Tlemcen, cette belle ville d'Algérie qui au début du siècle dernier, ne comptait que 30 000 âmes, dont 19 500 Algériens, 5 000 européens et 5500 juifs, chef lieu d'arrondissement à cette époque de 156 000 habitants. Tlemcen est situé à 806 mètres d'attitude, au pied de falaises rougeâtres presque à pic, ressaut du massif montagneux qui le domine au Sud, et que couronne la Qobba de Lalla Setti. Au Nord, s'étend la vaste plaine d'Hennaya, que constitue vers l'Ouest. La plaine de Lalla Maghnia. Au-delà de la plaine, l'horizon est fermé par le massif des Trara, où l'on observe le Fillaoucen, le Tadjera, Djebel Sofiane, et, à l'Est de la coupure de la Tafna, par laquelle on peut apercevoir la mer, par la chaîne des ‘'Sebaâ Chyoukh et du Tessala. Se sont des remparts Nord, de Tlemcen ou du haut du minaret de la grande mosquée qu'on jouira le mieux de ce merveilleux panorama. Indépendamment de sa situation magnifique, Tlemcen est très attachant par ses souvenirs historiques et surtout par ses édifices de l'époque arabo-berbère présentant un réel intérêt artistique et digne d'être comparès à ceux de l'Espagne. Sauf la grande Mosquée, qui est du XIIe siècle, à peu près tous ces monuments datent de la fin du XIIIe siècle, ou de la première moitié du XIVe siècle, et sont, par conséquent, contemporains de ceux de Grenade en Andalousie. Il ont fait l'objet d'une étude approfondie par MM. Marçais dans le volume ‘'Les Monuments Arabes de Tlemcen'' (Paris, Fontemoing, 1903, in8*) Les Algériens, musulmans ou juifs, ont mieux conservé leur originalité à Tlemcen que dans les autres villes d'Algérie. En outre, les environs, frais et ombragés, où les caroubiers et les térébinthes se mêlent aux oliviers plus de centenaires et aux figuiers, laisseront au touriste un souvenir ineffaçable. Bien qu'au cours du siècle dernier, des démolitions nombreuses lui aient fait perdre de sa couleur locale, Tlemcen reste la ville la plus intéressante de l'Oranie, et l'un des plus grands attraits de toute l'Algérie. Le passé historique de Tlemcen, nous réserve des surprises. Le berceau de Tlemcen est à Agadir, au Nord Est de la ville actuelle ; là s'élevait à l'époque Pomaria (les vergers), qui était tout d'abord un camp romain, semblable à ceux de Lalla Maghnia et de ‘'H'jer Erroum près de Sfisef, bientôt une ville se forma à l'abri d'une réserve militaire. On a trouvé, à Agadir ou dans le voisinage, beaucoup d'inscriptions latines, qui datent pour la plupart de l'époque chrétienne. Les plus récentes du VIIe siècle, de notre ére. Agadir fut fondé, à la fin du VIIIe siècle, par Idriss Première, sur l'emplacement de la ville romaine ; ce fut la capitale, à la chute des Idrisiinnes, des Beni Khazer et des Beni Yala, émirs Algériens, vassaux des Omeyades d'Espagne. Le Tlemcen actuel a été fondé, à la fin du XIe siècle, par El Mourabit Youcef Ben Tachfine, sous le nom de Tagrart, puis réuni à Agadir qu'il a ensuite remplacé. Enfin Mansoura, à 3 kilomètres de Tlemcen, montre les restes de la ville qui fut élevée, au début du XIVe siècle, par le souverain El Merrini Abou Yaâkoub sur l'emplacement de son camp, alors qu'il assiégeait Tlemcen. Tlemcen, qui demeure pendant tout le moyen âge la capitale du Maghreb central, fut prospère sous El Mourabitine et les Mouahidine, et surtout sous les Mérinides et les Abd-el- Ouadites ou Beni Ziane, au XIIIe siècle et au XIVe siècle ;l'époque de la présence mérinide (1337-1359) fut particulièrement importante au point de vue artistique, les princes mérinides ayant été de grands bâtisseurs. A la fin du moyen âge. Tlemcen était le centre des échanges entre l'Europe et l'intérieur de l'Afrique ; d'après certains historiens, elle eut alors jusqu'à 125 000 habitants. Avec les premières années du XVIe siècle, commença la décadence ; les Beni Ziane, pris entre les Espagnols campés à Oran et les Turcs, qui avaient fondé une puissance nouvelle à Alger, finiront une simple dépendance du Beylek de l'Ouest. Le centre de Tlemcen est la belle et ombreuse esplanade ou avenue du Mechouar. Le Méchouar, citadelle située au Sud de la ville, est de forme rectangulaire, d'environ, 490 mètres , sur 280 mètres. Il fut bâti en 550 de l'Hégire,(1145) sur l'emplacement où Youcef Ben Tachfine avait planté sa tente pendant qu'il assiégeait Agadir, et servit de demeure aux gouverneurs El Mouahidine, et plus tard aux rois de la dynastie des Abd El Ouadites. Il fut appelé du nom de Méchouar (lieu où l'on