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LES URGENCES MEDICO- CHIRURGICALES DE TIGDITT (MOSTAGANEM) : Les UMC de toutes les critiques
Publié dans Réflexion le 28 - 02 - 2018

Les UMC de Mostaganem sont aujourd'hui au centre de vives critiques de la part des citoyens. Cette structure d'importance cruciale dans le système de santé publique est dépeinte en noir foncé. Voici, pêle-mêle, ce qui fait des UMC une structure de santé malade selon les citoyens : l'accueil inhumain, l'attente interminable, le diagnostic médical approximatif, le manque de certaines prestations médicales entre autres insuffisances de pareille importance. Les critiques avancées donnent à conclure à une carence professionnelle grave et à une gestion pour le moins aléatoire de cette structure de santé de premier ordre. Qu'en est-il au juste ? Enquête....
Le hall d'entrée, un véritable souk, l'organisation y est difficile
C'est le premier jour de la semaine et il est 09 heures passées aux UMC de Tigditt (Mostaganem). Le hall d'entrée est bondé de monde, jusque dans la salle d'accueil des malades. Un grand brouhaha règne dans les lieux, impossible de se faire entendre. L'ambiance est très peu propice au travail et à la gestion d'une urgence médicale proprement dite. Le personnel médical est submergé. Les accompagnateurs sont plus nombreux que les malades. Chacun estimant que sa présence auprès de son malade est indispensable. Cette attitude de vouloir coûte que coûte rester collé à son malade est très attendue chez tout citoyen qui a un parent souffrant sur les bras. Mais c'est aussi une attitude qui cache mal chez ce même citoyen l'appréhension et le déficit de confiance envers la structure de santé et le personnel médical. De leur côté, les agents chargés de la sécurité sont débordés. Ils essayent tant bien que mal de faire régner l'ordre et bouter dehors toute personne dont la présence sur les lieux n'est pas dûment justifiée. La tâche est des plus ardues. « C'est difficile de raisonner les gens...les choses peuvent facilement dégénérer, on en a l'expérience », nous confie un agent. Du côté des accompagnateurs des malades, c'est un tout autre son de cloche ...
Les accompagnateurs des malades balancent leurs «quatre vérités»
Il s'appelle Mohamed et habite à quelques encablures de Mostaganem. Il témoigne : « je suis ici avec mon père souffrant d'un sévère problème gastrique. J'ai passé la nuit auprès de lui. Ici, le patient, il lui faut un membre de sa famille à ses côtés, tout le temps, sinon il est foutu. Ma présence au côté de mon père est indispensable, car c'est moi qui dois appeler les infirmiers et le médecin en cas de besoin. Les conditions de prise en charges sont lamentables, la nuit c'est pire. Hier, ce bloc a plongé dans le noir à cause d'une coupure d'électricité qui a duré près de 20 minutes. Venez voir les toilettes, c'est dégueulasse et ça manque d'éclairage...On me dit qu'aujourd'hui mon père va être évacué sur l'hôpital pour une hospitalisation de quelques jours, mais je viens d'apprendre à l'instant que c'est impossible. Ils disent qu'ils n'ont pas encore trouvé de place à l'hôpital, nous sommes obligés d'attendre encore ici. ». Un autre citoyen raconte le calvaire vécu par son père condamné à subir 3 hémodialyses par semaine. « Avant, il faisait ses dialyses le jour, au service d'hémodialyse d' Ain Tédelès. Mais depuis que les équipements de celui-ci sont en panne, il les fait ici, le soir, vers le tard, et ça dure depuis 4 mois. C'est inhumain ce que l'on fait subir aux malades. Ils sont mal vus, ils sont acceptés difficilement, ils sont considérés comme de trop, car étrangers à la ville », peste-t-il.
Il continue, « il faut avoir des connaissances pour accéder à la considération et à la prise en charge convenable. Un jour j'ai vu ici un spectacle hors du commun. Un patient reçu avec un grand soin et avec la plus haute attention. C'était le rejeton d'une grosse légume. Tout le monde était à son chevet. Dieu, pourquoi sont-ils si disponibles, si aimables, si humains avec les familles des autorités? ». En somme, un véritable tableau noir et de graves accusations.
Parcours bureaucratique pour accéder à l'information officielle publique
Pour toucher le staff qui dirige les UMC de Mostaganem et le voir s'exprimer et donner sa version sur le fonctionnement des UMC, il faut passer par une lourde bureaucratie. En montant d'abord au premier étage. Après une longue attente, nous sommes enfin orientés vers un médecin en tenue négligée. Il est en plein travail, le nez plongé dans un tas de clichés radio. Un médecin sans concessions. Après avoir pris connaissance de l'objet de notre visite, il nous répond sèchement : « il vous faut une autorisation de l'hôpital « Che Guevara » ». Qu'à cela ne tienne ! Le plan de secours est mis en branle. Nous nous dirigeons tout droit vers le personnel soignant (les ISP et les ATS), la véritable cheville ouvrière de l'établissement...
