De notre correspondant à Constantine A. Lemili Il est de notoriété publique que l'administration constantinoise, sans exception, est exécrable. Rongée par la bureaucratie, aucune administration vers laquelle le citoyen se dirigerait sans être stressé n'existe. Des services de l'état civil aux guichets de la poste en passant par ceux de l'Algérienne des eaux ou de la Sonelgaz, toute relation avec l'un de ces organismes est beaucoup plus proche de la corvée, voire de la peine que de l'acte routinier qu'il devrait être. La Cnep ne déroge pas à l'ambiance et plus particulièrement l'agence Didouche Mourad qui, selon les informations que nous avons recueillies ici et là auprès d'agents et de cadres des autres unités, serait un peu «le biribi». Autrement dit, ladite agence servirait de réceptacle aux agents dont les autres unités se débarrassent pour des raisons d'indiscipline et, parfois, pour incompatibilité d'humeur avec les responsables. H. M. s'est présenté à l'agence Didouche Mourad en date «du 23 novembre dernier», nous dira-t-il. Objectif : «Retirer 120 000 DA pour des besoins urgents.» Il est d'entrée rabroué par l'une des agents qui décide de sélectionner «les petits retraits» (moins de 40 000 DA). Il lui sera, ensuite, conseillé de revenir après la fête de l'Aïd El Adha parce que l'agence préférait privilégier les retraits modestes plutot que le sien, ne s'inquiétant pas du tout qu'il y eût urgence en réalité. Quant à C.N., il rentrait de Ghardaïa après avoir passé la nuit à rouler. Le retrait qu'il prévoyait de faire devait lui servir au payement d'un agneau que sa famille avait acheté en son absence. Il devra faire face à hauteur du comptoir à l'hostilité du seul agent présent, les femmes ayant profité des largesses du directeur qui les a libérées à midi et peu importe les clients qui n'auraient eu la possibilité de faire le déplacement que durant l'après-midi. Première confrontation : «Vous allez retirer combien ?», questionne agressivement l'agent. «25 000 DA», répond le client. «Il faudrait d'abord que je vérifie s'il n'y a pas opposition sur votre compte», ajoute l'agent. «Pourquoi opposition ? Je suis un client régulier et mieux encore un… citoyen naïf qui paie loyer, redevances Sonelgaz, eau, téléphone à temps. Alors, opposition… opposition, je demande à voir ce que pourrait m'opposer la Cnep ?». Effectivement, le client est en situation d'opposition. Son tort ? Ne pas avoir effectué de retrait durant les douze derniers mois. «Bien sûr que je n'ai pas retiré. J'ai un compte d'épargne pour épargner des économies et non pas pour dépenser», répondra-t-il logiquement. Accrochage verbal rapide, menace de l'agent, suivie d'actes puisqu'il quittera son siège et rejoindra le client qu'il aurait tabassé n'étaient les cris de quelques… clientes présentes et, enfin, le directeur de l'agence et l'agent de sécurité également présents sur place depuis le début. Renseignements pris au téléphone auprès d'un cadre de la direction régionale qui a requis l'anonymat, il s'avérait que l'agent agressif «était un proche parent du directeur régional» et qu'il s'agissait aussi d'«une personne sujette à une maladie chronique qui la rendait malheureusement quelque peu agressive» (sic). Et enfonçant le clou, notre interlocuteur ajoutera : «Malheureusement, tout cela n'est pas sans contribuer au climat délétère qui règne dans l'agence et au malaise que vit la clientèle de la Caisse d'épargne. Des plaintes de ce genre, il y en a régulièrement et elles sont rarement traitées pour des raisons subjectives… bien entendu.» En attendant, nombreux sont les clients qui préfèrent retirer leur argent de la Cnep et le déposer dans des banques, notamment celles étrangères où le taux d'intérêt est plus conséquent. L'autre motif demeurant forcément le délestage de sa mission originelle qui consistait à privilégier les épargnants à l'accès au logement. La caisse, est-il besoin de le répéter, n'étant devenue qu'un organisme d'épargne dont les taux sont dérisoires comparés à ceux d'autres institutions financières.