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Les impacts géostratégiques de l'Accord historique du 4 juillet 2015 entre le groupe P5+1 et l'Iran
Publié dans Réflexion le 14 - 07 - 2015

Hasard de l'histoire, après une nuit de tractations le 12 juillet 2015, les dix-neuf dirigeants de la zone euro se sont mis d'accord pour négocier un troisième programme d'aide à la Grèce d'environ 87 milliards de dollars, en contrepartie de ce soutien financier, la Grèce devant s'engager à mener des "réformes sérieuses, cet accord permettant à la Grèce de rester dans la zone euro. Parallèlement, un accord entre le groupe P5 +1 et l'Iran a été conclu le 14 juillet 2015 après 21 mois e négociation. Et ce comme nous l'avions annoncé lors d'un débat avec mon ami Antoine HALFF ancien économiste en chef au secrétariat d'Etat à l'énergie US et actuellement directeur à l'AIE lors d'un débat le 24 octobre 2014 à Radio France Internationale – RFI (Paris France).
Je cite nos propos : « l'Accord définitif avec l'Iran sera parachevé, en principe vers la fin du premier semestre 2015 et les cours du pétrole se maintiendront à un niveau bas entre 2015/2020 ». L'objet de cette présente contribution est d'analyser l'Accord historique probable le 13 juillet 2015 entre le groupe P5 +1 et l'Iran et les impacts géostratégiques et énergétiques
1.-L'Iran face à l'embargo depuis 12 ans
La République islamique d'Iran, a été proclamée le 1er avril 1979. . L'Iran a une superficie de 1 648 000km2 avec pour capitale Téhéran et ses principales villes sont Machhad, Ispahan, Karaj, Tabriz. Sa monnaie est le Rial où un (1) euro = 33.917 IR en 2014. Selon les études de l'OCDE et du FMI, sa population est d'environ 77,8 millions (octobre 2014) avec une densité de 48,4 hab/km2, occupant la 2ème place derrière l'Egypte. Le taux d'alphabétisation est de 93% pour les Iraniens de 19 à 40 ans, encore qu'existe des disparités puisque l'Indice de développement humain est 0,707 ayant été classée 88è rang mondial. Le PIB par habitant 2013/2014) est de 4 748 dollars avec un produit intérieur brut (PIB (2013/2014) de 366,1 milliards $, étant la deuxième économie au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, PIB, ventilé comme suit : agriculture : 11,3% -industrie : 37,6%- services : 51% . En plus du pétrole et du gaz, l'Iran exporte principalement des pistaches, des tapis, des produits pétrochimiques, des produits chimiques organiques, de l'aluminium, des matériaux plastiques. Ses trois principaux fournisseurs sont la Chine, l'Allemagne et les Emirats Arabes Unis (qui jouent le rôle de centre de réexportation). Les biens principalement importés sont les machines, le fer et l'acier, l'équipement électrique et électronique et les céréales Après plus d'une décennie d'isolement diplomatique, l'Iran cherche à renouer avec la communauté internationale. Pour rappel, la conversation téléphonique avec le président Obama de septembre 2013 qui a constitué une rupture historique. Dès son élection en juin 2013, le président Rohani a exprimé son souhait d'améliorer les relations de l'Iran avec la communauté internationale notamment sur le dossier du nucléaire, dégradées au cours des présidences précédentes, tout en essayant d'apaiser ses relations avec les puissances régionales notamment ses relations avec les puissances sunnites, en particulier l'Arabie Saoudite et les tensions actuelles au Yémen en seront un test. Selon bon nombre d'experts militaires, le Yémen, à l'extrémité de la péninsule arabique et chasse gardée de l'Arabie saoudite via les USA, n'est pas une priorité stratégique pour Téhéran, bien moins en tout cas que l'Irak ou la Syrie, où l'Iran est un acteur majeur des crises en cours. Sur le plan régional, c'est un acteur clef comme en témoigne sa priorité qui est la lutte contre Daech où l'Iran a apporté son soutien au régime irakien mais également depuis le déclenchement de la crise syrienne son soutien à Damas, mais une position qui peut évoluer, prônant un gouvernement d'union nationale selon ses intérêts stratégiques, qui constitue, avec l'Irak et le Hezbollah au Liban ses points d'appui essentiels. C'est dans ce cadre que rentre l'accord historique du 13 juillet. Rappelons que le groupe des 5+1 les grandes puissances (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) et l'Iran ont signé jeudi 2 avril 2015, les « paramètres-clés » qui ont servis de cadre à un accord sur le programme nucléaire iranien. Il faut d'abord souligner que les négociations ne se sont pas déroulées seulement à Lausanne mais dans deux autres espaces mondiaux, en Iran et aux USA via Israël. D'abord en Iran où les forces réformistes doivent faire face aux forces conservatrices ; ensuite aux Etats Unis d'Amérique via Israël où le congrès à majorité républicaine a émis des réserves à un tel accord. Le président américain voulait à tout prix cet accord historique après plus de 12 ans de litiges en prenant les précautions d'usage, pour ne pas heurter ses alliés traditionnels Israël et l'Arabie Saoudite qui ont de forts appuis au niveau des républicains.
