Cela fait quatre ans que l'ex-président vénézuélien Hugo Chavez, figure emblématique du socialisme, est décédé, emporté par le cancer. Aujourd'hui, le Venezuela est secoué par de violentes manifestations. Depuis le début du mois d'avril, plus de 34 personnes sont mortes dans des affrontements entre partisans et opposants de Nicolas Maduro, "héritier" du leader charismatique. Mais que se passe-t-il donc dans ce pays assis sur les plus grandes réserves mondiales de pétrole (devant l'Arabie saoudite) et dans lequel 82% des foyers vivent - pourtant - dans la pauvreté ? Pour le comprendre, un court retour en arrière s'impose. Le pétrole pour financer des mesures sociales Lorsque Hugo Chavez arrive au pouvoir en 1999, ses ambitions sont grandes. Anti-américaniste, le Venezuela défie la puissance et l'impérialisme des Etats-Unis en se rapprochant de pays comme la Russie, l'Iran ou encore Cuba. Mais surtout, Chavez veut mettre en place la "révolution bolivarienne", en référence au héros de l'indépendance de l'Amérique latine, Simon Bolivar. D'importantes réformes sont mises sur pied. Chavez finance de façon massive des programmes sociaux grâce à l'argent du pétrole. Résultat: la pauvreté dans le pays baisse de façon significative et la popularité du "Comandante" au sein des classes modestes monte en flèche. Les ressources pétrolières et les différentes mesures de Chavez ne suffisent cependant pas à assurer un équilibre sain au pays. Corruption, inflation, fuite des capitaux, non diversification de l'économie, dépendance quant aux importations,... le Venezuela souffre de nombreux problèmes. Le pays ne parvient pas à "semer l'argent du pétrole" et l'économie du pays se retrouve extrêmement dépendante de sa rente pétrolière."En 2012, Chavez prend enfin conscience du problème économique", explique Temir Porras, ancien chef de cabinet de Nicolas Maduro [cité dans Le Monde Diplomatique], "et... il est tombé malade". Lorsque Chavez décède en mars 2013, alors qu'il est toujours président, une vague d'émotion s'empare du pays. La cohésion de son camp repose sur la nécessité de défendre l'héritage chaviste - et donc de maintenir le cap. L'héritier est connu: ce sera Nicolas Maduro. Néanmoins, la succession n'est pas acquise. Des élections doivent être organisées. Et face à Maduro, le leader de l'opposition Henrique Capriles reçoit un important soutien populaire. De nombreuses voix se soulèvent pour dénoncer un timing électoral favorable au PSUV (le parti de Maduro), les élections se déroulant dans une atmosphère particulièrement émotionnelle. L'opposition demande de reculer la date des élections. Rien n'y fait: le vote aura lieu le 14 avril 2013, à peine un mois après la mort d'Hugo Chavez. Malgré le contexte particulier, Nicolas Maduro remporte seulement de justesse les élections (50,6%) face à l'opposant Henrique Capriles (49,1%). Il pourra dès lors défendre l'héritage de son père spirituel. Pénurie alimentaire Mais l'héritier du chavisme se retrouve à la tête d'un pays fragile. L'effondrement des prix du pétrole dès 2014 et jusqu'en 2016 a un impact catastrophique sur l'économie du pays. Des coupes sombres sont opérées, notamment dans le budget de certains programmes sociaux. Cet effondrement combiné à l'extrême dépendance du Venezuela vis-à-vis des importations sont à l'origine d'un autre problème majeur : la grave pénurie alimentaire qui touche le pays. Un chiffre est significatif: en 2016, les habitants devaient en moyenne faire 35h de files par semaine pour acheter de la nourriture en quantité trop peu suffisante pour survivre. Le reste devant être acheté sur le marché noir à des prix exorbitants. Résultat : en 2016, des milliers de Vénézuéliens ont traversé la frontière colombienne pour s'approvisionner en produits alimentaires de base... ainsi qu'en médicaments. Le camp Maduro avance une autre explication. Selon lui, la situation est le résultat de manœuvres réalisées par les chefs d'entreprises du pays, qui mèneraient une véritable "guerre économique" contre lui. Les patrons organiseraient ainsi la pénurie alimentaire pour attiser la colère des foules et préparer le renversement du pouvoir chaviste. Et pour Nicolas Maduro, pas question de céder. La colère gronde En 2015, l'opposition gagne largement les élections législatives. Celle-ci s'organise et demande le départ de Nicolas Maduro. Des manifestations sont organisées. Un appel au référendum est lancé. Face à cette contestation, la Cour suprême - plutôt favorable à Maduro -fait deux cadeaux au président vénézuélien: en mars 2017, elle s'arroge le pouvoir législatif et supprime l'immunité des parlementaires. Ce faisant, le gouvernement devient libre de déclencher des procédures judiciaires contre les députés. Directement, ces actions provoquent un tollé (quasi) général, jusqu'au sein du camp chaviste. Même la procureure générale de la République - plutôt favorable au pouvoir de Maduro - exprime son désaccord. Les juges font marche arrière, mais le mal est fait. Quelques jours plus tard, un nouveau scandale: le gouvernement utilise une procédure pour rendre l'opposant Henrique Capriles inéligible pendant 15 ans. Et donc, inéligible pour les élections de 2018. C'est la goutte d'eau. Depuis, la colère gronde. En trois semaines, six grands rassemblements ont été organisés pour réclamer la tenue d'élections anticipées. L'opposition face au président Nicolas Maduro ne faiblit pas. Et ce, d'autant que les récents événements ont ravivé les luttes intestines au sein même du mouvement chaviste. Une question se pose à nouveau: le chavisme peut-il vraiment survivre sans Chavez?