Sept personnes, dont le secrétaire général du ministère des Travaux publics, placés en détention provisoire à la prison de Serkadji, à Alger, depuis septembre 2009. Cinq militaires - quatre colonels et un général- démis de leurs fonctions. Plusieurs autres individus auditionnés dans les prochains jours. La liste ne s'arrête pas. Des noms de hauts responsables ainsi que des étrangers susceptibles d'être inquiétés par la justice. Point commun à toutes ses personnes, elles sont soupçonnées d'être impliquées de prés ou de loin dans une affaire de corruption concernant le projet de construction de l'autoroute Est-Ouest. Géré par la 9e chambre d'accusation du tribunal d'Alger, ce dossier pourrait connaître des rebondissements spectaculaires dans les prochaines semaines. L'enquête sur le dossier de l'autoroute Est-Ouest démarre à l'été 2008 lorsque les services de sécurité ont été destinataires de plusieurs dénonciations sur des affaires de corruption liées à la partie du contrat de l'autoroute Est-Ouest que le gouvernement avait confiée en 2006 au groupement chinois Citic-Crcc pour plus de six milliards de dollars. Très vite, les investigations mènent les enquêteurs sur la piste d'un certain Chani Medjdoub. Ce dernier, Algérien résident au Luxembourg où il travaillait officiellement comme juriste fiscaliste, est un habitué des contrats internationaux. Grâce à des relations haut placées au sein des institutions de l'Etat, M. Medjdoub a réussi à devenir un interlocuteur incontournable à la fois du groupement chinois et du ministère des Travaux publics, chargé de la réalisation de ce projet grandiose. Chani Medjoub est le premier suspect à avoir été arrêté par les services de sécurité après près d'une année d'investigations. Il a été appréhendé à l'aéroport d'Alger dans le courant du mois de septembre dernier, à sa descente d'avion en provenance de Paris. Actuellement, il est détenu à la prison de Serkadji, à Alger. Lors des interrogatoires, l'homme s'est montré prolixe tant et si bien que ses aveux ont permis l'arrestation de six autres personnes. Parmi elles, le secrétaire général du ministère des travaux publics, Mohamed Bouchama. Placé sous mandat de dépôt, ce cadre du département dirigé par le ministre Amar Ghoul est actuellement incarcéré à la prison de Serkadji. Côté chinois, c'est le célèbre homme d'affaires français Pierre Falcon qui s'est chargé d'introduire Chani Medjdoub auprès de dirigeants du groupement Citic-Crcc. «Pour les entreprises chinoises implantées ou désireuses de mettre un pied en Algérie, Pierre Falcone est l'intermédiaire incontournable. Tout passe par lui. Rien ne peut se faire sans lui », explique un homme d'affaires français, fin connaisseur à la fois des marchés algérien et chinois. En avril 2006, M. Flacon était présent à Alger à l'ouverture publique des plis pour l'attribution du projet de l'autoroute Est-Ouest. Pour rappel, Pierre Falcone a été condamné la semaine dernière en France à six ans de prison ferme pour son rôle dans l'affaire des ventes d'armes à l'Angola. L'entrée en scène de Chani Medjdoub est intervenue au moment où le groupement chinois peinait à recouvrir ses créances auprès de l'administration algérienne. Les paiements étaient bloqués pour des raisons que les enquêteurs cherchent encore à élucider. Le procédé de Medjdoub était plutôt simple : En échange de facilités pour le recouvrement de ces paiements qui s'élèvent à plusieurs centaines de millions d'euros, Chani Medjdoub exigeait des Chinois des commissions. L'argent obtenu était alors transféré à l'étranger, notamment en Espagne où des comptes bancaires ont été ouverts au profit de Medjdoub et de ses complices algériens et étrangers. Cette opération a été rendue possible grâce à la complicité de deux responsables chinois de Citic-Crcc, actuellement en fuite. Selon notre source, l'argent n'était pas prélevé sur l'enveloppe allouée par l'Etat au projet. Les sommes versées au titre de la corruption provenaient directement du groupement chinois. Les enquêteurs soupçonnent que le paiement de ces pots-de-vin s'est fait au détriment de la qualité des travaux comme ils soupçonnent également les Chinois d'avoir surévalué le montant initial du contrat qui s'élevait à l'époque à 6,2 milliards de dollars. Lors de son audition, Chani Medjdoub a cité plusieurs noms de personnes qui seraient impliquées dans cette affaire. Ceux de deux anciens ministres figureraient sur la liste. Des noms d'intermédiaires étrangers ont également été cités. Sept civils ont été arrêtés dont trois trafiquants de devises qui facilitaient l'acheminement des sommes récoltées vers l'étranger. L'enquête sur l'autoroute a permis aussi de découvrir d'autres réseaux de corruption dans d'autres secteurs. Au-delà de son aspect judiciaire, cette affaire ressemble à s'y méprendre à une tentative de déstabilisation du président Bouteflika. A travers ce dossier, c'est en effet le plus grand projet du deuxième mandat du chef de l'Etat qui a été ciblé. L'autre victime de cette affaire est la Chine. L'image des sociétés chinoises se trouve écornée par ce dossier.