«Les UMC ne sont que la partie visible de l'iceberg»
Un personnel très prolixe. Parler, déballer, il n'en demande pas moins. Il en a gros sur le cœur. Mais il tient à ce que son anonymat soit préservé. « Un travail pénible et ingrat, aucune reconnaissance en retour », signale-t-on d'emblée. Au terme des entrevues avec le personnel soignant, on sort avec une vision profonde et plus claire sur les UMC et leur fonctionnement. On apprend que « les UMC ne sont que la partie visible de l'iceberg ». Pour tous nos interlocuteurs, la politique relative à la santé publique est un tout et les UMC ne sont qu'un maillon dans une longue chaîne. Un maillon certes très important. Ils décrivent un état des lieux qui nécessite une prise en charge sérieuse et immédiate. Selon eux, un système de santé noyé par les urgences, qui ne fonctionne que dans l'urgence, est un système malade. Quand tout baigne dans la saturation, l'urgence et le traitement d'urgence perdent de leur sens et de leur efficacité et deviennent une pure perte d'argent, de temps et d'effort. Selon eux, le citoyen a sa petite part de responsabilité dans cette situation. Mais ils précisent que la part du lion revient à tout l'environnement, lié de près ou de loin à la santé publique, qui entoure les UMC, à l'amont comme à l'aval.
«Personnel dépassé», «mission souvent mal comprise par le citoyen»
Bien que leur mission soit destinée au citoyen, celui-ci est décrit comme très peu coopératif. Pour eux, le mot « urgence » a perdu de son sens véritable dans les esprits. L'intervention urgente a été réduite à sa très simple expression. Ils relèvent que les cas d'urgences médicales sont plus importants que les cas d'urgences chirurgicales et que la forte pression que subissent les UMC aujourd'hui est le résultat d'abord des fausses urgences. 60% du flux représentent, selon eux, des fausses urgences. Des cas banals relevant normalement des compétences des structures de santé de proximité (les polycliniques). Ils ajoutent que par méconnaissance, par négligence ou par habitude, les gens court-circuitent souvent ces structures et se dirigent vers les UMC. Ils tiennent à souligner aussi que le tri par priorité et la réorientation des cas non urgents n'est pas chose aisée. « C'est plus facile à dire qu'à faire. Quand les malades se présentent, ils demandent à être pris en charge et vite. Ils ne cherchent pas à savoir. On doit s'exécuter et encore, on n'est pas toujours à l'abri des mauvaises surprises. L'incivisme et l'égoïsme ne sont pas une simple vue de l'esprit. Il nous arrive d'essuyer des insultes et même plus. Je comprends qu'un malade, qui perd son contrôle à cause de sa blessure ou de sa maladie, puisse en arriver à proférer envers moi des insultes, mais quand ça vient de la part des membres de sa famille qui l'accompagnent, c'est impardonnable», tient à faire savoir une infirmière.
Le déficit en matériel et personnel, les indisponibilités, les prestations en stand-by ou en panne
La même infirmière ne manque pas de profiter de l'occasion pour brosser le tableau des moyens matériels de travail. Elle signale un scanner en panne depuis 5 longues années. Des urgences pédiatriques toujours pas opérationnelles et un bloc de réanimation en situation de stand-by. Ce n'est pas tout selon elle. Les UMC n'ont pas aussi de banque de sang, elles travaillent avec une seule ambulance et les approvisionnements en médicaments et consommables ne sont pas réguliers.
Ambiance similaire chez ses collègues du service d'hémodialyse. « Nous prenons en charge 24 patients supplémentaires depuis que le service d'hémodialyse d' Ain Tédelès accuse une panne au niveau de ses équipements. Ça dure depuis le mois d'octobre de l'année passée. Résultat : les nôtres sont écrasés par la charge de travail, ils ne s'arrêtent presque jamais. à part le temps réservé à leur stérilisation où ils ont une demi-heure environ pour souffler un tant soit peu », font-ils savoir. Selon eux, parfois la charge de travail est aussi aggravée par les diagnostics erronés. « Ces derniers induisent des séances de dialyses qui ne sont pas nécessaires et nous surchargent inutilement en conséquence », ajoutent-ils. Avec le temps et l'expérience, ce personnel est arrivé à tirer des constats intéressants. Ainsi « l'épidémie » de l'insuffisance rénale concernerait selon eux une zone géographique bien déterminée de la wilaya. Ils se demandent pourquoi personne n'a encore songé à créer un service au niveau de cette zone pour être proche de la population concernée et du coup soulager les UMC de Mostaganem. Autre constat rapporté, l'insuffisance rénale touche maintenant les jeunes et les moins jeunes. C'est un phénomène nouveau selon eux qui aggrave davantage la situation du service d'hémodialyse. « Un phénomène à creuser en profondeur », suggèrent-ils. Autre facteur aggravant signalé, les nouveaux cas qui augmentent d'année en année en corrélation avec la croissance démographique. Ils proposent la multiplication des services d'hémodialyses pour rester en phase avec cette croissance et éviter les débordements des services existants. Mais au final tous insistent sur l'hygiène de vie et la médecine préventive. « Rien n'est le fait d'un phénomène naturel non maîtrisable. Par exemple, le diabète et l'hypertension n'entraînent pas automatiquement l'insuffisance rénale », font-ils savoir.
