Dans une précédente contribution, publiée dans le Quotidien d'Oran du samedi 14 mai 2022, sous l'intitulé «Le patrimoine culturel immatériel en Algérie : du local à l'universel», nous avons évoqué, entre autres, la question de la «préservation des valeurs locales dans le cadre national», mais sans aller plus loin, ce qui aurait demandé un plus long développement. Aussi, avons-nous considéré utile de reprendre ce sujet, en essayant de le situer par rapport aux ancrages du patrimoine culturel immatériel (PCI) et aux enjeux qui en relèvent, aux échelles mondiale, régionale, nationale et tout particulièrement locale. Nous commencerons par rappeler que, dans le cadre de la mise en œuvre de la convention UNESCO de 2003 (1), l'Algérie avait inscrit huit (08) éléments du PCI (2), dont sept (07) sur la liste représentative (LR) et un (01) seul, sur la liste de sauvegarde urgente (LSU), celui des savoirs et savoir-faire des mesureurs d'eau des foggaras du Touat-Tidikelt. Arrêtons-nous, ici, quelque peu, pour tenter de comprendre la signification et la portée de ces deux listes parallèles. La liste de sauvegarde d'urgence (LSU) est un document contraignant, qui exige de l'Etat-partie à la convention, d'assurer la préservation de l'élément du PCI retenu et de rendre compte des mesures mises en œuvre pour sa préservation. La liste représentative (LR), par contre, est un document non contraignant, qui n'a aucune exigence formelle. Il est vague et imprécis, donnant lieu à toutes les lectures et exploitations, parfois même abusives, servant davantage des objectifs politiques ou mercantiles que la sauvegarde patrimoniale. Nous devinons, alors, pourquoi cette course effrénée et cet engouement subit pour cette liste. D'aucuns diraient que c'est de bonne guerre, dans la mesure où les règles requises de l'inscription sont respectées. Or, c'est là, justement, où se situe la pierre d'achoppement et dont seuls les initiés ont connaissance. La liste représentative (LR) - le mot «représentatif» prêtant à confusion - n'est pas un label de qualité, comme c'est le cas dans la liste du patrimoine mondial matériel (3), qui est régi par le principe de la hiérarchie (exceptionnalité et excellence). Telle qu'envisagée dans la convention de 2003, la liste représentative (LR) a une simple fonction de catalogue ou d'index, sur lesquels sont portés des éléments du PCI, sans souci de hiérarchie. Cette liste confère la même valeur à toutes les expressions et manifestations culturelles et n'est soumise à aucune sorte de limitation. Pour l'instant, l'UNESCO ne retient qu'une trentaine d'éléments par année, faute de moyens logistiques. Voici ce qu'écrivait Cecile Duveille, alors chef de la section du PCI de l'UNESCO, à ce sujet : «Il y a un grand malentendu sur cette liste représentative. C'était juste un outil de communication, pas un classement, mais les Etats se sont précipités pour y apparaitre comme s'il s'agissait d'un tableau d'honneur. Aujourd'hui, c'est devenu le concours de Miss Monde...». Ceci étant dit, nous nous demandons pourquoi certains Etats déploient toute une gymnastique diplomatique et médiatique pour s'établir sur la liste représentative (LR) et non sur celle de l'urgence (LSU) ? L'ethnologue Chiara Bortolotto nous en donne peut-être la réponse : «Les Etats profitent de cette confusion... Cette liste assure leur visibilité, leur prestige et sert leur diplomatie culturelle» (4). Encore Cecile Duveille qui souligne que : «Le label fait vendre, mais il fait aussi du mal... Certains opérateurs touristiques récupèrent ce patrimoine pour faire de l'art de l'aéroport et gagner un maximum d'argent. Nous en sommes conscients.». L'UNESCO ne semble pas encore en mesure de remédier à ce dévoiement, au risque de fragiliser la convention, en impactant les ratifications. Le coup étant parti, c'est en dehors des cercles éthiques que semble se jouer le destin du PCI, privilégiant les positionnements politiques et le sponsoring mercantile, qui ont l'avantage des outils de la communication. L'UNESCO est enjointe de mettre un terme au régime de la liste, en suggérant d'autres alternatives, qui effacent ou encadrent l'effet label, en remettant le PCI sur son orbite naturelle, celle de la reconnaissance des détenteurs et praticiens de la tradition, les véritables agents de la sauvegarde, de la transmission et de la perpétuation du PCI. La convention de 2003 demeure, toujours, inscrite dans la logique de «l'objet», plaçant les représentations objectives de la culture en vis-à-vis de leurs détenteurs et non en leur sein. Il faut souligner que ce positionnement d'objectivisation du PCI a été endossé par la convention de 2003, après de rudes négociations au sein même de l'UNESCO, entre deux courants de pensée antagoniques : le premier, liant le PCI à l'existence de communautés détentrices de traditions, qui s'y identifient, qui l'utilisent et qui en assurent la sauvegarde, et le second, rejetant la notion de «communauté», considérée comme une forme d'archaïsme et de survivance tendant à disparaitre, en envisageant le PCI sous l'angle des pratiques culturelles traditionnelles (folklore), que l'on peut fixer par l'inventaire, l'archivage et la mise en musée. C'est ce second courant qui triompha, non pas par la force de l'argument scientifique, qui aurait réduit la portée de la dimension «communauté» mais par l'entremise de constructions politiques, qui commandaient la circonspection et la vigilance face à des dérives communautaristes ou à des stigmatisations de «minorités» et de «peuples autochtones». Il y a, en, effet, des «communautés» qui s'opposent à l'autorité de l'Etat, en demandant leur autonomie ou indépendance et d'autres qui n'acceptent pas l'intervention de l'Etat dans la désignation et la sauvegarde de leur PCI et il y a, également, les Etats qui instrumentalisent l'effet «communauté», pour des objectifs politiques ou économiques. Dans cette même perspective, la convention de 2003 a écarté de son champs d'action tout le PCI qui n'est pas respectueux des valeurs morales et éthiques, telles les pratiques contraires aux droits de l'homme, les diverses formes discrimination, l'infanticide, l'esclavage, les mutilations... La convention s'est établie sur le seul terrain des actions positives, porteuses de paix et de bienfaits, évitant de se placer dans le sillage des luttes et des conflits historiques. Cette attention soutenue à l'endroit de la dimension «communauté» est bien rendue dans la convention de 2003, par une formulation, somme toute paradoxale : «On entend par patrimoine culturel immatériel, les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire... que les Communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel» (5). Assez subtile, cette disposition a été formulée de la sorte, pour éviter toute controverse entre les Etats-parties et les groupes qui s'identifient comme «communautés». La convention a voulu donner aux Etats-parties la latitude de convenir du mode de relation à établir avec les détenteurs et praticiens du PCI, selon que le contexte est apaisé ou conflictuel. Elle a, cependant, créé une ambiguïté définitionnelle, en élargissant le champ de la «communauté» aux «groupes» et «individus». Une solution qui a la désavantage de favoriser et de multiplier la création de groupements artificiels, d'ordre politique, religieux ou autres, qui détourneraient le sens et les intentions mêmes de la convention. Nous comprenons bien la position de certains Etats, qui rejettent l'option «communauté», en lui opposant les catégories classiques de société, de nation ou de peuple, entendues comme unions contractualistes entre individus. Cette position, universaliste, est consubstantielle au schéma politique des Etats-Nations, fondé sur le principe de l'individuation, dont la France est le modèle-type. Or, ce positionnement, fondamentalement politique, ne saurait déroger au sens anthropologique de la dimension «communauté» dans sa relation au PCI. « Il existe une relation de définition circulaire entre le patrimoine culturel immatériel et les communautés», écrivait F. Maguet, dans «L'image des communautés dans l'espace public» (6). Pour exclure la «communauté» du processus de désignation du PCI, ou réduire sa portée, d'aucuns empruntent l'approche ethnologique, avec sa boite à outils ethnographique et son arsenal méthodologique. Le PCI se voyant converti en objet d'étude et de connaissance, légitimant la démarche scientifique, en érigeant le chercheur-expert, y compris le fonctionnaire, en agent garant de la désignation du PCI. La production de l'inventaire et l'alignement du PCI sur une liste, par le scientifique, au lieu et place de l'action participative et délibérative avec les détenteurs de tradition, relève d'un besoin de sériation, qui garantit la maitrise de «l'objet», mais dont le revers «insoupçonné» est la fragmentation de la culture, en