Et je sais que de moi tu médis l'an passé. - Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ? Reprit l'Agneau, je tette encore ma mère. - Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. Je n'en ai point. - C'est donc quelqu'un des tiens : Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos bergers, et vos chiens. On me l'a dit : il faut que je me venge. Là-dessus, au fond des forêts, Le Loup l'emporte, et puis le mange, Sans autre forme de procès. ( Jean de la Fontaine, Le Loup et l'agneau») Sans aucune forme de procès. Tout est là. Déterminisme et prédestination, tels seront ces ipséités que l'Occident et l'Orient traineront malgré eux tout le long de l'histoire. Peu importe la barbarie des uns ou les râles, les supplications et les récriminations des autres. Le reste, ce qui occupera l'intellect de ceux qui veulent décrypter ces abominables viols à grande échelle et cette violence inéluctable ne sera forcément que mystifications historiques. Trois universitaires français (Nicolas Blancel, Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire), ont essayé de réinjecter dans le champ d'une Historiographie de pénitence et à une mémoire occidentale défaillante et sélective (qui ne s'offusquait que pour les crimes perpétrés à l'encontre de leur civilisation – Nazisme-Shoah-Stalinisme…) des faits insoutenables, inadmissibles et auxquels nos amnésies délibérées ou inconscientes ont fait subir un deuxième outrage. Ces Historiens égrènent les chroniques de cette idéologie de l'Etiquetage, de l'Avilissement et enfin de l'Asservissement, odieuses techniques qui produiront à court et à long termes sur les mentalités et bien au-delà d'énormes ravages. Ce Bellicisme linguistique fut d'abord et assez tôt inauguré par une Rome hégémonique qui instrumentalisa et répandit ces campagnes de stéréotypisation et de stigmatisation («barbare/métèque») à l'encontre d'un monde qu'elle visait à domestiquer, au XVIe siècle les empires coloniaux reprennent le flambeau, mais cette fois-ci en affectionnant l'archétype du « Sauvage et du païen », des spécimens qu'il fallait impérativement purifier. Plus-tard, cet impérialisme fétichiste arrivera à trouver un autre objet de désir, une autre proie, un autre sentier d'illumination et beaucoup d'offrandes étincelantes, sonnantes et trébuchantes. « Le tournant fondamental reste la colonisation, car elle impose la nécessité de dominer l'autre, de le domestiquer et donc de le représenter…» « La mécanique coloniale d'infériorisation de l'indigène par l'image se met alors en marche…». Somme toute, il n'y a rien de nouveau sous le ciel du bon dieu. La barbarie est restée la même hormis cette mécanique d'infériorisation et de stigmatisation qui se mettra désormais à utiliser un outil plus moderne : La propagande et la communication. Il serait fastidieux de faire l'inventaire de ces méthodes utilisées dans l'unique but de façonner les mentalités occidentales et de les rendre plus perméables, réceptives et consentantes aux politiques coloniales inavouables. Mais celles qui furent les plus visibles et à même de constituer un matériau archivistique ou des pièces à conviction à charge contre cette arrogante et criminelle présence coloniale à travers le globe ont été ces périodes assez récentes où en Europe et en Amérique, un type nouveau de communication et de business a fait flores de la manière la plus honteuse. Entre 1877 et 1931, en France, en Allemagne, en Belgique, à Londres, aux Etats-Unis, essaimèrent ces « Zoos humains » qui étaient à l'époque plus connus sous l'euphémisme d' « Exhibitions ethnographiques ou d'Expositions Universelles ». Plus de 400 millions d'occidentaux civilisés s'étaient bousculés pour venir se délecter du spectacle affligeant de cette sous-humanité, ces soit disant « sauvages » que l'on exposait dans des foires avec parfois des mises en scènes théâtrales mystificatrices qui n'ont aucun rapport avec la réalité de ces ethnies au demeurant infiniment plus nobles. « L'Africain a été réduit à un état de servitude incompatible avec toute dignité humaine alors que ses institutions ancestrales lui garantissait depuis des siècles une liberté que l'Européen peut difficilement concevoir. ». Africains, Lapons, lilliputiens, Kanaks, Albinos… ont tous été assez longtemps les curieux objets d'un voyeurisme des plus indécents. Les différences ou spécificités biologiques et culturelles de ces ethnies constitueront enfin la raison que cet Occident barbare (Europe et Amérique) recherchaient pour se persuader d'avantage qu'ils faisaient réellement partie d'une race supérieure mandatée pour agir avec tous les moyens et alibis qu'elle se créera au fil du temps afin d'investir et violer les intimités et les droits les plus fondamentaux de cette multitude d'ethnies qui existaient paisiblement chacune dans son coin. Tout était adéquat pour exhiber ces « Bêtes humaines » : Jardins d'acclimatation, Zoos, Foires, Cabarets, Expositions officielles. Parallèlement au formatage de leur propre inconscient collectif par le biais de cette guerre de l'Image, tous les procédés artistiques furent mis à contribution : Peinture, Littérature, pièces théâtrales, Illustrés, gazettes, cartes postales… Dans un autre registre ,cette fois-ci celui de mettre en place une politique et une stratégie de communication qui vise à inculquer aux masses occidentales la notion de la Grandeur de l'empire colonial , Le ministre français des colonies Albert Sarraut, proclamera au Sénat le 27 février 1920 qu'il était « « absolument indispensable qu'une propagande méthodique, sérieuse, constante par la parole et par l'image, le journal, la conférence, le film, l'exposition, puisse agir dans notre pays sur l'adulte et l'enfant. » Cet homme politique était pleinement conscient de cette « conceptualisation de l'usage de la propagande et, en théorisant sur les liens entre pouvoir et utilisation de l'information, il énonçait des plans à long terme tenant compte des nouvelles techniques de communication » On peut presque avancer que toute l'Histoire de l'Humanité (y compris et surtout celles religieuses) a fait l'objet d'opérations délibérées de falsification éhontée. L'Histoire et ses interactions avec les mentalités ont été façonnées par l'entremise de préjugés, d'idées préconçues et de discours savamment et intentionnellement instillés dans les tempéraments des populations européennes par des groupes d'influence qui avaient des buts précis. Les écrits, les témoignages, les rapports qui ont contribué à faire l'Histoire depuis les époques coloniales du XVIe siècle jusqu'à la période de décolonisation ont toujours obéi à des règles qui n'avaient jamais eu pour souci ni l'objectivité et encore moins la quête de la vérité, ce qui préoccupait ces narrateurs c'était la « fabrique du consentement » au service des intérêts économiques, financiers ou stratégiques suprêmes et ultérieurs. A suivre