Les chefs d'Etat ou de gouvernement de l'UE se réuniront le dimanche 12 juillet pour faire le point de la situation avec la Grèce. Comme je l'annonçais dans l‘interview donnée à Radio Algérie Internationale et repris au niveau international ( voir magazine international Les Afriques –Paris- France 08 juillet 2015), contrairement à certaines analyses euphoriques après le vote du Non , mais utopiques, ignorant le fondement de la pratique des affaires internationales, le gouvernement grec a du faire des concessions majeures , allant vers un compromis entre la position intransigeante de l'Allemagne dont d'ailleurs les USA viennent de leur conseiller plus de modération, et celle de la France plus conciliatrice. Le plan proposé par le gouvernement grec selon les observateurs, après le vote du Non est une victoire posthume du « oui » et pose un problème politique de la future majorité qui gouvernera en Grèce pour appliquer les réformes. Cela explique le vote du parlement le 10 juillet 2015 où Alexis Tsipras a reçu le soutien de la formation centriste To Potami et du parti d'opposition Nouvelle Démocratie, mais certains membres au sein de son propre parti, Syriza, ont voté contre estimant qu'il a fait trop de concessions. D'ailleurs, même au départ, le retrait de la Grèce de l'Europe n'était pas évident, même si depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la possibilité existe pour un Etat membre de quitter l'Union européenne mais rien de tel n'est prévu pour l'appartenance à la zone euro, les procédures juridiques étant très complexes. Même dans l'hypothèse d'un accord, les procédures sont complexes, le Bundestag devant se prononcer sur le plan d'aide et d'autres pays soumettront l'accord au vote de leur Parlement national, à commencer par les Pays-Bas et la Finlande. L'Euro groupe a accusé réception du nouveau document de 13 pages intitulé « Actions prioritaires et engagements. », objet de cette présente contribution 1.-Je recense dix éléments fondamentaux proposés dans ce plan. a.- Premièrement, la limitation des possibilités d'insolvabilité des entreprises et des ménages et mesures pour augmenter les revenus issus des taxes sur les entreprises, la hausse de l'imposition des sociétés à 28 %. b.- Deuxièmement, la fiscalité des ménages par la fin de la limitation à 25 % des revenus des plafonds d'imposition, l'abaissement des seuils d'imposition à 1 500 euros, le renforcement des moyens des agents du fisc., c-Troisièmement, la suppression des niches fiscales dans l'agriculture , les créanciers ajoutant l'industrie portuaire , la révision de la taxe sur la publicité à la télévision, la vente d'autorisations d'émettre de nouvelles chaines et de licence de téléphonie , les créanciers ajoutant pour les bateaux de loisirs de plus de 10 mètres et des taxes sur les jeux d'argent à 30%. d.-Quatrièmement, point épineux pour la retraite, il y a marche arrière du gouvernement grec l'âge de départ à taux plein est prévu à 67 ans, ou 62 ans avec quarante ans de cotisation, la proposition étant de limiter les départs anticipés.- Longtemps opposé à la suppression de l'EKAS, une allocation complémentaire pour les petites retraites, le gouvernement accepte de la réduire progressivement jusqu'à ce qu'elle disparaisse en 2019. e.- Cinquièmement, la hausse de la TVA était la pomme de discorde entre Athènes et ses créanciers, plus précisément les nouvelles propositions acceptent un taux normal de TVA à 23 %, notamment dans la restauration (qui jusqu'ici était à 13 %) mais un taux réduit à 13 % qui serait maintenu pour les produits de base, l'électricité et les hôtels, et à 6 % pour les médicaments, livres et places de théâtre. f.-Sixièmement, étant une base vitale pour l'OTAN, expliquant la pression américaine sur l'Allemagne, la Grèce propose une coupe de 100 millions d'euros dans les dépenses militaires en 2015, de 200 millions d'euros en 2016, les créanciers proposant 400 millions d'euros; g.- Septièmement, pour l'administration publique, la proposition grecque est la création d'une agence de trésor autonome permettant de réduire le nombre de fonctionnaires tandis que pour les créances il s ‘agit certes de la création de cette agence de trésor autonome mais la fin des privilèges des fonctionnaires en les alignant sur ceux de la CEE. g.- Huitièmement, si le gouvernement grec et les créanciers sont d'accord avec la nécessité de la privatisation, ils divergent sur le rythme où dans le plan a été prévu la réforme du marché du gaz, la privatisation de l'opérateur d'électricité Admie et le changement de la législation sur les centrales électriques. h- Neuvièmement, l'Etat grec s'est engagé à vendre sa part restante au capital social des télécommunications grecques (OTE), dont le principal actionnaire est Deutsche Telekom, un appel d'offres pour la privatisation des ports du Pirée (Athènes) et de Thessalonique, la déréglementation des métiers d'ingénieur, notaire, actuaire, huissier, la libéralisation du marché du tourisme. i.