‘'Réflexion'' publie à partir de ce numéro d'aujourd'hui, un dossier sur la secrète relation entre la France et la Libye. Une série de publication sur le monde secret du renseignement, de l'action subversive et du contre-espionnagedans un but purement didactique. Il s'agit au moins de relater des faits nouveaux que d'une lecture qui fait le lien entre des événements souvent connus, spectaculaires ou non, qui paraissent plutôt disparates et conjoncturels mais derrière lesquels se profilent toujours des motivations de géostratégie politique et de la raison d'Etat. Amesys, la société qui avait vendu à Kadhafi un système de surveillance massive de l'Internet, a aussi vendu au moins sept systèmes d'espionnage des télécoms aux militaires, services de renseignement et policiers français. Des registres des marchés publics ont fait ressortir, la société française qui a fourni à la Libye de Kadhafi un système de surveillance globale de l'Internet, elle a également vendu ses équipements d'interception à la France de Sarkozy. Les comptes rendus de ces marchés montrent que la société Amesys a équipé les services français des ministères de la défense et de l'intérieur d'au moins sept systèmes d'interception et d'analyse des communications. Une réussite pour cette PME très spéciale, qui a fait des systèmes de guerre électronique une affaire d'espionnage hautement électronique rendant les grandes oreilles du renseignement français made in Amesys. Selon les documents épluchés, l'affaire remonte au mois de juillet 2007, quand la société Amesys a décroché secrètement en France un marché de 100 000 euros à la terminologie un peu technique. C'est une opération qui nécessite l'acquisition d'une chaîne d'interception DVB, pour Digital Vidéo Broadcasting, la norme de diffusion vidéo numérique, qui sert aussi à la transmission des données par satellite. Le renseignement militaire Français par le biais de sa Direction du renseignement militaire DRM avait reçu ce matériel. En paire avec la DGSE, La DRMutilise le système Frenchelon d'interception massive des télécommunications. Le nom de ce service de renseignement n'apparait pas en toutes lettres. Mais à travers une recherche poussée dans les sites électroniques, nous trouvons l'adresse e-mail : [email protected] générique utilisée pour l'appel d'offres remporté par la société Amesys. Cette adresse appartenait bien à la DRM. Les documents ajoutent qu'une année plus tard, le mois de novembre 2008, Elexo, l'une des filiales d'Amesys, a emporté un marché de 897 000 euros au profit toujours de la DRM,qui s'est dotée de démodulateurs routeurs IP satellite et analyseurs et cela dans le cadre d'une réception de matériels pour plate forme de réception satellite TV. Dans le même marché on trouve, la DRM a aussi investi 837 200 euros pour la réception des antennes de réception DVB et matériels de connexions.Un journaliste dans la peau d'un hacker, fin connaisseur des satellites, a bien ri en découvrant ces appels d'offres, dans la mesure où ce sont typiquement des systèmes d'espionnage des flux de données (TV, téléphonie, Internet) transitant, en clair, par les satellites. Sans compter que d'autres hackers ont récemment démontré que pirater un satellite était simple comme bonjour. Mieux: on pourrait faire pareil, mais beaucoup moins cher… à savoir “une cinquantaine d'euros, neuf, dans n'importe quelle grande surface de bricolage, au rayon antennes et TV satellite.Les services de renseignement militaire ne sont pas les seuls clients d'Amesys : le mois de juin 2009, la société a emporté un appel d'offres de 430 560 euros initié par le ministère de l'Intérieur, qui cherchait des enregistreurs numériques large bande .Amesys en vend deux : l'ENRLB 48, qui permet l'acquisition ou le rejet en temps réel de plusieurs types de signaux et qui est commercialisé en tant que système de SIGINT (pour Signal Intelligence, renseignement d'origine électromagnétique, ou ROEM, en français), et l'ZLAN-500, qui permet de faire de l'analyse tactique d'environnement ELINT” (Electronic Intelligence). Aucune information ne permet de savoir à quoi ils servent ou à quoi ont servi. Contactée, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI)), dont le directeur général préside la commission consultative chargée d'émettre des autorisations sur ce type de technologies, répond que la vente de ces systèmes a forcémentété validée par la commission consultative, mais refuse d'en dire plus. Contactés, une seconde fois pour savoir à quoi pouvaient bien servir ces systèmes, et s'ils avaient bien été autorisés, les ministères de la Défense et de l'Intérieur n'ont pas souhaité répondre à nos questions. Les seules données publiquement accessibles sont ces appels d'offres, les technologies utilisées, et leurs donneurs d'ordre. Impossible de savoir s'ils permettent d'espionner des Français, ou d'autres pays, si ces écoutes sont contrôlées, et si oui par qui…Encore une fois ils n'ont pas répondu si d'autres pays ont acquit ce système de captation des messages électroniques. Tous deux, comme le précise Amesys dans sa fiche technique soumis à une “autorisation R226“, doux euphémisme pour qualifier les systèmes d'écoute et d'interception : les articles R226 du Code pénal, intitulés “De l'atteinte à la vie privée“, portent en effet sur “la fabrication, l'importation, l'exposition, l'offre, la location ou la vente de tout appareil susceptible de porter atteinte à l'intimité de la vie privée et au secret des correspondances A suivre…