‘'Toi qui as consulté tous les médecins de renom de la région et du pays ! Toi qui t'es déplacé jusqu'en Tunisie, en quête du soulagement du mal qu'on t'a dit incurable ! Toi qui as dépensé des fortunes sans qu'aucun toubib ne puisse te prodiguer le remède qui te soulage ! Viens par-là, viens chez moi ! Je te défie si tu ne retrouveras pas l'apaisement tant recherché ! Tu en as juste pour 400 dinars la potion, pas plus ! J'en ai des flacons à 100 dinars l'unité, mais je me dois de t'aviser que ce n'est pas aussi efficace ! Et si jamais, tu n'obtiendras pas la satisfaction recherchée, tu ne seras qu'un lâche si tu ne viendras pas me dénoncer en public !'' Ce sont là, presque mot pour mot, les propos de ‘'Ould Hadj Lakhdar''. Un fils de Hadj Lakhdar qui, cette fois-ci et ici, prétend être de Tiaret, mais qui, la prochaine semaine et ailleurs, prétendra venir de Tlemcen ! Et ils sont de plus en plus nombreux, ces ‘'Ouled Hadj Lakhdar'', à avoir opté pour cette profession de thérapeute informel. Hommes et femmes, désormais, ils sont légion dans tous les souks hebdomadaires ; certains osant parfois investir même le marché de Aïn Sefra, au centre-ville de Mostaganem. Partout, impunité et crédulité à souhait sont mises à profit. Partout l'imposture se ‘'normalise'' ! Ainsi, guérisseurs et charlatans, se faisant passer pour des exorcistes et autres thérapeutes, se baladent de souk en souk, pour vanter et louer leurs services ‘'salvateurs'' ou leurs remèdes miraculeux. Génial ! Contre les rhumatismes ou l'hypertension artérielle, la grippe ou la migraine, l'arthrite ou l'arthrose, l'estomac ou les intestins, les gaz et le ballonnement, le nerf sciatique ou le mal lombaire, l'asthme, l'asthénie, la fatigue sans relâche ni raisons ou la flegme, mais surtout les troubles de l'érection et l'impuissance sexuelle, ils prétendent disposer du remède d'une foule de maladies, y compris celles médicalement incurables ! Au moindre coût et sans diagnostic, exploration ou analyses préalables ! Seules la foi et la confiance suffisent ! ‘'Il n'y a de guérisseur que le bon Dieu, et Monsieur n'est là que pour vous procurer la potion pouvant vous débarrasser du mal !'', vous rappellera Ould Hadj Lakhdar l'évidence à même d'apprivoiser votre confiance. Parmi les premiers arrivés dans l'enceinte du souk, ils installent leurs étals faits de flacons, boîtes et sachets au contenu d'origines et de provenances diverses, et décorés de ‘'trucs'' vraiment bizarres, à l'instar des peaux d'animaux inconnus dans la région, de parties de végétaux desséchées ou de minéraux, et de vieux manuels scolaires de sciences naturelles. Ils ‘'branchent'' leurs mégaphones nasillant à plein décibels et comme de coutume, du fond du souk investi, ils drainent leurs auditoires fidèles. Petit à petit, ils reforment leurs ‘'halka'' de gens crédules, de patients désorientés par le mal physique ou psychique colporté réellement ou virtuellement, et de curieux attirés par le sujet tabou de la sexualité fréquemment abordé. Jouissant d'une facilité exceptionnelle du verbe, et doués d'un sens particulièrement percutant en matière de communication, ces charlatans, véritables comédiens hors paires, sont capables de tenir un monologue ponctué de temps à autre, de brefs dialogues, de l'aube à la dispersion du souk, vers, voire au-delà de la mi-journée ! La main sur le cœur, ils vous jurent par tous les saints que nombre de malades se sont rétablis, après avoir été traités par le remède miraculeux qu'on vous expose.. Dans la mise en scène, spectacle nature, des complices s'acquittent du rôle de rabatteur de la clientèle indécise. Le plus naïvement du monde, les ‘'assistants' sortent de la foule pour témoigner de l'efficacité du produit vanté contre telle ou telle maladie ; souvent, la preuve étant qu'ils n'en portent plus la moindre séquelle. Simple agriculteur ou fils de fellah, cadre dirigeant ou administratif, militaires de tous les grades, commerçants ou entrepreneurs, exclusivement composée d'hommes mais comptant une foule insoupçonnée de gens instruites, la clientèle couvre un large éventail socioprofessionnel. Au contraire de ce qu'on pourrait croire, les gogos ‘'foisonnent''. Les charlatans aussi !