Ah ! La belle époque ! Quand le passage du car et l'ouverture et la fermeture de la poste ou de la mairie étaient des repères horaires absolument précis et indéfectibles ! Lundi 25 juillet. Quelque part, à la cité ‘'Hram aâlikoum'', dans une administration publique dont il n'est pas important d'en citer le nom dès lors que, du kif-kif au même, elles se valent toutes ou presque. Il est 8 heures 20. C'est une femme de ménage qui vous reçoit avec serpillère et frottoir. Vous saluez. Vous demandez l'excuse pour le dérangement, vous priez Dieu pour qu'il aide la femme, et vous enjambez son seau d'eau pour accéder au bureau d'accueil. 8 h 30, il y a un préposé à l'accueil, vraisemblablement le gardien de nuit impatient de rentrer chez-lui, deux visiteurs dont un vieil homme, assis muets face au comptoir, et personne dans les bureaux. 5 minutes plus tard, le premier agent rentre, salue, décroche un petit trousseau de clefs de sa ceinture, et s'engouffre dans un bureau. 8 h 45, un second agent entre, talonné par une première fille. Salem pour tout le monde, deux bécots avec accolade au préposé, il longe le couloir jusqu'au bureau de l'assistante du chef. Volte-face, il s'introduit dans un bureau, puis sort et revient rejoindre son collègue, un express au fond d'une tasse jetable qu'il dépose sur le comptoir. Tout comme le préposé qui s'esquive, puis s'éclipse en laissant sa tasse dans un coin. 8h 46, un second agent pénètre, salue et engage la discussion avec la femme de ménage en allant rejoindre son bureau. Un usager entre. Il est aussitôt ‘'liquidé'' par l'agent d'accueil qui prend, cependant, le temps de lui indiquer le chemin de la direction de wilaya sur laquelle il voulait l'orienter. 8h 50, le préposé à l'accueil sollicite la femme de ménage pour nettoyer une tache sur le comptoir. ‘'C'est du café qu'on a laissé sécher'', suppose l'agent. ‘'C'est peut-être un chat qui y a fait ses besoins !'', réplique la dame en allant chercher sa serpillère. A 9 heures, un troisième agent fille rentre. Le préposé à l'accueil s'occupe enfin de moi. Il supplie son collègue de s'occuper de moi, qui me renseigne sur ce que je voulais. Je quitte les lieux, en même temps que le vieil homme. Le ‘'patron'' n'était pas encore rentré, à l'instar d'autres agents dont les bureaux étaient toujours fermés. Ce n'est là qu'un exemple parmi tant d'autres en matière de ponctualité. Les derniers fonctionnaires soucieux du respect de l'heure sont partis à la retraite. A commencer par le directeur ou le chef de service auxquels personne n'a le droit de lui demander le moindre compte, la disponibilité du personnel administratif à 8 ou 16 h 30 tapantes est depuis fort longtemps, une exception. A l'instar d'une visite annoncée d'un haut responsable, de la trempe d'un ministre. Autre exception conjoncturelle, ce fut au lendemain des visites inopinées du wali à l'hôpital de Mostaganem. Ayant vu le sort réservé à l'ancien staff dirigeant de l'établissement, la situation s'est redressée pendant quelques jours avant de revenir à la ‘'normale''. Coïncidant généralement avec les changements opérés à la tête des directions ou des services, des feuilles d'émargement apparaissent de temps à autre, ici et là, dans certaines administrations. Aucune administration ne peut se targuer d'être le modèle, si ce n'est celui du pire, en matière de ponctualité. Durant l'été, les vacances et la vacance riment parfaitement; le ramadhan, surtout estival, parachève le comble. Avec amertume ou pas, le dindon de la farce n'a pas d'autres alternatives que celle de s'assujettir aux nouvelles mœurs désormais ‘'normales et ordinaires'' de son administration.