éléments atomistiques. La convention a, en effet, exigé des Etats-parties de dresser des inventaires de leurs PCI, en associant les «communautés», les «groupes» et les «individus» sur les moyens les plus appropriés pour la sauvegarde de leurs traditions (7). Elle ne dit mot, cependant, sur la nature de cette association, le comment de la participation des détenteurs, un hiatus lourd de conséquences. Par le fixisme qu'il suggère, l'inventaire ne saurait se confondre ou se substituer à la sauvegarde. Il n'est qu'un acte de recensement et d'archivage d'éléments reconnus dans leur physicaliste, détachés de leur caractère symbolique, sacré et original, lequel n'est incarné que dans le geste et la pratique du détenteur de la tradition. Le PCI n'est vivant que par sa valeur d'usage, celle qui assure son existence même et sa perpétuation. Une fois saisi il devient matériel. C'est dans cette acception qu'il faut saisir le sens de la sauvegarde, qui n'est pas une mesure de protection ou de conservation, régie par des mécanismes juridiques et règlementaires, comme c'est le cas pour le patrimoine matériel, mais un ensemble de valeurs puisées de territoires coutumiers et de systèmes cognitifs et normatifs spécifiques, qui ne se superposent pas aux territorialités administratives et académiques. Par quels moyens le scientifique va-t-il accéder à ces espaces coutumiers ? Une fois de plus c'est F. Maguet, qui nous éclaire sur ce sujet : «La reconnaissance accordée par l'UNESCO se veut donc la reconnaissance de la reconnaissance» (8). Cette idée, forte de sens, convoque davantage notre attention. «Reconnaitre» ce qui est déjà «Reconnu», nous place sur un nouveau champ paradigmatique et une nouvelle perception du patrimoine. Dans le PCI, il n'y a pas de processus de patrimonialisation, comme pour le patrimoine matériel - C'est faux de dire que le PCI est un patrimoine commun de l'humanité - Il y a acte de «reconnaissance» d'un patrimoine vivant, qui est déjà «reconnu» par ses détenteurs, d'où la «reconnaissance de la reconnaissance». Dans ce dédoublement de la reconnaissance du PCI, le détenteur de la tradition constitue l'agent originel (naturel) de cette reconnaissance (R1) et l'Etat-partie, l'agent officiel (R2), étant entendu que le détenteur n'a pas d'existence juridique. Ce n'est pas tant le principe de la filiation «Etat-détenteur» qui est problématique, mais le statut d'intercesseur, d'arbitre, de médiateur ou de négociateur, qui est conféré à l'expert-scientifique. Comment s'établit le va-et-vient entre ces trois niveaux (Détenteur-expert-Etat), pour assurer la reconnaissance de la reconnaissances» ? Anthropologues, ethnologues et sociologues se voient promus en mentors, chargés de régir les articulations entre l'Etat partie, les détenteurs de la tradition et la convention de 2003, pour la «sélection» ou la «désignation» du PCI. La qualité des dossiers d'inscription du PCI, dans les listes du PCI dépend de la posture même de ces mentors, qui orientent le choix des pratiques à s'inscrire dans le champ du politique qui, en dernier ressort, valide la décision de la reconnaissance officielle du PCI. L'autre manière d'entrevoir le PCI, qui ne le réduit pas à une opération d'inventaire et à l'élaboration de listes, investi le champ de la sauvegarde, en procédant directement à la désignation des détenteurs du PCI, conformément aux principes de la convention de 2003, qui dispose que le PCI est l'ensemble des : «pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur identité» (9). Le détenteur est ici, le moteur agissant dans le processus de sauvegarde. Pour mieux contenir l'approche de la sauvegarde, nous avons sollicité un exemple assez illustratif, tiré de l'expérience coréenne, de sa loi sur la «protection des biens culturels», qui a prévu un système de désignation des détenteurs de la tradition, selon le principe de la chaine de transmission. Ce système se décline de la manière suivante : - Le «détenteur honoraire» est un transmetteur de la tradition qui, par l'âge avancé ou par l'état de santé, ne peut plus assurer la transmission ou l'enseignement. Il perçoit une aide financière de l'Etat. - Le «détenteur». Il est l'acteur principal de la transmission des «biens culturels immatériels». Il est le successeur du «détenteur honoraire». - L' «Instructeur-assistant» est chargé d'assister le détenteur. - L' «Artiste-maître ou stagiaire» joue le rôle de transmetteur, tout en