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La gestion communale en question
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 13 - 10 - 2022

La commune algérienne, en tant que collectivité locale, est aujourd'hui au centre de l'actualité et le sera longtemps encore, à ne pas en douter. C'est dire que cette collectivité de base est tout à la fois le point de convergence et de départ, non seulement de la réflexion mais aussi, de l'action dans tous les domaines engageant directement ou indirectement l'Etat, le citoyen et la société ...
En effet, agir et réfléchir, c'est aussi décider. Et c'est sans cesse décider. Parce que la réflexion qui n'est pas au service de l'action tient davantage de la spéculation et pour ainsi dire, de l'amateurisme préjudiciable au Trésor public. Or, il y a des situations et des contextes où il faut prendre une décision. Et prendre une vraie décision, cela va aussi de soi, c'est prendre celle qui est optimale, autrement dit, celle qui assure le plus d'avantages en évitant le plus d'inconvénients, et qui rapporte le plus possible en coûtant le moins possible pour la collectivité. C'est ce que doivent savoir et apprendre à faire au cours de leurs mandats, les élus locaux lorsqu'il s'agit de la gestion communale qui engage des intérêts ou des enjeux allant au-delà de ceux de la personne morale ou physique habilitée à prendre une décision.
Cela signifie que l'on doit être suffisamment éclairé sur les considérations de tous ordres pouvant fonder celle-ci et que l'on est en mesure de se projeter suffisamment loin dans le temps pour mesurer la justesse que la décision prise face à ses implications attendues et qui ne seront donc par la suite plus des implications subies mais des conséquences et des effets voulus. On doit, par conséquent, décider en ayant pleinement connaissance des enjeux, des choix possibles, et des implications auxquelles conduit chacun de ces choix.
Tout cela suppose bien évidemment, une maîtrise et des compétences pour amener à la bonne décision et au bon choix. Mais aussi une capacité, une fois le choix fait ou les options prises, à conduire une affaire et à la suivre dans ses développements pour permettre l'aboutissement le plus heureux à un projet et à une décision. C'est là qu'intervient, naturellement, la notion de management qui est au cœur de l'ouvrage que j'avais dédié à la commune en 2011. Cet ouvrage paru aux éditions Casbah sous le titre : « La commune dans le défi du management et de l'ingénierie territoriale » fait référence à la question du management qui reste plus que jamais d'actualité dans la dynamique d'une « Algérie nouvelle » telle que souhaitée par la société algérienne. Le management peut s'entendre pour deux niveaux de compréhension : il est celui des ressources humaines et des moyens, tout comme il est celui de la conduite des projets. Cet ouvrage à faire lire par les élus de la Nation, vient justement dire tout l'intérêt d'une approche rénovée des questions ordinairement gérées par les administrations et les assemblées communales parce qu'il invite à rompre avec la démarche empirique qui a prévalu jusqu'ici pour aller, vers la convergence et la synergie des actions convenablement ciblées et correctement maturées.
C'est pourquoi, l'approche novatrice qu'il suggère donne la primauté à l'audit social, à la prospective, à la solidarité, à la complémentarité intercommunale, au partenariat entre les différents acteurs du développement local et à l'émergence de l'action citoyenne. C'est là, une manière d'optimiser les potentialités de l'espace ou de l'aire intercommunale de coopération, d'améliorer l'attractivité des territoires dans la perspective de la création de nouvelles richesses, à partir d'un développement équilibré, harmonieux et durable. La finalité étant bien sûr, d'assurer un cadre de vie propice à l'épanouissement de la population.
Cela veut dire, que tous les acteurs de la vie économique, sociale et culturelle, doivent être impliqués dans le processus décisionnel qui engage la configuration à venir de notre pays, qui n'a pour seul choix, que de s'éloigner du spectre de l'exclusion, de la marginalisation et de toutes les attitudes négatives qui hypothèquent la cohésion de notre société et menacent durablement l'unité nationale.
C'est dans un contexte fait de relations saines et de civilité, que la commune doit apparaître comme un élément fédérateur de toutes les bonnes volontés et les initiatives qui participent à l'amélioration du cadre de vie du citoyen, à la valorisation et au marketing des espaces communs de la vie courante. Mais il est vrai, que cette évolution attendue, exprimée comme une des principales aspirations citoyennes, ne peut s'accommoder de cet excès de dirigisme au niveau central et de cette tendance à vouloir tout normaliser par le haut, laissant ainsi peu de place à l'initiative locale. Il faut dire que la commune n'a de raison d'être, que si elle fonctionne comme une entreprise prestataire de services et de création de richesses au bénéfice des citoyens. Elle doit par conséquent disposer d'une autonomie d'action qui puisse lui permettre de faire face aux situations d'urgences les plus extrêmes. Il est vrai aussi, que la qualité de service rendu dépendra des capacités managériales des uns et du degré d'implication des autres, dans la vie économique, sociale et culturelle de la collectivité. En somme, cette image de la commune entreprise reste intimement liée au savoir-faire que doivent acquérir les élus, généralement peu familiarisés avec la gestion des affaires publiques, aux moyens d'intervention dont ils doivent disposer (régies communales, entreprises communales et intercommunales) à la compétence des personnels technico-administratifs et à l'implication d'une authentique société civile qui soit animée par le seul souci de l'intérêt général.
