L'armée française a systématiquement pratiqué l'assassinat et la torture sur ses adversaires. Un débat public à ce sujet est en cours en France depuis des mois. En novembre dernier 2008, deux hauts responsables militaires français à la retraite ont révélé au quotidien Le Monde qu'ils avaient, torturé, maltraité et assassiné des membres du FLN (Front de libération nationale), le mouvement de libération algérien de l'époque, entre 1954 et 1962 lors de la guerre d'Algérie.Le général Jacques Massu, 92 ans, qui était en 1957 le chef des tristement célèbres "paras" (10e division de parachutistes) et son bras droit le général Paul Aussaresses, 82 ans, chargé des services de renseignement à Alger, ont confirmé que plus de 3 000 prisonniers qui avaient à l'époque été portés "disparus", avaient en réalité été exécutés. La déclaration du général Aussaresses: "Je me suis résolu à la torture... Si c'était à refaire, je le referais Aussaresses a reconnu la réalité, en 1957, de la torture et des exécutions sommaires dans les pratiques de la politique de guerre française. Il s'est vanté d'avoir employé des moyens qui sortaient des normes établies par les lois de la guerre ainsi que d'avoir ordonné à ses subordonnés de tuer. Il reconnait avoir lui-même procédé à 24 exécutions sommaires de membres du FLN. Et il ajouta " ne pas avoir à se repentir ".Le débat sur la torture fut relancé par la publication dans Le Monde du témoignage d'une ancienne victime de la torture: Louisetta Ighil Ahgiz, une jeune militante de 20 ans à l'époque, qui était tombée en septembre 1957 entre les mains des tortionnaires, et qui souffre aujourd'hui encore, à l'âge de 64 ans, des séquelles physiques et psychiques de la torture. Elle avait été capturée après être tombée avec son commando FLN dans une embuscade du général Massu. Elle avait été emmenée, grièvement blessée, à son quartier général. Là, elle fut sévèrement torturée, sans relâche, trois mois durant. Louisette précisa comment Massu ou bien le général Bigeard, quand ils venaient la voir, l'insultaient et l'humiliaient avant de donner l'ordre par gestes de la torturer. "C'est comme s'il existait un code muet établi" ajouta-t-elle. Elle ne doit sa survie qu'à un médecin militaire qui la découvrit fin décembre 1957. Il la fit transporter dans un hôpital où elle échappa à ses tortionnaires. C'est cet homme qu'elle voulait retrouver au moyen de son récit dans Le Monde pour pouvoir lui dire merci. Le récit de Louisetta Ighil Ahgiz fut à l'origine d'un flot de courriers de lecteurs et d'articles dans de nombreux médias français. Un autre ancien combattant du FLN, Noui M'Hidi Abdelkader, qui avait été lui-même arrêté à Paris en 1958 et incarcéré et torturé à Versailles, confirme par exemple que la torture avait également été pratiquée dans la capitale. Il est convaincu que les archives, qui n'ont toujours pas été ouvertes, recèlent les déclarations de milliers de victimes de la torture. Le général Aussaresses témoigne : Paul Aussaresses, 82 ans, général du cadre de réserve. En 1957, commandant, coordinateur des services de renseignement à Alger. Ses déclarations au journal "Le Monde", 23 novembre 2000, rapportées par Florence Beaugé : EXTRAITS Dans La Guerre d'Algérie , Yves Courrières le présente sous l'appellation "commandant O". Pierre Vidal-Naquet, dans La Torture dans la République, parle de lui comme étant le chef de file "de ce qu'il faut bien appeler une équipe de tueurs professionnels" et souligne que son nom "ne figurera guère que dans un seul dossier publié, celui de l'affaire Audin.". Dans Les Centurions , de Jean Lartéguy, le général Aussaresses est présenté sous le nom de Boisfeuras. Il est enfin "le barbu" dans le roman de Robert Escarpit, Meurtre dans le pignadar .Le général Paul Aussaresses évoque d'abord, dans l'entretien au "Monde", le "système" mis alors en place par le général Massu : avoir un officier de liaison avec les services de police et la justice."Je suis arrivé à Alger début 1957, à la demande du général Massu qui, à la tête de la 10e division parachutiste, venait de se voir confier les pouvoirs de police sur le Grand Alger. Son second, le colonel Yves Godard, ne voulait pas de cette action policière. "Ce n'est pas pour nous", disait-il. Alors Massu avait décidé d'appeler deux types qu'il estimait sûrs et sur lesquels il pourrait s'appuyer : le lieutenant-colonel Trinquier et moi. J'avais reçu une mission précise : travailler avec la police d'Alger – dont Paul Teitgen était alors secrétaire général à la préfecture – et les officiers de renseignement, ainsi que le juge Bérard, conseiller juridique de Massu. Au début, nous n'avons eu aucun problème avec Teitgen. Ce n'est que plus tard qu'il a commencé à montrer des réticences à coopérer avec les paras. […] « Livrer ces hommes à la justice ? C'était hors de question » "Tous les matins, avec Trinquier, je faisais mon rapport à Massu et lui racontais ce qui s'était passé la nuit précédente. Pour qu'on s'en souvienne, nous consignions tout dans un gros cahier manifold. Il y avait quatre pages pour chaque jour : une pour Massu, une pour Salan [commandant en chef des forces armées en Algérie], une pour Lacoste, [ministre résident en Algérie] et enfin une pour moi."Parfois, je disais à Massu : "On a ramassé untel" et je le regardais dans les yeux avant d'ajouter : "On le tuera demain." Massu poussait un grognement, et je prenais cela pour un oui. "Une nuit, je m'en souviens, Bigeard m'a dit-: "J'ai capturé le groupe terroriste de Notre-Dame-d'Afrique, une bande de tueurs dont je ne sais pas quoi faire. Est-ce que vous pouvez demander à Massu son avis ?" Que pouvait-on faire ? Livrer ces hommes à la justice ? C'était hors de question, nous avions autre chose à faire que d'examiner les situations particulières de certains individus dans le cadre de la légalité... Trinquier et moi, on va alors chez Massu, et Trinquier lui suggère : "Tu ne crois pas qu'on devrait les envoyer dans le maquis (autrement dit les flinguer) ?" Massu a répondu : "Un maquis éloigné!" […]. 3.024 prisonniers avaient disparu" Il juge comme correspondant "à peu près à la réalité" l'affirmation de Paul Teitgen [qui quitta ses fonctions le 12 septembre 1957 pour protester contre la torture] selon laquelle "3.024 des personnes" assignées à résidence "avaient disparu". Il indique également que Robert Lacoste, alors ministre-résident en Algérie, "était parfaitement au courant. Il lisait tous les jours les comptes rendus du cahier manifold", ajoute le général Aussaresses. Interrogé sur le fait de savoir si "la torture était indispensable", il répond :"La torture ne m'a jamais fait plaisir mais je m'y suis résolu quand je suis arrivé à Alger. A l'époque, elle était déjà généralisée. Si c'était à refaire, ça m'emmerderait, mais je referais la même chose car je ne crois pas qu'on puisse faire autrement. Pourtant, j'ai le plus souvent obtenu des résultats considérables sans la moindre torture, simplement par le renseignement et la dénonciation. Je dirais même que mes coups les plus réussis, ça a été sans donner une paire de gifles. […]. (A suivre )