C'est dire la confiance placée en lui par la chancellerie. Puis, patatras ! Il se retrouve accusé de corruption active, ayant soutiré une centaine de millions -des cts de DA- à un justiciable (L'Expression, 16 juillet 2022). Le tribunal criminel l'a condamné à cinq ans de prison ferme au lieu des vingt années requises par le parquet. Un cas unique ? On l'espère, mais je ne le crois pas, le phénomène de la corruption ayant gangrené la corporation des agents de l'Etat, tout particulièrement parmi ceux détenant, en partie ou en totalité, des pouvoirs de décision et/ou de persuasion directs ou indirects. Ce n'est donc pas par hasard si on a vu, dernièrement, une modification des conditions d'accès à l'Ecole supérieure de la magistrature, rendues plus dures, plus sélectives : âge, diplôme, formation de base théorique et pratique, durée des études. Pour former certes, mais aussi et surtout, à mon avis, pour préparer à l'exercice, avec probité et compétence, d'une des plus importantes fonction -sinon la plus sensible - que pourrait exercer un agent public de l'Etat assermenté. Il était temps ! Car, c'est celle qui consiste à juger, à trancher, à innocenter ou à condamner. Celle qui peut détruire ou ruiner toute une vie ou une famille ou lui rendre un honneur bafoué ou une dignité salie. Celle qui... D'autant plus importante qu'après les enquêtes de police, les auditions et les verdicts et au-delà des «appels» habituels, il est difficile sinon impossible - pour les démunis encore plus que pour les nantis - de revenir en arrière sauf par la voie de la si exceptionnelle grâce présidentielle. Il est vrai que le nombre de dossiers est toujours si important et les cas souvent si complexes qu'il est de plus en plus difficile de les étudier à «tête reposée» et, donc, d'émettre un avis et un verdict satisfaisants. Il est vrai, aussi, que durant les décennies passées, les interférences politiciennes et affairistes -celles de «proximité», locales, assez nombreuses et éparpillées, donc difficilement saisissables, étant les plus nuisibles à l'état psychologique de la société - ont «virussé» le domaine et, hélas, une partie de la corporation. Que peut donc faire un juge, surtout s'il est «petit» (sans parler de son entourage), à la chair si vive, face aux tentations d'une vie de plus en plus chère ? C'est pour cela que nous estimons qu'il est urgent que dans le cadre d'une justice indépendante, en attendant un juge de niveau, le côté éthique et déontologique, avec son code -au delà du serment habituel et des règles de la morale religieuse- doit être le support essentiel de la formation... une démarche pédagogique d'ailleurs valable pour toutes les corporations en phase avec le service public, les désignés comme les élus. Faudrait-il encore qu'il y ait déjà une bonne base de formation au niveau de l'école primaire et secondaire. Sans elle, difficile de rattraper les dégâts comportementaux.
Quelques citations à méditer !
- L'institution judiciaire tourne autour de plusieurs personnages : le juge, le policier, le greffier, l'avocat. Pourtant, parmi ceux-ci, le personnage central est le juge puisque c'est à lui, et à lui seul, que revient la décision (Leila Aslaoui, «Être juge». Essai © Enal,
Alger
1988)
- La justice attend une véritable réforme en profondeur qui nécessite une réelle volonté politique et non des slogans. Pour l'instant, les effets d'annonce ne peuvent occulter l'état de décomposition avancée d'un appareil judiciaire miné par le clientélisme et la corruption, et ses conséquences : l'impunité pour les délinquants du «1er collège» au mépris des droits du reste des justiciables. C'est-à-dire les citoyens (Aït-Larbi Mokrane, «La justice au Palais. Dossiers noirs d'une justice sous influence». Essai © Koukou Editions,
Alger
2016)
- Un Etat qui tourne le dos à la justice ne peut garantir la paix (F. Boumedjel-Chitour et D. Iamarene-Djerbal, préface in Boudarène Mahmoud, «La violence sociale en Algérie. Comprendre son émergence et sa progression». Essai © Editions Koukou,
Alger
2017)
- Il y a une justice à deux vitesses et une justice à toute vitesse. Cela dépend comment elle fonctionne, parce que le pouvoir peut agir par une justice à deux vitesses ou par une justice à toute vitesse (Brahimi Miloud, avocat. «En mon âme et conscience». Recueil d'articles © Casbah Editions,
Alger
2018)
- L'indépendance (de la justice) fait peur. La corruption, devenue une seconde nature dans les pratiques de la sphère administrative, est un enjeu de pouvoir (Nouri Nesrouche, journaliste. Commentaire © El Watan, mercredi 22 décembre 2021).
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