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Le baccalauréat serait- il encore crédible ?

« Le vrai amour de son pays est un amour critique car c'est en critiquant ce qui ne marche pas qu'on pousse à améliorer, qu'on pousse à rendre meilleure la situation. » (Edwy Plenel, directeur du site Mediapart) à condition, ajouterais- je en toute modestie, que cette critique soit objective et constructive.
Il est reconnu que les vérités mises en lumière sont parfois amères et que « celles qu'on tait deviennent vénéneuses » (F.Nietzsche) car elles soulèvent des problèmes souvent dérangeants et fortement préoccupants. Les faire passer sous silence c'est adopter la politique insensée et ridicule de l'autruche qui consiste à fuir ses responsabilités au lieu de les assumer pleinement et opportunément.
L'opinion publique vient d'apprendre, par voie de presse, que le ministère de l'éduction nationale a décidé de fixer un seuil des cours queles candidats au baccalauréat auront à réviser : les sujets quileur sont proposés ne porteraient que sur lesprogrammesdespremier et second trimestres, le troisième étant sacrifié (se référer à EL Khabar du 20/04/2013 p.7).
Ce charcutage du programme scolaire, une mesure prise à titre exceptionnel ces dernières années,ne devient- il pas une tradition ô combien préjudiciable ? Ne faudrait- il pas, aucontraire, et dans l'intérêt biencompris des élèves, préserver la crédibilité du baccalauréat ( ouce qu'il en reste) et le valoriser ?
Ce faisant, le baccalauréatne risque- t-il pas de devenir un examen surmesure, loin des critères internationaux ? Amputer les programmes de pans entiers est « une fausse solution pour un vrai problème », affirme le porte- parole de l'union nationale des associations des parents d'élèves (EL Watan du 23/4/2013 p.5).
Une telle décision est due au fait que dans les hauts- plateaux et le sud surtout, c'est- à- diredans 23 wilayas, 60/° des collèges et lycées ont accusé un retard énorme dans la réalisation des programmes scolaires dont la moitié (parfois même davantage) n'a pasété concrétisée en raison des perturbationsàrépétition qui secouent le secteur de l'éducation. Ceproblème a été aggravé, d'une part, par lesmauvaises conditionsmétéorologiques qui ont sévi dans de nombreusesrégions dupays et compliqué les transports dans les zonesmontagneuses et désenclavées, notamment, durant lapremière moitié de l'hiver dernier.
D'autre part, par le retard dans le recrutement et l'installation des enseignants dans de nombreux établissements. Ces postespédagogiques n'ont été finalement pourvus (en particulier en mathématiques et en français) qu'en Novembre voire en Décembre 2012.
N'est- il pas aberrant et irresponsable que lesdispositions nécessaires ne soient pasprises en tempsopportun pour queles enseignants nouvellement recrutés par voie de concours soient installés dès le début de l'année scolaire ?
Quoide plus démobilisant et démotivant que des classes entières soient ainsi privées de cours et délaissées des semaines voire des mois durant, faute d'enseignants ! Gérer c'est aussi prévoir. Une bonne préparation de la rentrée scolaire, en amont et en aval, ne constitue- t-elle pas des prémices importantes de la réussite ? C'est une lapalissade d'affirmer qu'en fixant un seuil de révision des cours et des sujets pour le baccalauréat et en élaguant les programmes du tiers (pour le moins), on adopte une solution de facilité qui permettrait « d'acheter la paixsociale » pour un certaintempsmais , en réalité,cette fuite en avant ne contribue- t- elle pas à discréditer cet examen et à dévaloriser cediplôme ? Leprésident de la commissionrégionale de suivi des programmes pédagogiques des wilayas ducentre – M. Khaldi Noureddine- annonceque « le taux global d'avancement des programmes desclasses de terminale varie de 86 à 93/° et que le seuil minimaldes programmes étudiés a été pris enconsidération dans la détermination de ce taux.Et l'élèvene sera examiné que sur lecontenudes cours étudiés. »(proposrapportéspar EL Watan du 30/04/2013 p.7). Mêmevu et apprécié sous cet angle, le taux de concrétisationdesprogrammes n'incite guère à l'optimisme.Un tel taux a- t-il été effectivement atteint partout, ycompris dans leswilayas du sud quiconnaissent un débrayage cyclique de trois jours par semaine depuis le début d'Avril ?
Dans une telle situation, le baccalauréat cesse d'être « le sésame » et les nouveaux bacheliers risquent, pour beaucoup, d'éprouver les pires difficultés à poursuivre correctement leurs études à l'université.
