Alors que la mort rôde à chaque coin de rue à Gaza, au milieu du drame humain, la vie continue tant bien que mal de s'affirmer. La guerre a détruit leurs maisons, réduit en cendres la robe blanche et les préparatifs de mariage, mais il en faut plus pour décourager Heba et Omar. Réfugiés dans une école de l'ONU, ces jeunes Gazaouis ont maintenu leur plan: mercredi soir, ils se sont mariés. Avec les youyous des femmes et le nuage de ballons multicolores couvrant les murs, l'école de Chati à Gaza a changé de visage le temps de la fête. Quelques heures avant l'expiration (à 21H01 GMT) d'une nouvelle trêve de 72H dans l'enclave palestinienne, suspendue au sort des négociations avec les Israéliens au Caire, les réfugiés de l'école de Chati ont décidé de mettre de côté les morts et les destructions pour célébrer l'amour. "Si quelqu'un m'avait dit que je me marierai dans ces conditions, je n'y aurai pas cru une seconde!", lâche Heba, 23 ans. Au-dessus de sa tête, une coiffeuse manie avec dextérité ses cheveux, arrangeant délicatement ses mèches brunes. "J'avais tout planifié: la musique, la liste des invités, ma robe et mon bouquet. Et voilà, aujourd'hui, je me marie dans une école avec des milliers de réfugiés". Comme Heba, 222.000 personnes sont accueillies dans 89 écoles de l'agence de l'ONU pour l'aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA) à travers la bande de Gaza. Heba et Omar, 30 ans, devaient célébrer leur union le mois prochain dans la maison familiale de Heba à Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza, mais la guerre est arrivée, faisant près de 2.000 morts et détruisant tous leurs plans. La maison de Heba a été détruite et tout ce qu'elle avait acheté pour son mariage est parti en fumée quand les roquettes de l'aviation israélienne se sont mises à pleuvoir sur la petite bande du territoire où vivent quelque 1,8 millions de Palestiniens. Et la reconstruction de l'enclave exiguë sous strict blocus israélien prendra au bas mot des années, alors Heba a préféré accélérer les choses. "Si je ne me marie pas aujourd'hui, et dans ces conditions, alors je ne pourrai plus me marier avant trois ans au moins", dit-elle, "ma maison a été détruite, j'ai tout perdu". C'est l'UNRWA, avec d'autres agences d'aide, qui va financer le mariage et deux nuits dans un hôtel de Gaza. Au-delà des paillettes et du clinquant, pour Heba, ces deux nuits sont aussi l'occasion rêvée de quitter l'école de l'ONU où s'entassent des milliers de réfugiés. "Là-bas, je prendrai une douche par heure, ça me changera de tous ces jours passés sans voir une goutte d'eau pour se laver", lâche-t-elle, dans un rire jaune. Et si Heba tient à tout prix à se marier, c'est aussi parce qu'elle a déjà connu plusieurs attaques israéliennes sur Gaza. Et à chaque fois, sa famille a payé un lourd tribut. Sa mère, Nabila, qui la couve du regard dans le salon de coiffure, est en fauteuil roulant depuis qu'elle a été blessée par les éclats d'un obus de l'aviation israélienne qui a visé sa maison en 2006. Elle a également perdu son fils, âgé de neuf ans à l'époque, fauché par une bombe israélienne. "Heba est toute ma vie, je voulais tellement qu'elle ait une belle fête de mariage, dans de meilleures conditions. Ca me rend triste de savoir qu'elle va se marier dans une école pour réfugiés", soupire-t-elle. "Mais qu'est-ce qu'on peut faire?". "Ce sont les conditions qui se sont imposées à nous: notre maison a été détruite et son futur mari veut partir d'ici, une fois mariés il pourra l'emmener avec lui", espère-t-elle. Omar, justement, attend à la porte du salon. Lui, n'attend que le départ: "ma famille n'est pas à Gaza, je suis seul ici, la fête, les invités, ce n'est pas important: moi je suis content parce que je vais enfin épouser Heba". Chômeur comme 40% des Gazaouis, il place tous ses espoirs dans l'exil. Il envisage de rejoindre sa famille aux Emirats arabes unis. Pour Heba, ce voyage est l'occasion rêvée de "commencer une nouvelle vie avec Omar". "Ce sera comme une longue période de convalescence, pour oublier tout ce que nous avons traversé pendant cette guerre", dit-elle. Plus de 400 enfants tues, 344 naissances recensées Trop d'enfants sont morts des suites de ces frappes israéliennes enclenchées du 7 juillet au 3 août dans la bande de Gaza. L'ONG Save The Children veut que l'opinion publique s'en souvienne. Pour ce faire, elle a fait paraître le 6 août une pleine page dans les principaux quotidiens britanniques les noms et l'âge de 373 enfants tués, une liste communiquée par l'ONU et le ministère palestinien de la Santé. Titrée « À la mémoire des 373 enfants tués à Gaza », la liste, parue sur un fond noir sombre, relève aux yeux des lecteurs l'abominable tragédie vécue par d'innocents parfois âgées que de quelques mois. « Aidez-nous à garantir que ce sont les derniers », écrit plus bas l'ONG, qui appelle à « un cessez-le-feu permanent pour les enfants de Gaza et d'Israël ». Notons que depuis le 3 août, le bilan des enfants tués s'est alourdi. A la mort succède aussi la vie. L'ONU a dénombré pendant le conflit la naissance de 344 bébés, 152 filles et 192 garçons nés dans les écoles de l'UNRWA servant de refuges pour des dizaines de milliers de Gazaouis, apprend Saphirnews jeudi 14 août. Emu par la solidarité du peuple Algérien, un Palestinien nomme sa fille « Algérie » Alors que la mort rôde à chaque coin de rue à Gaza, et au milieu de ce drame humain, la vie continue tant bien que mal. En cette fin de semaine, nous avons appris qu'un père de famille ému par la solidarité du peuple Algérien, a nommé sa fille « Algérie, El Djazair en arabe». Rappelons que le 30 juillet dernier, une Palestinienne a ainsi donné naissance à des quadruplés à l'hôpital Al-Shifa de Rafah. Les nourrissons, trois garçons et une fille, pesant à eux quatre 7kg, sont en bonne santé.