continuant à perfectionner son art et ses techniques. Les stagiaires, formés par les détenteurs et les associés, peuvent accéder au statut d'artistes-maitres si leur formation est concluante. Dans cette chaine de transmission, l'apprentissage des compétences techniques et artistiques est basé sur l'association de méthodes traditionnelles et modernes. Ces dernières garantissant la dimension scientifique. Rares sont les personnes, parmi les transmetteurs, qui ont suivi un cursus universitaire; ils ont continué à participer à l'apprentissage des arts d'interprétation, qui est encouragé par l'Etat. La formation dans la transmission est traitée de la même manière que la formation universitaire, en usant du même système de crédits. Les différents transmetteurs pouvant accéder à des postes d'enseignement à l'université, selon le barème des crédits. Des avantages sont, par ailleurs, octroyés par l'Etat, pour encourager les activités de transmission (représentations, expositions). Ce mécanisme ingénieux de la désignation et de la sauvegarde du PCI, consacré par la loi coréenne, est une expérience utile qui, à titre de comparaison, permet de mieux observer les modalités d'articulation entre le régime de l'inventaire et de la liste, (archives, enregistrement vidéo, audio, films, photographies et autres technologies) et la voie immatérielle de la sauvegarde et de la transmission, proprement dite. Ceci nous amène à nous interroger sur le positionnement de notre pays par rapport aux options envisagées. D'emblée, nous affirmons que l'Algérie est établie dans le régime de l'inventaire et de la liste, par le fait même de son système juridique civiliste, fondé sur l'individuation, contrairement au système anglo-saxon du Common Law, qui prône la voie communautaire de la sauvegarde et de la transmission. Il est utile de souligner que la convention de 2003 privilégie les mesures de l'inventaire et de la liste, en laissant aux Etats-parties le libre choix de convenir, dans le cadre de leurs législations nationales, des modalités de mise en œuvre des actions de sauvegarde de transmission du PCI, selon la place et le rôle qu'ils confèrent à leurs détenteurs de la tradition. Lorsque nous examinons le TITRE IV de la loi algérienne n° 98-04 portant protection du patrimoine culturel, consacré aux « Biens culturels immatériels » et qui comporte les articles 67, 68 et 69, nous relevons que le PCI ne mobilise que les dispositifs d'objectivisation et de fixation du patrimoine (inventaires, banques de données, listes), à l'exclusion de mécanismes de sauvegarde et de la transmission, réduisant la portée des détenteurs, dans le processus de la reconnaissance du PCI. - L'article 67, définit les « biens culturels immatériels » comme « une somme de connaissances, de représentations sociales, de savoir, de savoir-faire, de compétences, de techniques, fondés sur la tradition dans différents domaines du patrimoine culturel représentant les véritables significations de rattachement à l'identité culturelle détenus par une personne ou un groupe de personnes... ». Ces catégories de définition ne sont pas appréhendées, en tant que telles, dans leur intangibilité et subjectivité. Elles sont envisagées dans leur traduction matérielle. Dans le même article, il est précisé qu' « Il s'agit notamment des domaines suivants: l'ethnomusicologie, les chants traditionnels et populaires, les hymnes, les mélodies, le théâtre, la chorégraphie, les cérémonies religieuses, les arts culinaires, les expressions littéraires orales, les récits historiques, les contes, les fables, les légendes, les maximes, les proverbes, les sentences et les jeux traditionnels ». - L'article 68 défini, quant à lui, la « protection des biens culturels immatériels », comme une série d'actions qui consistent en « l'étude, la sauvegarde et la conservation des expressions et matériaux culturels traditionnels... ». Ces actions sont combinées sans considération aucune de des contenus normatifs. Les notions de « protection », de « conservation » et de « préservation » ne s'appliquent, en fait qu'au patrimoine matériel (10). La « protection » est ensuite détaillée en une suite d'opérations, qui relèvent, quasiment toutes, du registre de l'ethnologique, à l'endroit de la « culture traditionnelle et populaire : - « la constitution de corpus et banques de données concernant le patrimoine culturel immatériel par l'identification, la transcription et la