Si Ramdane a décidé de nous parler, de l'Algérie, de la mémoire sans écriture, de ce que le peuple algérien a enduré durant des décennies, les massacres quotidiens et les génocides perpétrés par la soldatesque française. « Jusqu'à 1832, l'Algérie était une province d'un empire ottoman en décomposition. Le dey d'Alger se méfiait des arabes, son armée, les fameux janissaires et sa police étaient essentiellement composés d'éléments originaires des Balkans. L'administration beylicale ne leur verse plus leur solde, pour satisfaire leurs besoins alimentaires et charnels, ces soudards se livraient à des razzias chez les fellahs algériens proches de leurs bases. Aussi, quand les algériens verront se poindre à l'horizon quelques 650 bateaux déversés sur la côte algérienne une multitude de soldats, d'innombrables chevaux, chariots… Dès pieds à terre, les nouveaux concurrents français : tuent, décapitent, fichent les têtes de leurs victimes au bout des piques avec lesquelles ils terrorisent les survivants avant de les tuer à leur tour, pillent les animaux domestiques et les contenus des gourbis, incendient les habitations et récoltes, coupent les arbres pour se procurer les fameuses piques morbides. Terrorisées, les populations qui ont échappées ramassent à la hâte ce qu'il leur restait de plus précieux, leurs enfants, quelques têtes de bétail et de maigres provisions…avant de fuir vers l'ouest. Livrées à la famine, aux maladies, aux blessures, à l'épuisement, ces populations étaient obligées de marquer régulièrement le pas pour reprendre leur haleine, panser leurs plaies, cueillir, selon les saisons : herbes comestibles, fruits sauvages, glands et kharoub…indispensables à leur survie. Tu dois connaitre la suite ya Kaddour ? » Et Kaddour qui réagit : » Ma âla balich Cheikh, hadi ma Qrinahach » Et bien dira le professeur : « leur défense se limite à des manœuvres de diversions empruntées aux animaux. A chaque halte, les hommes valides font le guet, quand ils voient s'approcher leur impitoyable ennemi, font du vacarme pour attirer son attention dans l'espoir de l'attirer dans leur sillage, toujours vers le côté opposé au refuge de leur tribus. Il s'agit là d'une ruse connue chez certains animaux. Mais ces stratèges ne connaissent pas la portée des fusils de leur ennemi. A chacune de ces manœuvres ils y laissent de nombreux morts et blessés. Les soldats français sont de bons pisteurs, ils ont vite fait pour décoder leur ruse. Bien qu'ayant entendu le vacarme produit par leurs guetteurs, les tires ennemies, les femmes, les enfants et les vieillards, trop épuisés, ils n'ont pas assez de forces pour courir devant une armée bien équipée, copieusement nourrie, en pleine force de l'âge. Les fuyards rattrapés sont exterminés. Cette impitoyable poursuite va se prolonger pendant quelques 17 années, jusqu'en 1849. Ils auront quelques temps de répit dans les montagnes du Dahra où ils se croyaient à l'abri des poursuites de l'ennemi et où ils trouvent une nature vierge, généreuse en fruits, des grottes pour s'y abriter du vent et du froid. Tandis que le sol est recouvert de neige, les misérables occupants des grottes ignoraient que leurs traces laissées sur un sol enneigé pouvaient attirer leur ennemi vers eux. T'a compris ya Kaddour ? » « Oualou Cheikh ! Ma Qaraounach tarikh el Bled ! » Et le professeur qui leur donne rendez vous le lendemain pour la suite. « Saha ftourkom »