La milice armée qui détenait depuis plusieurs années le fils de l'ancien guide a annoncé, le 10 juin, sa libération. Après plusieurs annonces du genre qui se sont par la suite avérées fausses, cette fois Seif El-Islam a bel et bien quitté sa prison de Zenten. Toutefois, cette libération reste à relativiser puisqu'il est toujours dans le collimateur de la CPI. L'ancien dauphin de Kaddafi est loin d'avoir donc fini avec la justice à moins que son influence et son important réseau parviennent à l'imposer comme un des acteurs clés de la sortie de crise politique et sécuritaire que traverse son pays 2011. Seif el-Islam, l'espoir de la Libye Cette fois c'est donc la bonne ! Seif El-Islam, le fils de l'ancien guide libyen Mouammar Kadhafi a bel et bien quitté la ville de Zenten dans laquelle il était détenu, depuis sa capture en 2011 par un groupe armé, alors qu'il tentait de quitter le pays à la suite de la chute du régime de son père. C'est du reste le groupe armé qui le détenait depuis qui avait annoncé, dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux, la libération de Seif El Islam dans la soirée de vendredi dernier. «Nous avons décidé de libérer Seif al-Islam Mouammar Kadhafi. Il est désormais libre et a quitté la ville de Zenten», lit-on dans le communiqué de la Brigade Abou Bakr al-Sadiq, l'une des plus importantes milices armées qui contrôlent la ville de Zenten, une localité située à 170 kilomètres au sud-ouest de Tripoli. Dans son communiqué, le groupe armé explique avoir pris cette décision en application de la loi d'amnistie adoptée en avril 2016 par les autorités installées dans l'est du pays, mais qui ne sont pas reconnues par la communauté internationale. Zones d'ombre L'annonce qui intervient en plein mois de Ramadan a été dans un premier temps prise avec beaucoup de circonspection avant d'être par la suite reprise par la plupart des médias internationaux. Ce n'est pas la première en effet que cette libération est annoncée par le même groupe et que cela s'avère par la suite faux. Pas plus qu'en mai dernier, l'annonce de la libération de Seil El-Islam a fait le tour des médias avant de se révéler infondée et en juillet 2016, c'est la même milice qui avait annoncé l'avoir remis aux autorités pour les mêmes raisons invoquées aujourd'hui. Là aussi, il s'est avéré par la suite que c'était un nouveau canular, même si les négociations secrètent qui se tramaient depuis, présageaient un probable élargissement du célèbre détenu de Zenten. Beaucoup d'incertitudes entourent également cette libération. Dans son communiqué, la Brigade Abou Bakr al-Sadiq n'a pas donné d'amples détails sur les conditions dans lesquelles le détenu a quitté Zenten, ni à quelles autorités il a été remis, même s'il est de notoriété publique que les milices et groupes qui contrôlent Zenten sont opposés au gouvernement d'union nationale (GNA) installé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale. Alors Seif-El Islam remis aux autorités de Tobrouk dont le Parlement a promulgué la fameuse loi d'amnistie d'avril 2016 ? Si cette seconde hypothèse paraît la plus probable, il reste aussi à savoir ce qu'il adviendra de l'ancien dauphin du guide libyen. Pour le GNA, les dispositions de la loi d'amnistie ne pourraient s'appliquer à ceux qui sont accusés de crimes contre l'humanité, avaient déjà prévenu les autorités de Tripoli au lendemain de son adoption. En somme, Seif El-Islam ne saurait en bénéficier, car en juillet 2015, il a été condamné à la peine de mort pour son rôle dans la répression de la révolte de 2011 qui s'est soldé par des milliers de morts. Les conditions dans lesquelles s'est déroulé le long et controversé procès ont été dénoncées par l'ONU et des ONG de défense des droits de l'Homme. En juin, 2011 la Cour pénale internationale (CPI) a également décerné un mandat d'arrêt international contre Seif El-Islam «pour crimes contre l'humanité», quelques mois avant sa capture en novembre 2011 par les milices de Zenten, alors qu'il tentait de quitter le pays après la mort de son père et la fin de son règne de 42 ans à la tête de du pays. Les autorités intérimaires libyennes tout comme la CPI reprochent à l'ancien architecte son rôle majeur dans la violente répression qui a suivi le début des manifestations de 2011, en plein tourbillon du «printemps arabe», ainsi que la guerre civile qui a suivi jusqu'à la chute dramatique du régime. Et maintenant ? Dans un cas comme dans l'autre, il est fort à parier que Seif El-Islam n'a pas encore totalement fini avec la justice, particulièrement la CPI qui ne désespère pas de pouvoir le juger un jour à la Haye. Le procureur Fatou Bensouda pourrait, pour parvenir à ses fins, se rapprocher des autorités de Tripoli, lesquelles seraient plus enclines à collaborer que celles de l'est du pays. Pour ces dernières, c'est plutôt un véritable «trophée de guerre». Tout comme sous le règne de son père, Seif El-Islam demeure comme le plus en vue des personnalités pouvant fédérer les anciens Khadafistes qui, depuis quelques années et profitant du chaos ambiant, se sont de nouveau remis en selle à travers plusieurs alliances stratégiques. L'influence du fils de l'ancien guide, sa notoriété auprès des partisans de l'ancien régime et des nostalgiques de l'ancienne Jamahiriya, constituent également un important tremplin pour un retour en force de l'ancien dauphin qui dispose également de soutiens à l'extérieur et surtout d'un puissant réseau constitué d'influentes personnalités en Libye ou à l'étranger. Ces derniers temps d'ailleurs, des appels ont été lancés par plusieurs tribus locales du pays et d'anciennes personnalités libyennes, pour qu'il puisse jouer un rôle sur la scène politique libyenne. Au regard du contexte chaotique que traverse aujourd'hui la Libye, et des perspectives pas du tout reluisantes au vu des menaces terroristes qui se sont greffées à la guerre civile, la libération de Seif El-Islam risque de peser beaucoup dans le jeu d'alliances politiques que se nouent les différentes factions politiques, militaires et tribales, dont le principal but est de parvenir à contrôler le pays. Autant de facteurs et d'enjeux qui détermineront certainement l'évolution de la situation politique et militaire en Libye et qui font de la relative libération de Seif El-Islam, un tournant dans la crise que traverse le pays. A 44 ans, il semble encore que ce dernier n'a pas dit son dernier mot sur ses ambitions politiques et surtout n'avoir rien perdu de son influence, comme en témoigne l'aboutissement de sa détention. En attendant, Saadi Kadhafi, un autre fils du guide déchu qui a survécu à la guerre civile de 2011, attend lui aussi d'être fixé sur son sort. Extradé à Tripoli en mars 2014 par les autorités du Niger, pays dans lequel il s'était réfugié quelques années auparavant, il est encore en instance de jugement. Il convient de noter enfin que sur le continent où Seif El-Islam a hérité de la notoriété de son père, l'annonce de sa libération a été accueillie avec des commentaires bienveillants qui se sont multipliés sur les réseaux sociaux.