Il est conforté par l'opinion publique américaine puisque Aux Etats-Unis, de récents sondages montrent que l'opinion publique est plutôt favorable à un accord sur le nucléaire iranien. Dans une enquête menée pour le Washington Post et ABC, 59% des personnes interrogées soutiennent l'idée de lever la quasi-totalité des sanctions à l'égard de la République islamique en échange d'un accord qui limiterait le programme nucléaire de façon à empêcher la production d'armes nucléaires ; 31% se disent contre. Selon le secrétaire d'Etat américain et la partie européenne, les parties se sont mis d'accord sur le fait que les stocks d'uranium enrichi de l'Iran seront réduits de 98% pendant 15 ans. Le nombre de centrifugeuses de l'Iran serait ramené de 19.000 actuellement à 6.104 dans le cadre du futur accord. Cet accord serait un "pas important" qui permettra d'empêcher ce pays d'acquérir l'arme nucléaire, le Ministre des affaires étrangères Laurent Fabius ayant souligné que le souci est d'aboutir à un accord crédible et vérifiable afin que la communauté internationale soit assurée que l'Iran ne sera pas en situation de se doter de l'arme nucléaire. Les sanctions américaines et européennes seront levées progressivement en fonction du respect des engagements de l'Iran, tout accord final devant être endossé par le Conseil de sécurité de l'ONU.
3.- Fortes potentialités et situation socio-économique dégradée
Les potentialités de l'Iran sont très importantes, détenant le deuxième réserve de gaz traditionnel mondial et le quatrième réserve de pétrole du monde. Il est également situé sur la ceinture des réserves de cuivre de la planète et bénéficie de réserves considérables d'autres minéraux, tels que le fer, l'aluminium, le plomb et le zinc et un pays avantagé par des frontières qu'il partage avec 15 pays, pouvant devenir facilement un pays émergent, d'autant plus qu'il a investi dans la ressource la plus sure la ressource humaine, l'élite sans laquelle aucun pays ne peut se développer. Mais les indicateurs macro-financiers et macro-sociaux sont inquiétants : le taux de chômage en 20143/2014 officiellement est de 12,9%, mais estimé à 30% par le FM et le taux d'inflation à 35,2%. Le déficit budgétaire pour 2013/2014 aurait été de 6% du PIB avec une contraction du PIB de l'ordre de -1,2%. Selon le rapport du FMI l'excédent courant serait passé de 26,3 milliards de dollars (soit 6,6% du PIB) en 2012/2013 (mais 11% en 2011 / 2012) à 27,4 milliards de dollars (soit 7,5% du PIB) en 2013/2014 bien que l'excédent de la balance des paiements, aurait été ramené de 12,2 à 3,28 milliards de dollars Mais l'essentiel de l'économie repose sur la rente des hydrocarbures. Avec la généralisation de l'embargo, les revenus pétroliers de l'Iran ont chuté pour atteindre le quart de leur niveau initial et l'inflation a atteint plus de 35%, certains mois des niveaux record jusqu'à 50%, la valeur de la devise nationale a perdu 80 % de sa valeur, le taux de chômage réel grimpé à 30 % du fait de la croissance très faible. Ainsi, l'économie à forte dominance étatique, est très dépendante des revenus pétroliers qui irrigue la sphère économique et sociale qui représentant, selon le niveau du chiffre d'affaire, entre 70/ 80% des recettes de l'Etat. Dans ce contexte, une hausse ou une baisse du prix du pétrole influe sur les recettes du pays. Aussi, l'embargo a eu des répercussions négatives, les exportations de brut iranien étant plafonnées à 1 million de b/j environ selon les termes de l'accord intérimaire de Genève de novembre 2013 reconduit jusqu'à présent, expliquant en plus de la levée de l'embargo sur l'achat d'armes la prolongation des discussions jusqu'au 14 juillet 2015 alors qu'ils devaient être finalisées le 30 juin 2015.