C'est donc là, une affaire d'émancipation de notre société, qui doit se traduire dans la situation présente, par la mise à niveau de la ressource humaine à tous les échelons de l'administration locale. Encore faut-il préciser que cette formation ne saurait se réaliser selon la formule habituelle de regroupements épisodiques des personnels, sans suivi ni évaluation. Bien au contraire, cette action de longue haleine est à inscrire dans la continuité et dans la durabilité si l'on veut donner un sens réel aux réformes attendues par les citoyens par rapport à la question de la modernisation de l'administration locale dans ses volets: actions de proximité et qualité du service public. Mais alors, que faire pour la réalisation de cet objectif, par rapport au niveau actuel de l'encadrement de nos collectivités locales? Faut-il attendre que toutes les conditions soient réunies pour accéder à ce niveau qualitatif en prenant le risque d'une lassitude de nos concitoyens, avec pour conséquence des réactions négatives à répétition, au demeurant difficilement gérables ? Il faut plutôt se dire: « qu'à la guerre comme à la guerre », il n'y a point de place pour l'attitude défaitiste et pour le laxisme pour peu que nous soyons animés par cette volonté forte à vouloir changer l'ordre des choses, sans calcul ni arrière pensée, tout en sachant que les citoyens ne sont pas dupes, au point d'être bernés à tous les coups.
L'heure est à l'action totalement inscrite dans la loyauté, dans l'esprit d'adhésion, dans le partenariat, dans la transparence et dans la communication. Ce n'est là ni un effet de mode, ni un caprice citoyen! C'est tout simple, un style d'action qui se veut être, plus conforme à l'évolution de notre société à l'instar de bien d'autres. Il faut alors agir dès à présent avec lucidité, détermination et abnégation afin de donner une lisibilité aux efforts de l'Etat pour ce qui concerne tout au moins, le traitement des problèmes liés à l'accueil du public et à l'expression de la demande sociale, à savoir ces deux questions les plus essentielles, autour desquelles s'articulent les revendications récurrentes des citoyens.
C'est là, un signal fort à émettre en direction de nos concitoyens qui aspirent à un changement profond et non à des promesses électorales sans suite, dans leur quête d'un bien-être tout au moins égal, à celui dont disposent les citoyens de pays à produit intérieur brut similaire au nôtre.
Il est vrai que tout ce qui a trait au siège de la commune et à ses annexes, est le premier repère pour le citoyen dans son jugement sur la gestion de la chose publique et le degré de considération qui lui est accordé. Il est bien évident que l'état de délabrement de la bâtisse, l'absence d'entretien des espaces ouverts, la tenue des fonctionnaires et le mauvais accueil comme c'est souvent le cas, ne peuvent que renvoyer à une image négative de la perception du service public.
Dans la pratique au quotidien, le citoyen mal renseigné dès le premier contact, est livré à lui-même dans le labyrinthe de l'administration, de par le fait qu'il soit balloté de service en service. Excédé par l'attitude des fonctionnaires, il finit par mettre en doute, la capacité des commis de l'Etat à être à son service. S'il faut trouver une explication à cet état de fait préjudiciable au moral de nos concitoyens et à l'image du service public d'une manière générale, l'on dira pour faire court, que si la classe moyenne laminée dans son pouvoir d'achat fonctionne à rythme réduit, c'est qu'elle n'a pas été reconnue par un statut conforme à son utilité. Alors, pas du tout pressés, les préposés aux guichets font traîner le traitement des dossiers, négligent le public, prennent tout leur temps à téléphoner, à faire la causette au su et au vu de tout le monde comme par provocation, et au mépris de l'attente des gens qui encombrent les guichets. Est-ce là, une manière pour ce corps administratif d'attirer l'attention sur sa condition ? En tout état de cause, le stress auquel les uns et les autres sont soumis, finit par éclipser le sourire et l'on devient collectivement grognon, au point de négliger les règles de bienséance.