tient conseil) Majlis Choura., parce que c'était là que les rois de Tlemcen réunissaient leurs ministres pour délibérer sur les affaires de l'Etat. L'interieur du Mechouar, où s'étaient élevés autrefois de beaux édifices, était encombré de ruines vers la fin du dix huitième siècle. L'occupation Française de l'Algérie a déblayée les ruines pour y construire des bâtiments militaires, et la restauration de l'enceinte qui a perdu tout intérêt archéologique. A l'Occupation française, l'ancienne mosquée du Mechouar a été tranformée en chapelle pour l'hôpital militaire, le minaret haut de 30 mètres , est carré et couvert de panneaux décorés d'arcades entre placées ; édifié au début du XIVe siècle, il a subit avec le temps des remaniements postérieurs. La grande Mosquée, est un vaste quadrilatère irrégulier, de 60 m sur 50. Elle a été édifiée sous le règne de Al Mourabit Ali Ben Youcef et achevée en 1135. A l'angle Sud Ouest, de la façade sur la place de la Mairie, Qobba à dôme polygonal, qui était la nécropole des Beni Ziane. Sur le côté Nord, minaret rectangulaire bâti en briques, décoré sur ses quatre faces de colonnettes et de panneaux ornés de fleurons en terre cuite de couleur. Ce minaret, haut de près de 35 m.(130 marches ; très belle vue), a été construit par Yaghmoracen, premier roi de la dynastie des Beni Ziane, dont le long règne dura de 1236 à 1283. A l »poque sortir de la Grande Mosquée par le côté Est, fait face devant un petit oratoire, ombragé par d'énormes ceps de vigne, dans lequel est enterré Ahmed Ben Hassen El Ghomari, saint personnage du XVe siècle. La mosquée de Sidi Bel Hassen date de l'extrême fin du XIIIe siècle (1296). Elle a été réfectionnée et transformée en Musée des Antiquités. Elle est flanquée d'un petit minaret dont les quatre faces sont ornées de colonnettes et de mosaïques. Cette mosquée a été édifiée, ainsi qu'en témoigne l'inscription placée au milieu de la troisième travée, à droite du mirhab, en l'honneur de l'émir Abou Ibrahim Ben Yahia Yaghmoracen, l'an 696 de l'Hégire (1296-1297), après son décès. Probablement le nom de Sidi Bel Hassen donné à la mosquée est celui du célèbre jurisconsulte Abou El Hassen Ben Yekhlef Et Tenessi qui professa sous le règne d'Abou Saïd (1283-1303). La mosquée de Sidi Brahim, près de la très ancienne caserne de « Gourmellat » (minaret trapu ; salle très simple à cinq nefs de 19 m, sur 15 m) Le tombeau de Sidi Brahim est placé en dehors de la mosquée sous une Qobba à 8 pans ; murailles ornés d'élégantes arabesques. La mosquée et la Qobba de Sidi Brahim sont tout ce subsiste du vaste établissement constitué, dans la seconde moitié du XIVe siècle, par le fondateur de la seconde dynastie des Beni Ziane, Abou Hammou Moussa II, qui comprenait à l'époque une medersa et des sépultures princières. La mosquée Ouled El Imam, édifice du début du XIVe siècle, avait un minaret rectangulaire, haut de 17 m , orné d'une bonne décoration céramique en trois tons. Au nord Est de la place de la mairie, se trouve le quartier des commerçants et industriels, desservent les rues des Beni Ziane, de Mascara, Khaldoun, des Forgerons, de l'Huilerie. Reste de l'ancienne Kissaria, lieu de résidence et de négoce des marchands nons musulmans au temps des sultans Zianides, centre des affaires du vieux Tlemcen. Des casernements avaient remplacé la Kissaria Ils ont disparu à leur tour ; un marché couvert a été construit dans la partie haute ; des maisons coloniales s'élèvent entre le marché et la place du sinistre Bugeaud. Plus bas, dans la rue de l'Huilerie, qui s'en détache à gauche, pittoresques ateliers des pileurs de café. Plus loin, à l'angle de la rue de Mascara et l'impasse Derb El Msoufa, la mosquée des Sidi Snoussi, que flanquait un élégant minaret .Juste en face il y a Hammam Es Sebaghine ( le bain des teinturiers) établissement qui date de la toute première période de l'art tlemcénien.. En contre bas du rempart et de la voie ferrée, La mosquée de Sidi El Haloui, de son vrai nom Abou Abdellah Ech-Choudi, qui avait été cadi de Séville, et qui, retiré à Tlemcen, y avait été surnommé par les enfants Haloui parce qu'il vendait sur la place publique des bonbons et des pates sucrées. Il mourut en 1737.. Un petit bâtiment qui recouvrait la pierre tumulaire sans inscription de Sidi El Haloui, s'élèvait sur un tertre qu'ombrage un caroubier. Plus bas, se trouvait la mosquée, blanche dans un massif de verdure. Sur le bandeau qui surmonte