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Que devient l'esprit constructif, sans l'unité et l'indépendance de la pensée ?
Publié dans Réflexion le 12 - 06 - 2013

‘' Aujourd'hui, sans aucun doute l'Algérie avance rapidement vers le déclin, par le fait où la société ne cesse de connaitre le nivellement par le bas. Il suffit pour cela de comparer la situation il y a de cela une trentaine d'années, à la présente situation dans de nombreux domaines scientifiques, social, intellectuel et pourquoi pas artistique.''
Considérez les professeurs d'université dans le passé et ceux d'aujourd'hui, considérez la moralité publique d'autrefois et celle d'aujourd'hui, considérez la liberté de pensée dans le passé et cette même liberté ces dernières années, considérez notre musique, nos chants et nos fêtes de nos jours. Pouvons-nous constater dans tout cela autre chose qu'une marche vers la déchéance de la société. Certes, l'Algérie a subi au cours des dernières décennies une transformation économique remarquable qui a eu pour résultat l'enrichissement rapide d'une certaine classe sociale. Cet enrichissement a provoqué la diffusion de nouveaux idéaux dans la société, ou plus exactement d'idéaux sans grande valeur, parce qu'ils ont semé dans les esprits les germes du matérialisme, de l'opportunisme et du cynisme. On la constate dans tous les pays du monde, au terme de cette évolution économique, avec cependant cette différence, c'est que les autre pays possédaient des idéaux véritables, solides, avant d'être envahis par des idéaux étrangers dénués de valeur ; de la sorte cet enrichissement n'a guère porté atteinte aux traditions enracinées dans la science, la pensée, l'éthique et l'art. Quant à notre pays il n'était pas encore préparé à recevoir cette invasion matérialiste.
Le remède consiste actuellement à une réelle prise en charge, pour un véritable ressourcement de la société, afin de parvenir à édifier des idéaux élevés. Périodiquement de grandes librairies sont transformées en Fast-food, gargotes, cafétéria et autres quatre saisons. De nos jours les gens ne veulent plus du jus de l'esprit, ils veulent du jus de citron ! C'est vrai hélas ! C'est un phénomène dangereux qui suscite sollicitude et remède. Que les gens se détournent de la nourriture de l'esprit est un grand fléau pour une nation qui s'achemine vers le développement. Quel en serait donc la valeur de l'enseignement et de l'éducation dans notre pays, si le résultat et de former des clients de débits de boissons, de gargotes, de commerces de quatre saisons et non de librairies et autres bibliothèques ? La leçon la plus durable et l'acquis le plus important à l'école pour un étudiant ne résident pas dans ces connaissances limitées qu'on pourrait oublier au bout d'un certain temps, mais dans la faculté de lire et de s'instruire durablement. Il n'y a ni bien ni utilité dans les écoles, lycées, universités, si les étudiants qui en sortent, maudissent les livres, en mettant des scellés dans leurs esprits. Par contre l'étudiant qui se développe en lui l'amour de la lecture et de la connaissance, voit en même temps émerger en lui une grande université, qui lui fournit des connaissances renouvelées durant toute sa vie. Tel est le premier devoir de l'école : elle nous apprend l'amour de la lecture et exerce nos facultés intellectuelles à digérer les nourritures de l'esprit, puis nous pousse vers la vie pour dévorer les fruits de l'esprit. Certes dès sa naissance l'homme aime naturellement le jus de citron, mais il faut le préparer longuement pour qu'il préfère le jus de l'esprit. Imaginons que l'écriture est un des plus faibles moyens d'exercer une action sur la société, car nous constatons le plus souvent que celui qui est bien disposé en général à écouter, ne lit pas, et celui qui lit, écoute très rarement. Si l'écriture était peu ou moins utile, nous aurions observé depuis bien longtemps des changements dans la société. Mais chaque lecteur lit comme si le texte ne le concernait pas, mais lorsqu'il saisit le sens, il sourit, plie la feuille et dit :'' ce ne sont que des paroles ou : c'est bien'' par la suite il oublie tout. N'est-il pas à se demander pourquoi tant d'efforts pour répandre cette ancre qu'aucune terre n'absorbera, et que très rares les personnes qui en tireront profits ?
C'est vrai... c'est un effort dont on ne voit pas le résultat. L'eau arrose l'arbre dont on récolte les fruits. Mais l'encre que peut-elle donner ? Où sont les fruits visibles et parvenus à maturité chez les gens, grâce à l'encre et à la plume ? C'est une tâche ingrate, désespérante, fatigante, exaspérante, malgré cela, son auteur supporte et persiste, alors qu'il est persuadé que rien ne changera, que personne n'en sera transformée, tout au moins avec la célérité qui lui ferait éprouver le plaisir d'avoir réussi. Mais il continue d'écrire et oublie le résultat, au point de s'habituer à ce travail harassant. C'est peut-être là la cause de la défaillance apparente de la plume et du gaspillage de l'encre. Cultiver les esprits nécessite des générations pour que les idées atteignent leurs profondeurs.