- Dixièmement, en échange des nouveaux efforts consentis, qui devraient permettre 13 milliards d'euros d'économie sur trois ans, Athènes réclame un financement de 53,5 milliards d'euros pour couvrir les obligations liées à sa dette jusqu'en 2018 ,selon des sources européennes ce montant pourrait être supérieur, et un reprofilage » de la dette à long terme n' étant nullement question d'annuler la dette. 2.-Mais est ce que ces mesures seront suffisantes sans que l'on, ait pensé une nouvelle construction européenne et résolu la problématique de la dette souveraine des Etats pas seulement pour la Grèce, qui représente un poids très fiable au sein de l'Union mais pour l'ensemble des pays. L'endettement public, impact de la crise de 2008, a atteint un niveau inquiétant. La population grecque totalise environ 11 millions sur une population des 27 de l'Union européenne de 500, représentant 2,2% et les exportations de la Grèce représentent 0,8% des exportations de l'UE. La dette grecque de 312/313 milliards d'euros est structurée ainsi : Fonds européen de stabilisation FESF 130,9 - Prêts bilatéraux européens 53 -Investisseurs privés 34 -Autres engagements financiers 28 –BCE 24 – FMI 24 – Bons de trésor 14,8 et BEI 0,08. Par pays, nous avons l'Allemagne 41,3 – la France 31- l'Italie 23,7- l'Espagne 18,1- Les Pays Bas 8,7 - Autres 9,5. La Grèce n'est pas le seul pays à avoir vu sa dette s'envoler depuis le début de la crise. Rappelons que le traité de Maastricht, entré en vigueur le 1er novembre 1993, a défini des critères de convergence que les Etats membres doivent respecter pour passer à la monnaie unique, l'euro Deux critères sont relatifs à la maîtrise des déficits publics : le déficit des finances publiques ne doit pas dépasser 3 % du PIB pour l'ensemble des Administrations publiques et la dette publique doit être limitée à 60 % maximum du PIB. De 2007 à 2014, la dette publique de l'ensemble des pays de l'OCDE est passée de 73 à 112% de leur PIB. La somme des dettes publiques et privées dans le monde dépasserait les 200.000 milliards de dollars soit 286% de PIB mondial contre 269% en 2007. Si en rapporte «dette sur PIB», la dette grecque reste en valeur absolue, elle est loin derrière celles du Royaume-Uni (autour des 2.000 milliards) celle de l'Italie (plus de 2.000 milliards d'euros), de la dette de l'Etat fédéral américain, plus de 16.000 milliards de dollars (et plus de 100% du PIB) et du Japon 230% de son PIB. Prenons quelques pays selon les données de l'OCDE : l'Allemagne a un PIB pour 2014 de 3731 milliards de dollars , le déficit public 2013 a été de - 0,1 % ; la dette pour 2012 a été de 81,6 % du PIB . Pour la France le PIB 2014 a été de 2 133,7 milliards de dollars; le déficit primaire de 4% du PIB et la dette totale nationale 95,6 % (4ème trim 2014). L'Italie a eu un PIB 2014 de 2 000 milliards de dollars, un déficit primaire de -3% en 2014 et une dette publique 132% du PIB. La Grèce 2014 a eu un PIB en 2014 de 242 milliards de dollars contre 287 en 2009- 254 en 2012 (soit 2% de la zone euro) , une dette publique de 177% (le rapport PIB/dette a augmenté du fait de la chute du PIB entre 2012-2014 et non de l'augmentation de la dette) , 317 milliards de dettes publiques (aux banques françaises et allemandes principalement qui empruntent à 0% sur le marché mondial et reprête à la Grèce à 2/3 %) D'une manière plus précise, encore que les données statistiques ne convergent pas toujours, Eurostat vient de faire paraitre une intéressante analyse sur les dettes souveraines. Le rapport note que depuis plusieurs années, l'ampleur de la dette publique européenne ne cesse d'augmenter. La crise économique et financière de 2008, associée aux politiques de rigueur visant à réduire les déficits publics et donc, théoriquement, les niveaux d'endettement, apparaissent comme les principales raisons expliquant l'accroissement de la dette de l'Union européenne estimée en 2014, à 86,6 % du PIB. 3.