« Les véritables causes sont à l'amont et à l'aval des UMC»
Tous les interlocuteurs rencontrés sont unanimes à dire que les acteurs, en lien direct ou indirect avec le domaine de la santé, situés en amont et en aval des UMC ne leur facilitent pas la tâche. Au contraire, ils jugent qu'ils les écrasent de tout leur poids. Ils avancent en premier lieu les structures de santé de proximité. Selon eux, celles-ci submergent les UMC. Par paresse ou par manque de professionnalisme, elles leur envoient, selon leurs dires, des cas qui n'ont rien d'une urgence qu'ils sont obligés de prendre en charge. En second lieu, les acteurs publics et non publics situés en amont et dont l'activité est à caractère préventif. Ils citent la médecine préventive, l'hygiène alimentaire, la sécurité industrielle, la prévention routière, la maintenance routière, la lutte contre la délinquance et la violence urbaine etc. En somme, tous les acteurs situés à ce niveau et qui sont à même d'atténuer, à défaut de supprimer, les facteurs qui produisent l'urgence médicale ou chirurgicale.
Pour ce qui est de l'aval des UMC, sont pointées du doigt les insuffisances au niveau des structures hospitalières. En clair, le déficit en lits d'hospitalisation. Cette situation bloque selon eux les évacuations vers les hôpitaux et sature les urgences. Sans la collaboration des hôpitaux, impossible, disent-ils, de désengorger les UMC et libérer les places pour les nouveaux cas qui affluent. Ils abordent enfin la question de la croissance démographique qui entraîne automatiquement une croissance de la demande au niveau des UMC. Une demande qui croît d'année en année et qui exige, selon eux, l'ouverture de nouvelles structures pour la contenir. Mais ce n'est pas tout pense un cadre de la santé publique rencontré sur lieux....
La situation vécue par les UMC relèverait aussi des «restrictions budgétaires»
Ce cadre va encore plus loin et évoque la politique de rationalisation des dépenses publiques qui n'est pas, selon lui, sans incidence sur la situation vécue par les UMC. « Quand il y a des restrictions budgétaires, cela se ressent immédiatement et inéluctablement. En conséquence, il ne devient pas aisé de disposer de tous les moyens humains et matériels nécessaires pour mener à bien sa mission de service public », fait-il savoir. C'est pareil, ajoute-t-il, pour l'émergence de nouvelles structures sanitaires pour faire face aux nouveaux besoins. Dans ces conditions, il devient inévitable, selon lui, de repenser tout le système et de rompre définitivement avec les réflexes anciens. Dans ce cadre, il trouve justifié que le citoyen soit mis à contribution pour aider à la disponibilité et à l'amélioration des prestations de santé. Il faut inculquer, dit-il, au citoyen que la santé est un capital qui n'a pas de prix et qui mérite tous les sacrifices. Il rappelle que les UMC reçoivent toutes les catégories sociales, lesquelles, à chaque passage, laissent une grosse facture à leur sortie des lieux, sans contribuer avec le moindre petit centime. Il trouve cela aberrant et pas viable à moyen terme. Il ne préconise que la pratique de la carte de sécurité sociale soit étendue aux établissements de santé publique, comme les UMC. A la manière des prestations médicales consommées chez les médecins et officines privés et auxquels le citoyen est déjà habitué. Ça aide, d'après lui, à réduire, voire à supprimer le recours abusif aux prestations de santé et au gaspillage. C'est aussi, selon lui une manière efficace et porteuse pour pousser la population inscrite dans la sphère économique informelle mais qui se soigne gratis dans le secteur de santé formel de mettre la main à la poche et rejoindre le système de protection sociale national. Pour ce qui est des chômeurs et des personnes âgées sans revenus, il suggère que les organismes publics à vocation sociale, comme la DASS par exemple, les prennent en charge et contribuent à leur insertion dans le dit système.


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