l'arcade du portail, une inscription portant la date de 754 de l'Hégire. (1353), indiquait le nom du fondateur, le souverain Merinide Abou Inane Fares.La façade, fort endommagée, a été restaurée au début du siècle dernier. AGADIR OU LE VIEUX TLEMCEN Agadir,(les remparts ou la forteresse) le Tlemcen primitif, bâti sur l'emplacement de Pomaria, était circonscrit par un fort talus en escarpement, excepté au Sud et dans une partie de l'Est, où il dominait le ravin de l'Oued El Kalaâ. De son enceinte en pisé tant de fois relevée, il ne restait plus, à moitié debout, que le mur du Nord et ceux de l'Est. Un minaret est tout ce qui a échappé à la destruction de la mosquée, construite à la fin du IXe ou au début du Xe siècle. Ce minaret, tour carrée de 50 à 60 m, n'accuse pas une origine aussi ancienne (milieu du XIIIe siècle). Sa base repose sur des pierres taillées d'origine romaine dont quelques-unes se trouvent placées en dehors, du côté des inscriptions qui les couvent. En contre bas, encadré par un ravissant paysage, tombeau de Sidi Daoudi Ben Nacer qui était le patron de Tlemcen avant que Sidi Boumediene l'ait détrôné, et qui mourut au début du XIe siècle. EL EUBBAD OU SIDI BOUMEDIENE El Eubbad , pittoresque village typiquement musulman, entouré de jardins luxuriants, à l'époque. Surnommé aussi Boumediene en hommage à Sidi Boumediene patron de Tlemcen, aujourd'hui Choaïb Ibn Husseine El Andalousie, surnommé Abou-Mediène, né à Seville vers 1126 (520 de l'hégire). Il suivit les écoles de Seville et de Fes. Il visita ensuite Tlemcen et la Mecque, puis professa successivement à Baghdad, à Seville, à Cordoue et à Bejaia, où il s'établit définitivement. Desservi par des envieux auprès du souverain Almouahid Yaâkoub il fut appelé à Tlemcen par ce prince. Le Soufi Boumediene se mit en route conformément aux ordres de Yaâkoub mais arrivé à l'Oued Isser, il mourut sans avoir pu arriver au terme de son voyage, en 591 de l'Hégire (1197-1198). Transporté à El Eubbad, où il fut enterré dans un lieu où se trouvaient déjà les tombeaux de plusieurs saints de distinction. Mohamed En Nacer, successeur d'El Mansour, y fit élever un mausolée à sa mémoire. L'importance d'El Eubbad s'accrut beaucoup lors de l'occupation de Tlemcen par les Mérinides, dont ce lieu fut le pèlerinage préféré ; de cette période datent la mosquée et la medersa. A côté de Sidi Boumediene, repose, Sidi Abdesalam Et Tensi, un des disciples préférés de Sidi Boumediene. Aussi le lieu où fut inhumé l'Emir El Mouahad Es Saïd, tué dans un combat à Tamzezdekt contre Yaghmouracen, le fondateur de la dynastie des Beni Ziane . La mosquée de Sidi Boumediene qui occupe un rectangle de 30 m sur 18m à l'époque, est beaucoup plus intéressante que la Qobba. Elle a été construite, ainsi qu'en témoignent deux inscriptions l'une sur le porche, l'autre sur le chapiteaux du mihrab, par le sultan mérinide conquérant de Tlemcen Abou El Hassen Ali, en 1339. La medersa, contiguë à la mosquée, a aussi été construite par Abou El Hassen Ali, en 1347. Cet édifice, auquel donne accès une porte ornée de faïences, a été tr's endommagé par l'humidité. LA GRANDE MOSQUEE DE MANSOURA En sortant de Tlemcen par la porte de Fes, en direction de Lalla Maghnia , environ 2 km, se dresse devant la Qobba de Sidi Bou Djemaâ et où commence l'enceinte de Mansoura, la ville qui a été fondée en 1302 par Abou Yaâkoub sur l'emplacement de son camp, la quatrième année du ^premier siege de Tlemcen. Mansoura, était une ville admirable, dit un auteur arabe (Rahalla), tant par son étendue et sa nombreuse population que par l'activité de son commerce et la solidité de ses fortifications, recut de son fondateur Abou Yaâkoub, le nom d'El Mansoura, c'est-à-dire la victorieuse. Le souverain mérinide ayant assassiné en 1307. Mansoura fut évacué. Mais 28 ans plus tard, de nouvelles mésintelligences, ayant éclaté entre les Beni Ziane et les mérinides, Abou El Hassen, le sultan noir, vint prendre position à Mansoura, et investit à son tour Tlemcen (1335). Pendant ce second siège, qui dura deux ans, Abou El Hassen releva Mansoura . Ainsi, Tlemcen demeure, une ville historique, qui a réuni culture et art Islamique. Tlemcen a toujours refusé, l'agression culturelle ou artistique. L'Ancienne génération a très bien préservée, ce trésor issu du patrimoine de l'Algérie. A un moment la ville entourée de ses Haouz, a interdit aux non musulmans de franchir ses portes. C'était une ville sacrée.