- Pour tirer les leçons pour l'avenir, il est utile de rappeler la situation antérieure. Les créanciers privés depuis 2010, sont marginaux, et les principales créances étant détenues par les Etats allant dans la lignée des effets de la crise économique mondiale où l'on est passé de l'endettement privé à l'endettement public dans la majorité des pays développés, en fait faisant supporter par les générations futures le poids de cette dette. Rappelons qu'en mars 2012, les créanciers ont du effacer entre/70 % de leur créance, soit 107 milliards d'euros, le premier plan d'aide s'élevant à 110 milliards d'euros, constitués de prêts bilatéraux et le second plan d'aide de 141,8 milliards d'euros, versés à travers le Fonds européen de stabilisation financière (le FESF). Au total, la Grèce a reçu près de 250 milliards d'euros d'aide, sous forme de prêts, mais qui ont fait gonfler la dette du pays du fait des taux d'intérêts composés. Il était prévu que si au 30 juin 2015, la Grèce n'honorait pas le déboursement de 7,2 milliards d'euros dont un remboursement de 1,5 milliard d'euros au FMI, le pays serait en défaut de paiement et le référendum n'a pas changé la donne. C'est que les deux restructurations de la dette privée, de 2011 et 2012, n'ont pas permis de réduire le taux d'endettement du pays, le PIB s'est effondré, le taux de chômage et la paupérisation se sont accrus, et ce que l'on oublie souvent le taux d'endettement a mécaniquement gonflé du fait que le taux d'intérêt pratiqué à la Grèce est souvent deux à trois fois le taux pratiqué pour l'Allemagne et la France rentrant les primes de risques et finalement l'on s'est retrouvé dans l'impasse. Mais il ne faut pas avoir une vision de catastrophe car que représente 312/313 milliards d'euros où l'Europe des 27 pour environ 500 millions d'habitants a un PIB en 2014 de 17.359.420 milliards de dollars étant la première puissance économique mondiale avant les Etats Unis d'Amérique qui ont un PIB de 16.768.100 milliards de dollars pour une population de 360 millions d'habitants ( ces deux zones, moins de 900 millions d'habitants concentrant plus de 40% de la richesse mondiale) sur un total mondial de plus de 78.000.000 milliards de dollars. En fait tout dépendra de l'attitude de l'Allemagne, un vrai dilemme face à ses députés que devra affronter la chancelière Angela Dorothea Merkel dont le Parti a été le fer de lance de la construction européenne en rappelant le tandem entre le président François Mitterrand et le chancelier allemand Helmut Kohl. Car nous avons deux positions. Celle de l'Allemagne qui demande à la Grèce plus de rigueur budgétaire, la lutte contre la sphère informelle dominante, l'évasion fiscale et la corruption et l'autre plus conciliatrice, de la France de tenir compte de la situation sociale dramatique devant concilier efficacité économique et équité et que sans retour à la croissance il serait impossible à la Grèce d'honorer ses engagements. Car le retrait de la Grèce remettrait en cause le fonctionnement actuel même de l'Union européenne. Cela ne dédouane pas les différents gouvernants qui se sont succédés en Grèce ou a dominé l'économie de casino : corruption, dominance de la sphère informelle, non paiement des impôts, un train de vie supérieur à la création de la richesse interne, fuite des capitaux, illusion de richesses accentué par les créanciers qui ont en vu un eldorado qui se sont retrouvé piégés. En résumé, la crise grecque doit être méditée car l'histoire nous apprend que toute crise entraine des dérives totalitaires. Il s'agir de synchroniser la sphère réelle et la sphère financière qui doit être au service du développement, une symbiose entre l'efficacité économique et l'équité (les politiques parleront de justice sociale), la richesse de toute nation reposant sur la bonne gouvernance et l'économie de la connaissance, l'immatériel, les nouvelles technologies de combinant au matériel pour accroître la valeur ajoutée en termes de coût/qualité au sein d'une économie ouverte. Mais évitons les utopies. Nous sommes dans la mondialisation, c'est-à-dire en interdépendance et toute crise touche forcément tous les pays du monde, les plus vulnérables étant les mono-exportateurs. La Grèce étant un pays développé et de surcroît démocratique s'en sortira. Attention aux pays rentiers dont la baisse de la rente aurait pour conséquence une crise deux à trois supérieure à celle de la Grèce. C'est une bonne expérience pour l'Algérie mono-exportateur où le cours du Brent a fortement chuté se cotant à 58 dollars le Brent et 52 dollars le WIT le 10 juillet 2015(le prix du gaz étant indexé sur celui du pétrole) alors qu'il était coté avant le référendum pour le Brent à plus de 63/65 dollars et 59/60 dollars pour le WIT. Pour preuve, la Grèce avoisine 11 millions d'habitants, et a un PIB de 242 milliards de dollars en 2014, alors que l'Algérie qui approche 40 millions d'habitants a un PIB pour la même période d'environ 221 milliards de dollars à prix courants 2014. L'Algérie a connu les effets de la crise de 1986, une cessation de paiement et un rééchelonnement en 1994, cinq années après, ayant payé un lourd tribut par d'ajustement structurel imposé par le FMI. Espérons que nos gouvernants en tireront les leçons pour l'avenir.