Dans cette atmosphère toxique qui ne distingue plus l'acteur du figurant, il est à craindre une généralisation de cette gangrène à l'ensemble du tissu social et une démobilisation des forces de progrès, à un moment crucial où nous sommes interpelés par rapport aux turbulences induites par les tentatives de remodelage géostratégique, selon les intérêts de ceux qui régentent le monde d'aujourd'hui. Que ce soit pour un simple retrait d'extrait de naissance, pour un permis de conduire, pour une carte grise ou pour tout autre document administratif, c'est le parcours du combattant ! Les citoyens sont soumis à un véritable marathon, pour peu qu'ils ne soient pas disposés à « graisser la patte » à des fonctionnaires ripoux, comme il en existe partout, habitués au bakchich et aux arrondis de salaires ! Alors que faire, face à ceux décidés à faire commerce du service public toute honte bue, parce que rarement contrôlés et jamais correctement sanctionnés, par crainte d'une paralysie de ces services d'utilité publique !
Ces fonctionnaires indolents, imposent leur diktat lorsqu'ils prennent tout leur temps à reprendre le travail après la pause du déjeuner, lorsqu'ils simulent des pannes d'ordinateurs et des pénuries de formulaires ! Ils développent en quelque sorte, toute leur ingéniosité dans des pratiques de natures à exacerber la colère des citoyens, favorisant ainsi la grogne populaire, source de discrédit à l'égard des institutions chaque fois mises en difficulté et de manipulations fréquentes de citoyens excédés par le comportement de ces commis de l'Etat, peu soucieux de la chose publique et de l'intérêt général. Cette attitude devenue répétitive, génère une forme de divorce entre les citoyens et leur administration, une perte de confiance et une indifférence à l'égard des réformes annoncées par les pouvoirs publics.
Face au cauchemar du quotidien de nos concitoyens, la réhabilitation du service public prend alors, valeur d'un acte majeur de salubrité publique de première importance. Pour l'atteinte de cet objectif, l'action devra porter sur les trois éléments essentiels, que sont : l'homme, les moyens de fonctionnement des services administratifs et le cadre d'accueil. En ce qui concerne le premier élément, les préposés aux guichets d'accueil du public doivent être sélectionnés sur la base de critères rigoureux qui font référence à la loyauté, à la disponibilité d'écoute, à la qualité et à la célérité dans l'exécution des tâches administratives. Mais comment serait-il possible que ces conditions soient réunies lorsque l'essentiel de l'encadrement de nos communes est recruté sur le filet social, autrement dit, un personnel sans expérience et de surcroît sous-payé, alors que généralement versé au niveau du service sensible de l'état civil ?
Il n'est pas étonnant que les erreurs fréquentes de transcription des noms de familles et de sexes sur les actes de naissance soient devenues une hantise pour nos concitoyens, dans la mesure où leur correction ne peut se faire que par jugement ! Alors ! Bonjour la galère pour ces nombreux citoyens qui encombrent les tribunaux, de par la faute de fonctionnaires incompétents qui de surcroît ne reconnaissent jamais leurs fautes ! Comment serait-il possible qu'un tel personnel, puisse faire aboutir les réformes que l'Etat aura à engager pour réhabiliter le service public de proximité ? La disponibilité et la courtoisie n'étant pas forcément des qualités innées chez tout individu, il y a donc là, nécessité d'une formation spécifique de ce personnel qui doit être reconsidéré dans son statut une fois formé, afin qu'il puisse apprendre à écouter, à communiquer, à convaincre et à considérer le citoyen avec respect. Cela pose avec pertinence, la question de la réhabilitation des centres de formation administrative, cette autre expérience réussie, abandonnée à tort, alors qu'elle peut être encore aujourd'hui d'une grande utilité, particulièrement pour les collectivités locales les plus sous- encadrées, à savoir celles des régions du Sud et des Hauts-Plateaux!
Ne faut-il pas aussi recruter à titre de consultants, des administrateurs et des cadres des services déconcentrés de l'Etat à la retraite, pour pallier dans un premier temps le manque de professionnalisme observé à tous les niveaux ? C'est là certainement une action tout bénéfice pour la collectivité locale et pour les jeunes recrues, qui doivent être correctement encadrées, parce que ne disposant pas encore d'expérience.
L'on pourrait également songer à la mise en place de conseils consultatifs, tout au moins au niveau de nos grandes villes en associant les cadres supérieurs, retraités ou en exercice.
C'est là aussi, une manière de restaurer la dignité de ces nombreux cadres oisifs qui pourraient mettre au service des jeunes administrateurs, leur capital savoir-faire, tout en ayant le sentiment de se sentir toujours utiles pour la collectivité.