classification, la collecte, l'enregistrement par tous moyens appropriés et sur tous supports auprès de personnes, groupe de personnes ou de communautés détentrices du patrimoine culturel immatériel » ; - « l'étude des matériaux recueillis par des scientifiques et institutions spécialisées pour approfondir la connaissance et repérer les références identitaires socio-historiques » ; - « la sauvegarde de l'intégrité des traditions en veillant à éviter leur déformation lors de leur transmission et diffusion « ; - « les matériaux de la culture traditionnelle et populaire collectés font l'objet de mesures de conservation appropriées à leur nature de manière à en conserver la mémoire sous toutes ses formes et la transmettre aux générations futures »; - « la diffusion de la culture immatérielle, traditionnelle et populaire par tous moyens: expositions, manifestations diverses, publications, toutes formes et tous procédés et moyens de communication, création de musées ou sections de musées »; - « la reconnaissance des personnes ou groupe de personnes détenteurs d'un bien culturel immatériel dans un des domaines du patrimoine culturel traditionnel et populaire ». - L'article 69 a prévu « l'établissement, par le ministre chargé de la culture, d'une banque nationale de données», dont le contenu est renvoyé à un décret d'application (11). Dans ce décret il est conféré à chaque direction de la culture de la wilaya (DCW), la mission d' « 'identification des biens culturels immatériels, par tous les moyens prévus à l'article 68 de la loi n° 98-04... », ainsi que le rôle « de coordonner toutes les actions entreprises par les institutions et les organismes publics ou privés spécialisés ainsi que par les associations qui se proposent par leurs statuts de protéger et de promouvoir les biens culturels immatériels, ou par toute autre personne ». Il est également fait état, de « détenteurs des biens culturels immatériels », non pas comme agents actifs, producteurs de la tradition, mais comme « personnes » ou « groupes de personnes » ayant contribué à la préservation du PCI : « Il est reconnu la qualité de détenteurs des biens culturels immatériels aux personnes et aux groupes de personnes qui ont contribué ou qui contribuent à la préservation de la culture traditionnelle et populaire » (art.8). Un arrêté « fixant les modalités de collecte et de transmission des données des biens culturels immatériels » (12) est pris pour préciser que « Seul le directeur de la culture de wilaya est tenu de communiquer tous les six (6) mois, au service chargé du patrimoine culturel au ministère de la culture, les données recueillies sur tout support graphique ou audiovisuel auprès des personnes morales ou physiques détentrices des biens » (art. 2). Una autre arrêté (13) est venu fixer « Les conditions d'octroi de la qualité de détenteur des biens culturels immatériels aux personnes ou aux groupes de personnes qui ont contribué ou qui contribuent à la préservation de la culture traditionnelle et populaire en transmettant à une génération au moins, des savoirs, des savoir-faire, des compétences et des techniques qui constituent notre patrimoine immatériel». Dans son article 3, cet arrêté stipule que « Tous les trois (3) ans, le ministre de la culture octroie la qualité de détenteur des biens culturels immatériels aux personnes ou aux groupes de personnes cités à l'article 2 ci-dessus, sur la base d'une liste établie par ordre de priorité, après avis d'une commission spécialisée instituée à cet effet » (art.2). Un quatrième arrêté a été dédié aux modalités d'organisation et de fonctionnement des fonds documentaires spécifiques aux biens culturels immatériels (14). A la lecture de ce corpus de textes juridiques et règlementaires concernant le PCI, nous notons, que l'essentiel des ancrages et référents utilisé, est inspiré plus de la « Recommandations de 1989 sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire » et de ses mesures opérationnelles, que de la convention de 2005, considérant l'emploi d'expressions et de termes qui ont été revisités et parfois même abandonnés. Seul l'article 68, de la loi n° 98-04, dans son dernier alinéa, marque une certaine avancée, celle de « la reconnaissance des personnes ou groupe de personnes détenteurs d'un bien culturel immatériel ... », mais dont les textes d'application ont, hélas, réduit la portée. Pour conclure, nous avons souhaité revenir un peu aux questions