Le jour où nous pourrons rendre les gens sensibles à l'existence d'un bonheur secret, dont l'origine ne serait pas matérielle, et faire en sorte que la société soit consciente qu'il existe un individu ou une communauté ne tirant crainte respectueuse, force et splendeur que de valeurs spirituelles, dépouillées de richesse et de prestige ; il deviendra possible ce jour-là, de persuader les gens que l'esprit existe, et cela parce que les gens ne voient devant-eux que le bonheur et le plaisir provenant du prestige et de la richesse.
Lorsqu'une nation civilisée exhorte ses enfants à aller verser leur sang, pour la préservation de la souveraineté, ne faudrait-il pas qu'elle leur fasse sentir que l'objectif en vaut la peine ? Y a-t-il un objectif plus noble que celui de protéger sa patrie, pour laquelle les citoyens ont donné leur sang, leur existence et leurs intelligences, pour l'édifier en vue d'en faire une gloire vivante, permanente dont peut se prévaloir le citoyen issu de sa terre natale ? Le combattant étranger des pays d'Europe, d'Amérique et même de l'Asie, part au champ de bataille, confiant dans l'idée que son sang sera donné et versé pour défendre l'édifice de sa nation, dont il sait combien de grands hommes y ont participé, consenti de sacrifices à cet effet, et combien de ses concitoyens ont enduré de gêne et de privations derrière les lignes de front, pour l'encourager sur le champ de bataille et lui venir en aide. Mais le combattant Algérien, part au champ de bataille verser son sang pour défendre qui ? Des bandes de voleurs, des courtiers, des corrompus tapis derrière les lignes pour ramasser des fortunes au prix du sang ? Ou pour défendre les richesses accumulées injustement par les uns et les autres. Mais malgré cela, le combattant algérien fait preuve de courage et de sacrifice pour son pays. Celui qui a comparé la vie de l'homme à un océan a parfaitement raison. Elle s'écroule vraiment dans de multiples lieux et dans des ambiances différentes pour se jeter en fin de compte dans l'océan de l'infini. Mais le plus étonnant dans la vie humaine c'est qu'elle n'est pas constituée que par une seule vie. C'est une série de vie qui se succède dans les étapes d'une longue existence. Toutes ses étapes ont chacune une vie autonome, différentes des autres. L'étape de l'enfance se distingue par une ambiance magique et une tendance angélique, celle de l'adolescence et de la jeunesse par son ambiance poétique et sa tendance idéaliste, et celle de l'âge mûr et de vieillesse par sa tendance philosophique et ainsi de suite. Ces étapes sont le plus souvent séparées l'une de l'autre d'une manière remarquable. Ce qu'on a vécu dans une étape ne conviendra nullement à une autre. C'est là que provient le conflit des générations. Chaque génération juge les autres d'après les critères de l'étape qu'elle traverse, sans se rendre compte de la différence d'ambiance chez les autres
Celle qui vit dans l'enthousiasme de la jeunesse, croit que chaque chose est enthousiasmante, et celle qui vit dans la froideur de la vieillesse croit que toute chose est froide. Si toutes les générations se montraient équitables, elles reconnaîtraient que la vie est une question de lieux et d'ambiances. Le mal est-il inné chez l'homme ou la nature humaine est-elle portée foncièrement au bien, et c'est la société qui change cette nature et oriente cette disposition ? L'homme est naturellement bon, mais la société a une influence prépondérante dans le processus de modification de cette disposition innée. A titre d'illustration un exemple revêt une signification toute particulière : un enfant avait trouvé un porte-monnaie contenant de l'argent, sa bonne éducation et disposition lui imposent de remettre l'objet trouvé au policier de faction au niveau du marché, ce policier au lieu de remercier et d'encourager l'enfant par de belles paroles, il lui lança d'un regard accusateur et soupçonneux à haute voix : n'y avait-il pas plus d'argent dans ce porte-monnaie ? Combien vous avez pris ? L'enfant intimidé, choqué et blessé dans son amour propre répondit tout simplement ‘'non monsieur l'agent'. Cet exemple pourrait nous démontrer la voie que suivra l'enfant honnête à l'avenir. Car il croira que l'honnêteté est un mythe, et le représentant de la sécurité un adversaire plutôt qu'un soutien du droit. C'est ainsi qu'avec une mauvaise pâte, pareille société fabrique de ses propres mains des voleurs, des délinquants et des criminels.
En tout état de cause, c'est dans l'équilibre des forces dans le corps humain ou le corps de l'état, ou le corps du monde constitué par les états, que réside le secret de la santé et de la paix. La difficulté n'est pas dans la connaissance de ce secret connu, mais elle consiste dans la manière de conserver cet équilibre. Dans le corps humain il est possible que la méthode de conserver l'équilibre réside dans la modération. Quant au corps étatique il se peut qu'elle soit fonction de la modération des hommes politiques. Mais ce remède appelé ‘'modération'' est-il facile à se le procurer ?À fabriquer ? Aucune pharmacie humaine ne peut fabriquer ce remède miracle qu'est la modération.


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