Pour peu que l'on soit plus imaginatif pour trouver la forme adéquate à l'implication de cette ressource humaine gaspillée, désœuvrée voire déprimée face à la situation dans la gestion des collectivités locales, mais pas seulement, l'on peut dire que le changement dans les mœurs administratives, est tout à fait à notre portée. Oui, nous pouvons nous en sortir, grâce à la conjugaison de nos forces dans un même élan de solidarité pour la construction d'une « Algérie nouvelle » et surtout, grâce à l'apport de ces « cheveux blancs », jadis formés à l'école du mérite et du respect de la chose publique, qui disposent du tact nécessaire dans les relations humaines, ainsi que du recul par rapport à l'évolution de notre société. Le deuxième aspect a trait à la pénibilité du travail manuel de transcription, à son caractère routinier, à la lassitude qui prend forme au fil de l'exercice de cette fonction de guichetier et à la pression du public qui lui aussi, fait perdre au personnel, le sens des relations humaines. Dans ce cas, la généralisation des techniques modernes de traitement des documents administratifs comme cela existe partout ailleurs, ainsi que l'amélioration du confort des deux côtés du guichet, prennent le caractère d'une opération prioritaire de première importance dont la finalité serait, l'émergence d'un cadre convivial d'accueil, propice à la sérénité dans les relations humaines qui se doivent d'être apaisées.
Le troisième élément relève du souci de transmission d'une image positive d'une administration rigoureuse dans la gestion de la chose publique, respectueuse des citoyens et disposée à mieux les servir. Cette image doit trouver sa traduction dans l'état des lieux, le traitement des espaces extérieurs, l'information et l'orientation du public, la tenue correcte du personnel et dans tous les éléments qui permettent au citoyen de mesurer le degré de considération qu'on lui porte.
Cette émergence d'un cadre convivial qui inspire la sérénité et la civilité, doit constituer une des préoccupations majeures de toute administration soucieuse de l'image d'un Etat au service de sa population. C'est de la sorte, qu'on pourra estomper progressivement cette atmosphère de cohue qui renvoie l'image déplorable d'un pays sous-développé, alors que disposant de moyens pour assainir cette situation préjudiciable à son image.
Il faut tout d'abord considérer que les effets négatifs et pervers du pilotage à vue qui caractérisent la gestion de nos communes, mais pas seulement, ne sont pas de nature à optimiser les investissements massifs octroyés au titre des plans communaux de développement, dans bien des cas non utilisés à bon escient, comme illustré par cette pratique du faire, défaire et refaire les trottoirs, devenue un sport national !
Tout se passe comme si l'aisance financière devait dispenser les collectivités locales d'une maturation de leurs projets, qui restent par conséquent à impacts limités. Il faut finir par admettre que la réussite de tout projet, dépend de ce que souhaitent les citoyens et non de ce qu'il sera décidé pour eux, en l'absence de leur implication !
La revendication de l'heure trouve son origine dans l'absence d'équité dans la répartition des moyens et la non-conformité des réponses apportées, par rapport à l'expression citoyenne. Or, comment peut-on être juste et équitable quand notre connaissance du milieu sur lequel nous voulons agir, n'est qu'intuitive et forcément subjective ? L'administration communale devra donc inscrire sa nouvelle démarche dans une rupture totale par rapport à l'empirisme qui ne peut conduire, qu'à l'injustice et par conséquent, qu'à la contestation.
Il faut pour cela donner la primauté aux études de cas et aux enquêtes de proximité pour établir une véritable cartographie sociale qui devra faire ressortir les spécificités dans la nature des problèmes de chaque quartier en milieu urbain et de chaque centre de vie, en milieu rural. L'on saura alors, comment se distribuent géographiquement la demande d'emploi, la pauvreté et la précarité des conditions de vie. L'on pourra disposer de connaissances et de données fiables pour la mise en œuvre de stratégies adéquates.
C'est donc à partir de la connaissance sans cesse renouvelée du milieu social et des moyens dont nous disposons, qu'il sera possible de hiérarchiser les besoins, de cibler avec pertinence les priorités et d'agir juste, dans la conformité des aspirations citoyennes. C'est de cette manière qu'on pourra établir une symbiose entre les différentes composantes de la société, une convivialité et une sérénité indispensables à l'émergence d'un mode de conduite, pour un développement équitable, harmonieux et durable. Cet effort à faire est d'autant plus important, qu'il n'est plus possible de couvrir les insuffisances managériales de bon nombre de nos élus, par l'appel massif au concours définitifs de l'Etat. Aujourd'hui, la différence se fera sur l'effort déployé pour attirer les compétences, impliquer les différents partenaires du développement, améliorer l'attractivité des territoires et créer de nouvelles richesses, sources de bien-être, de quiétude et de cohésion sociales.
*Professeur


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