Une action militaire des Etats-Unis contre la Corée du Nord, dotée de l'arme nucléaire, est possible en cas d'escalade, a averti vendredi le chef de la diplomatie américaine, prévenant que la politique de "patience stratégique" de Washington n'était plus d'actualité. Rex Tillerson effectue une tournée en Asie, sa première expérience diplomatique du management de crise. Il s'est exprimé quelques jours après des tirs de missiles balistiques présentés par Pyongyang comme un exercice visant les bases américaines au Japon. Environ 28.000 soldats américains sont déployés en Corée du Sud mais la capitale Séoul est à portée de l'artillerie nord-coréenne. Lors d'un point de presse conjoint avec son homologue sud-coréen Yun Byung-Se à Séoul, M. Tillerson a expliqué que la page se tournait sur la politique dite de "patience stratégique" menée par le prédécesseur de Donald Trump à la Maison Blanche, Barack Obama. "Nous explorons une nouvelle gamme de mesures diplomatiques, sécuritaires et économiques. Toutes les options sont sur la table", a dit M. Tillerson. ""Certainement, nous ne voulons pas que les choses en viennent au conflit militaire", a-t-il ajouté. Mais, "s'ils élèvent le niveau de menace de leur programme d'armements à un niveau qui nécessite à nos yeux une action, alors, cette option sera sur la table". Rôle clé de Pékin La Russie a appelé vendredi les Etats-Unis et la Corée du Nord à sortir du "cercle vicieux" de l'escalade militaire. "Il faut briser le cercle vicieux de la tension quand, en réponse à un essai de missile nucléaire nord-coréen, les Etats-Unis et leurs alliés font des démarches pour intensifier leurs activités militaires qui, à leur tour, poussent Pyongyang à de nouvelles actions", a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Igor Morgoulov, dans une interview accordée à l'agence japonaise Jiji. Le Nord a mené son premier essai nucléaire souterrain en 2006, ne tenant aucun compte de l'opposition internationale. Depuis, il a mené quatre autre essais, dont deux rien qu'en 2016. La veille à Tokyo, M. Tillerson avait tiré un constat d'échec sur 20 ans d'efforts diplomatiques pour dénucléariser Pyongyang, promettant une approche nouvelle sans fournir de précisions. Le Nord a essuyé plusieurs volées de sanctions de l'ONU qui ne l'ont pas incité à changer de politique. M. Tillerson se rend samedi en Chine, principal allié diplomatique et partenaire commercial de Pyongyang, pour lui demander de mettre davantage la pression sur le Nord. "Je ne pense pas que nous soyons jamais parvenus entièrement au niveau maximal d'action possible dans le cadre des résolutions du conseil de sécurité de l'ONU, avec la participation totale de tous les pays. Nous savons que d'autres pays peuvent prendre des mesures", a ajouté le secrétaire d'Etat. Pékin s'inquiète comme Washington du programme nucléaire de son voisin mais estime que les Etats-Unis ont joué un rôle dans l'escalade des tensions. La situation est compliquée par le déploiement en Corée du Sud du bouclier antimissile américain Thaad. Séoul comme Washington assurent qu'il a des visées purement défensives. Mais Pékin considère que Thaad et son puissant radar sont susceptibles de réduire l'efficacité de ses propres systèmes de missiles. La Chine de décolère pas, imposant une série de mesures perçues à Séoul comme des représailles économiques. C'est une réaction "inutile" et "perturbante", a jugé M. Tillerson. Changement radical Le responsable américain avait auparavant visité la Zone démilitarisée qui sépare les deux Corées, l'un des secteurs les plus fortifiés du monde. Il s'est rendu dans la zone commune de sécurité de Panmunjom, gardée depuis la fin de la guerre de Corée (1950-53) par la Corée du Nord et le commandement de l'ONU dominé par les Etats-Unis. Le Nord veut mettre au point un missile intercontinental balistique (ICBM) capable de porter le feu nucléaire sur le continent américain, ce qui ne laisse pas d'inquiéter Washington. Pour les analystes, les commentaires de M. Tillerson sont peut-être le signe d'un bouleversement de la politique américaine. "Il pourrait s'agir de rhétorique destinée à faire pression à la fois sur la Corée du Nord et la Chine mais au vu de l'atmosphère qui règne à Washington, on ne dirait pas que cela pas finir simplement avec des paroles", a estimé Choi Kang, analyste à l'Institut Asan des études politiques. "Il va falloir attendre de voir jusqu'où ils veulent aller avec l'option militaire", a-t-il ajouté. "Mais ce qu'il veut montrer c'est que ça n'intéresse pas Washington de dialoguer avec la Corée du Nord". Daniel Pinkston, professeur à l'Université Troy de Séoul, a prévenu que le Nord ne resterait pas sans réagir en cas d'attaque, même si son armement est obsolète. "Ils se battront pour défendre leur pays s'ils sont attaqués" a-t-il estimé, ajoutant que "la dissuasion peut parfois échouer". Les provocations récurrentes de la dictature asiatique ont fini d'agacer la première puissance mondiale. "Il est important de reconnaître que les efforts politiques et diplomatiques des vingt dernières années pour mener la Corée du Nord à se dénucléariser ont échoué", avait-il déjà déploré la veille. Et "face à cette menace qui ne cesse de grandir, il est clair qu'une nouvelle approche est nécessaire", a plaidé le secrétaire d'Etat américain, réitérant la promesse de Washington de soutenir ses alliés japonais et sud-coréen en cas d'attaque.