que nous avons soulevées, dans la précédente contribution, sur « Le patrimoine culturel immatériel en Algérie : du local à l'universel », concernant les décalages et les anachronismes observés, en matière de PCI, entre les instruments normatifs internationaux et les législations nationales et les conséquences qui en découlent sur le plan opérationnel et de la mise en œuvre. Nous avons appelé, alors, à leur mise en cohérence et en conformité, dans une perspective d'actualisation. Si nous avons insisté, dans la présente contribution, sur l'un des aspects de cette problématique, en l'occurrence les approches d'identification et de désignation du PCI, en mettant en exergue la qualité du détenteur de la tradition et son rôle dans le processus de sauvegarde du PCI, ce n'est pas tant pour privilégier une option sur une autre, bien que le risque de hiérarchisation et de fragmentation du PCI est réel, par le fait même de la logique d'inventaire et des listes, mais pour convoquer l'urgence d'un regard critique sur la nature de nos engagements dans les conventions internationales. Je veux parler, ici, s'agissant du PCI, de la convention de 1992, sur la diversité biologique, la convention de 2003 sur la sauvegarde du PCI et la convention de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Un sujet d'importance, qui fera 'objet d'une prochaine contribution : « Le PCI et les enjeux de la diversité biologique et culturelle». Réf.: (1) Convention UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, adoptée en 2003 et entrée en vigueur en 2006. (2) -Liste Représentative (LR) - Les rites et les savoir-faire artisanaux, associés à la tradition du costume nuptial de Tlemcen, en 2012. Les pratiques et savoirs liés à l'Imzad, dossier multinational, avec le Mali et le Niger, en 2012. Les pratiques et savoirs liés à l'Imzad, vielle monocorde ancestrale jouée et fabriquée exclusivement par les femmes touarègues en Algérie, au Mali et au Niger, en 2012 . Le pèlerinage annuel au mausolée de Sidi Abd El Kader Ben Mohamed dit «Sidi Cheikh», en 2013. La cérémonie de la Sebeïba de Djanet, en 2014. Le Sbuâ, pèlerinage annuel à la zaouïa de Sidi El Hadj Belkacem dans le Gourara en célébration du Mawlid Ennabaoui.. Le couscous, les savoirs, savoir-faire et pratiques liés à sa production, en commun avec la Tunisie, du Maroc et la Mauritanie, 2020. La calligraphie arabe et les connaissances compétences et pratiques qui y sont liées, en commun avec seize pays Algérie, Arabie saoudite, Bahreïn, Egypte, Emirats arabes unis, Iraq, Jordanie, Koweït, Liban, Maroc, Mauritanie, Oman, Palestine, Soudan, Tunisie, Yémen, 2021. -Liste de Sauvegarde urgente (LSU) - Les savoirs et savoir-faire des mesureurs d'eau des foggaras du Touat-Tidikelt (région d'Adrar) et qui a été classé sur la liste du patrimoine immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. (3) Convention UNESCO pour la protection du patrimoine culturel et naturel, adoptée en 1972. (4) « Le Patrimoine immatériel de l'Unesco, un label dévoyé », publié le 07 décembre 2015 et mis à jour le 08 décembre 2020 par Erwan Desplanques. (5) Article 2 : Définitions - Convention UNESCO de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (6) F. Maguet. L'image des communautés dans l'espace public, in Chiara Bortolotto. Le patrimoine culture - Open Edition Books. Editions de la Maison des Sciences de l'homme. (7) Article 15 : Définitions - Convention UNESCO de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. (8) Ibid. 6 (9) Article 2 : Définitions - Convention UNESCO de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. (10) Article 2 : Définitions - Convention UNESCO de de 2003 : « On entend par sauvegarde les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l'identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l'éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine... ». (11 Décret exécutif n° 03-325 du 5 octobre 2003 fixant les modalités de stockage des biens culturels immatériels dans la banque nationale de données (12) Arrêté du 13 avril 2005 fixant les modalités de collecte et de transmission des données des biens culturels immatériels. (13) Arrêté du 13 avril 2005 fixant les conditions d'octroi de la qualité de détenteur des biens culturels immatériels. (14) Arrêté du 13 avril 2005 fixant les modalités d'organisation et de fonctionnement des fonds documentaires spécifiques aux biens culturels immatériels. *Docreur