Alerte ! Le drame des harraga continue toujours et les souffrances de leurs familles grossissent et s'éternisent. Les harraga, ces personnes issues de la société, la notre bien sûr, sont souvent des jeunes et moins jeunes, des chômeurs et étudiants, des pauvres et des aisés, des femmes et des mineurs. On les appelle « les harraga », terme dérivé du verbe « brûler ». Effectivement, ils ont eu le courage de brûler les frontières, le passé, le quotidien ennuyant et sans doute leurs vies. Depuis plusieurs années notre pays vit au rythme de cette nouvelle tragédie et que la société n'a pas encore réussi à trouver le remède adéquat. Pas un jour ne passe sans que la presse se fasse l'écho de ces tentatives désespérées et périlleuses. Chassés par le désespoir et le chômage, tous étaient unanimes à tenter la chance de passer de l'autre côté de la méditerranée au péril de leurs vie. Leur adage : « mieux vaut mourir mangés par le poisson que rongés par les vers ». Un adage, à la fois curieux et suicidaire. Dans leurs têtes, la notion de la vie est totalement écartée pour laisser place à l'autodestruction. Une logique suicidaire et contre-nature. Rares sont ceux qui réussissent à s'installer dans l'eldorado rêvé. Les uns sont interceptés en mer, les autres repêchés en cadavres et d'autres sont portés disparus à jamais. Aucune information sur leur devenir En effet, c'est le sort redouté de pas moins de 14 harraga de la localité de Sidi Lakhdar, 50 km à l'Est de la wilaya de Mostaganem. Près d'un mois passé depuis leur escapade sans aucune information sur leur devenir laissant place à l'inquiétude, la souffrance et les appréhensions. Dans le but de les soutenir et étaler le drame de ces familles martyrisées par la disparition de leurs enfants et proches, le quotidien « Réflexion » a jugé utile de faire le déplacement au douar « Ouled-si-Larbi », à quelques kilomètres au nord du chef lieu de Sidi Lakhdar. Pour rappel, le douar tient sa réputation de sa fameuse carrière de sable, aujourd'hui fermée pour épuisement. Une fois sur les lieux, le climat était morose et triste. La douleur, mêlée à la frustration, se lisait sur les visages crispés. Le sourire a laissé place à l'inquiétude et le désespoir a pris le dessus sur la joie de vivre. Toutes les familles du douar sont affectées car les disparus sont tous issus de ce douar : fils, neveux, petits-fils, proches et voisins. La genèse remonte à la nuit du vendredi 11 novembre où les disparus harraga ont pris le large à partir d'une plage proche de leur hameau à bord d'une embarcation de fortune. Selon les indiscrétions, deux embarcations à bord de chacune d'elles 14 personnes ont pris le large durant cette nuit et à intervalle de moins d'une heure entre les deux départs. Il y a quelques jours, une embarcation, probablement celle portant le deuxième groupe, a été interceptée par les gardes-côtes au large d'Ain Turck . Les candidats embarqués à bord de la première embarcation, sujet de notre enquête, sont toujours portés disparus. La première semaine passée, l'inquiétude des familles commençaient à accroître puisqu'ils n'avaient reçu aucune nouvelle de leurs enfants. D'habitude, dans les quatre premiers jours, les harraga, quand leurs embarcations ne sont pas arraisonnées par les gardes-côtes, atteignent l'autre rive au bout de trois jours. Dès l'arrivée, ils appellent leurs familles quelques soient les circonstances. Malheureusement, cela n'a pas eu lieu et à ce jour, ils sont sans nouvelles. Neuf harraga d'une même famille Le plus dramatique dans cette tragédie est que neuf parmi les 14 harraga sont issus de la même famille. Ils sont tous des « Benharrat », les deux frères Hamza (21 ans) et Abdellah (19ans), Radouane (17 ans), les deux frères Youcef (17ans, lycéen) et Mohamed (27ans, ingénieur en chômage), Lakhdar (25 ans), Abderrahmene (17 ans), Affif (27ans), Abdelkader (18 ans). Les autres sont : Abdi Bouaza (20 ans), Chabeb Mourad (21 ans), Moumene Mohamed (19 ans), Khalifi Houari (27 ans) et Osmani Fayçal (18 ans). B. Ahmed, la cinquantaine, n'arrive toujours pas à admettre l'aventure périlleuse de son fils. Abattu et triste, il nous déclare : « Ma famille est foudroyée par la nouvelle. Notre vie a brusquement basculé dans la détresse. Le sort de mon fils demeure inconnu et je suis dans l'incapacité de faire quoi que ce soit pour trouver ses traces. Ma mère dont l'âge a dépassé les 90 ans, m'interpelle chaque jour sur l'absence de Lakhdar. J'étais contraint de lui mentir en lui annonçant qu'il a trouvé un travail à Tlemcen. Ces derniers jours, elle ne cesse de me demander pourquoi il n'a pas appelé ? Elle a le sentiment qu'un malheur a atteint la famille. J'évite de la voir parce que je ne peux plus continuer à lui mentir. » Chaque disparu est une histoire à part, et chaque famille représente une tragédie sans pareille. Les familles nous déclarent qu'elles ont entrepris toutes les démarches possibles pour trouver les traces des 14 harraga sans réussir à avoir la moindre nouvelle. Les proches et membres des dites familles installés en France et en Espagne ont été appelés au secours pour contribuer à la recherche mais de leur côté encore rien aucune nouvelle jusqu'à ce jour. Ami Mohamed rajoute : « Durant les quatre premiers jours, les téléphones des disparus sonnaient toujours mais sans répondre. Contacté, l'opérateur téléphonique « Djezzy » nous a confirmé que les numéros appelés sont bel et bien localisés sur le territoire espagnol ». Quoi que minime, l'espoir de les retrouver demeure. Cet espoir repose sur un énigmatique numéro de téléphone. Durant la première semaine, quatre familles distinctes avaient reçu des appels bips de ce même numéro qui est le 0034911128886 dont l'indicatif est bel et bien celui de l'Espagne. Ce numéro a laissé place à tant de supputations et semble être la clé de la réussite des recherches.
Les familles des disparus sollicitent l'intervention du wali Les familles de disparus sollicitent l'intervention de toute personne ou organisme pour dévoiler la qualité et la localisation précise du numéro cité car il demeure une piste sérieuse pour connaitre la vérité. Près de vingt jours après la disparition de leurs enfants, les familles et l'ensemble des « Ouled-si-Larbi » sollicitent l'intervention des hautes autorités du pays, et demandent l'intervention personnelle de Monsieur le wali pour entamer les démarches nécessaires auprès des ministères de l'intérieur et des affaires extérieures pour que les personnels de notre ambassade et consulats en Espagne prennent en charge l'opération de recherche de leurs enfants. Ils sont prêts à répondre à toute sollicitation des autorités compétentes pourvu qu'ils connaissent le sort de leurs enfants et mettre un terme au climat de stress et d'angoisse qu'ils vivent quotidiennement. Ils réfutent à toute personne l'exploitation de leur calvaire à des fins malsaines. Les tragiques évènements de Hadjadj sont encore vivaces dans les esprits. Y a-t-il une chance pour que les 14 harraga portés disparus soient encore en vie ? On l'espère de tout cœur.