D'aucuns pavoisent pourtant en arguant que l'Ecole algérienne enregistre des résultats encourageants que traduiraient les taux de réussite au baccalauréat (58,84/°en 2012). Cette amélioration quantitatives'accompagne- t – elled'unprogrèsqualitatif ? Qu'il noussoit permis d'en douter fortement ! En effet, comment peut- on prétendre que les objectifs – sur le plande la performance- soient atteints et satisfassent? D'ailleurs, ne serait- onpasen droit d'attendre que le taux de réussite au baccalauréat soit nettement meilleurpuisque lescandidatsàcet examen ont àtraiter – au choix- l'un des deux sujets proposés dans chaque discipline et qu'ils disposent d'unedemi- heure supplémentaire àchaque épreuve ?
Leministère de tutelle ne tablait- il passur un taux de réussite de70/° au baccalauréat en 2012 ? Ces mesures appliquées, ces dernières années, ne compensent- elles pasplus avantageusement celles du rachat qui étaient autrefois mises en œuvre ? Il est incontestable que les retardsaccumulés dansla concrétisation des programmes dansles cycles moyen et secondaire auront de fâcheuses répercussions sur la scolarisation, sur la qualité de l'enseignement et, par voie de conséquence, sur la valeur des diplômes (se référer àce sujet à mon article publié par le Quotidien d'Oran, le11/06/2006 p.7).
Les cours de rattrapage, dispensés à un rythme effréné et d'unemanière peu efficiente dans les établissements concernés, ne permettent guère de combler les lacunes et les retards et d'améliorer les compétences des apprenants.Comment serait- il possible que de nombreux cours,dispensés à la hussarde et dans la précipitation, soient compris et assimilés en quelques séances ? Par ailleurs, les cours dits particuliers dont bénéficient les élèveslesplus favorisés sont souvent un leurre ( se référer à mon article publié par le Quotidien d'Oran le 15/11/2008 p.20).Il serait question de proposer le report ( de deux semaines) des vacances d'été pour rattraper partiellement le retard enregistré. Une telle mesure serait, à mon sens, hasardeuse, improductive et démagogique. Ce serait un cautère sur une jambe de bois.
Force est de constater que la non-acquisition des connaissances et la mutilation des perspectives professionnelles risquent d'engendrer l'incertitude, le désarroi et l'enlisement. Cet état de choses prévaut tant et si bien que l'Ecole est pour beaucoup d'apprenants vécue comme un champ d'expériences douloureuses et que les échecs scolaires, aggravés par l'absentéisme, les déperditions, les abandons et les exclusions, sont alarmants et tellement évidents qu'ils ne sont plus considérés comme une anomalie. Pourtant, il serait lucide et réaliste d'admettre que « l'échec scolaire n'est qu'un produit de notre système scolaire et un constat de faillite de notre société. »( H. Salvat- L'intelligence, mythes et réalités).
L'école abel et bien besoin d'un sursaut salvateur : aulieude continuer à naviguer à vue, en fonction des circonstances, il serait urgent de mettre en œuvre une stratégie appropriée, réaliste et réalisable en prenant des mesures réfléchies, pertinentes et efficaces pouraméliorer la qualité et la performance de l'enseignement et valoriser ainsi les diplômes.
Les dispositions nécessaires devraient être adoptées et appliquées dans un esprit de concertation apaisée et de dialogue constructif et fécond avec touteslesparties concernées pour que l'Ecole algérienne ne soit plus sujette aux perturbations cycliques, aux grèves et àtoute forme de surenchère, que les élèves, nos enfants, n'en fassent pasles frais et dont l'avenir, déjà incertain, ne soit pascompromis.
La réussite de la réforme (à mener de manière rationnelle) de notre système éducatif est tributaire, dans une large mesure, de l'adhésion et de la participation responsable de tout un chacun en fonction de ses attributions pour combattre l'incurie qui s'installe un peu partout et que, finalement, le baccalauréat ne soit pas un diplôme au rabais. L'obtention du baccalauréat ne devrait pas être une fin en soi : il n'est pas forcément un gage de réussite socio- professionnelle. Ne serait- il pas judicieux d'ouvrir de nouvelles filières comme le baccalauréat professionnel en fonction des spécificités et des besoins du monde du travail et de valoriser les métiers manuels « spécialisés», de former aux métiers d'avenir qui suscitent des vocations ?
La politique de la gestion des flux, de la quantité s'avère peu performante carnon seulement elle aggrave les disparités au lieu d'y remédier mais elle favorise le nivellement par le bas. La médiocrité et la médiocratie ne devraient plus être de mise dans le monde d'aujourd'hui où on se livre à une concurrence rude et impitoyable.
Notre pays dispose de potentialités indéniables qui méritent d'être utilisées à bon escient et mieux rentabilisées au profit du savoir, de la performance et de la qualité. La déliquescence de notre système éducatif nous interpelle : l'avenir des générations présentes et futures en dépend dans une large mesure.


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