4.-Levée de l'embargo et perspectives économiques
Le gouvernement iranien table sur la levée de l'embargo qui lui permettrait de dynamiser son économie via les exportations. L'Iran détient la quatrième réserve pétrolière mondiale avec plus de 160 milliards de barils ( 13/14% des réserves mondiales) étant le deuxième réservoir de gaz traditionnel avec plus de 34.000 milliards de mètres cubes gazeux soit plus de 16% des réserves mondiales sans compter que l'Iran aura alors accès aux quelques 100 milliards de dollars bloqués dans les banques étrangères, qui pourront augmenter ses exportations et attirer les investissements étrangers. A cela s'ajoutent les réformes internes entre 2015/2016 afin accroître les recettes fiscales où l'Iran envisage des privatisations et cessions d'actifs en forte progression par rapport au budget actuel, combiné à la réduction du train de vie de l'Etat (dépenses de fonctionnement, salaires des fonctionnaires). C'est suite à cette situation, que le président iranien Hassan Rohani a déclaré le 31 mars 2015 que son gouvernement voulait sortir l'économie de son pays de la récession, l'objectif étant la relance économique, la maîtrise de l'inflation qui selon ses propos avait atteint 40% en 2014, le pays étant confronté à une stagflation sans précédent intenable dans le temps. Et pour cela, il faut une politique de croissance nécessitant d'importants moyens de financement et donc la levée de l'embargo. Cela explique que le gouvernement iranien a commencé l'arrêt progressif des subventions sur l'énergie, le début d'un processus qui augmentera les prix de l'essence, de l'électricité et d'autres services publics. Pour la première fois le gouvernement a même été contraint, de vendre des dollars sur le marché pour soutenir la devise qui a fortement été dévaluée. Ainsi, le gouvernement iranien, notamment les réformateurs sont confrontés à d'importants défis internes nécessitant d'importantes réformes structurelles à trois niveaux:
Premier niveau, les subventions généralisées non ciblées, source de gaspillage, les situations de rentes et les détournements de fonds, constituant une autre cause de cette hémorragie permanente dans l'économie iranienne qui empêchent la canalisation des richesses dans le système de production intérieure et le développement du pays. Deuxième niveau tout en veillant à sa protection sécuritaire, limiter les dépenses faramineuses consacrées à l'appareil militaire du fait des tensions régionales dont le projet nucléaire à des fins militaires l'Accord prévoyant le nucléaire à des fins civiles, le programme balistique colossal et la politique interventionniste au niveau international qui nécessitent d'importantes aides financières. Troisième niveau qui impliquera des réaménagements au niveau du pouvoir iranien, la limitation du pouvoir des Pasdaran qui contrôlent une part essentielle de l'économie iranienne qui sans être soumis à la loi sur la fiscalité, monopolisent l'activité économique en encaissant des revenus colossaux dans les secteurs du pétrole, gaz, pétrochimie, téléphonie, informatique, de l'industrie de l'automobile, l'acier, le ciment, l'alimentaire, les produits pharmaceutiques, ainsi que les routes, les banques, les assurances. Selon les analystes, les Pasdaran sont parmi les plus grands cartels du monde et contrôlent plus de 50 % des importations et le tiers des exportations iraniennes
En résumé, l'embargo a affecté l'économie iranienne où selon le ministre du pétrole le conflit actuel réduit d'environ 50 %. L'Iran qui produisait vers 2011/2012 plus de 2,5 millions de barils jour peut produire plus de 5/6 millions de barils/jour. Ces facteurs ajoutés à la production du gaz-pétrole de schiste américain, devant devenir prochainement exportateur en Europe, du nouveau modèle de consommation énergétique basé sur l'efficacité et des énergies alternatives , de la crise mondiale ( l'AIE prévoyant une faible demande en 2016), l'Accord contribuera à maintenir les cours du pétrole bas, rappelant que le cession du gaz est indexé sur celui du pétrole. A cela s'ajoute le fait que la production hors OPEP , part commercialisée dépasse 67% contre 33% pour l'OPEP, sans compter les nouveaux arrivés sur le marché mondial , par exemple le Mozambique dès 2016 et l'exploitation des importants gisements en méditerranée orientale , la stratégie agressive du géant russe Gazprom , et l'effort de guerre de l'Arabie Saoudite qui ne veut pas en plus perdre des parts de marché face à la Russie et les USA, mais existant pour des raisons géostratégiques une entente entre les USA et l'Arabie Saoudite. La levée de l'embargo international et une reprise économique permettraient de désamorcer le climat de tensions que traverse tant la région que l'Iran avant la tenue des élections parlementaires prévues en mars 2016.
Ainsi, l'entrée en force de l'Iran qui a le savoir-faire, sur le marché pétrolier et gazier mondial aura un impact sur l'économie algérienne mono-exportatrice. Méditons la crise grecque qui pour 2014, 11 millions d'habitants a un PIB supérieur à celui de l'Algérie qui a 40 millions d'habitants » surtout après le rapport alarmant de la banque d'Algérie en date du 12 juillet 2015, où le risque, au rythme de la dépense actuelle et en cas de non changement de cap de la politique économique, l'Algérie irait inéluctablement vers l'épuisement du fonds de régulation des recettes fin 2016 et les réserves e change horizon 2019/2020. Après une tournée internationale, devant le premier ministre algérien et plusieurs membres du gouvernement algérien qui avec la culture de la mentalité bureaucratique rentière prédisaient un retour du cours à 100 dollars, le 04 novembre 2014 lors de la conférence organisée par le Ministère de l'Industrie au Club des Pins sur la relance économique, j'avais proposé un comité de crise pour parer à la chute du cours des hydrocarbures, que certains experts et membres du gouvernement algériens, vivant de l'illusion de la rente, écartaient, et déclaraient un retour à 100 dollars, et ce afin d'éviter l'expérience douloureuse des impacts de 1986. Pour preuve le cours du Brent à l‘ouverture le 14 juillet s'est coté à 58 et le WIT 52 dollars. En bref, bien que substitueront bon nombre de difficultés pour l'application, notamment en Iran et aux USA face aux forces hostiles, l'accord du 14 juillet 2015 préfigure une importante reconfiguration géostratégique au niveau du Moyen et pourrait influencer la carte énergétique mondiale.


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