Un des signes les plus visibles qui témoignent de l'anarchie qui règne en ce moment dans le transport urbain est sans conteste l'abandon de la remise du ticket de bus au voyageur. Ni le transporteur ne se sent obligé de le remettre. Ni ce dernier ne se sent dans son bon droit de l'exiger. Au final, au moins trois perdants : l'image du transport urbain, le voyageur et le Fisc. Dans cet état de fait, le transport urbain, en tant qu'activité névralgique pour la ville, donne en premier lieu l'image d'une activité qui peine à prendre de la hauteur pour se mettre aux normes établies en la matière. Plus encore, il s'affiche dans la très peu enviable posture d'une activité qui écorche la réglementation du transport public et le droit du consommateur. Pour certains, l'usager du bus est aussi pour quelque chose dans l'état actuel du transport urbain. Ils le considèrent comme le premier niveau de contrôle de qualité pour cette activité. Mais quand on demande aux usagers leur avis, certains avouent que le ticket, c'est leur dernier souci et que l'essentiel pour eux est de trouver un bus et d'arriver à bon port. D'autres estiment que, de par leur propre expérience, ça ne sert à rien de réclamer un ticket. « On a beau essayer, ça ne marche pas, le receveur fait toujours la sourde oreille où prétend qu'il n'en a pas », martèlent-ils. L'autre problème, c'est qu'ils sont une minorité négligeable à comprendre l'utilité du titre de voyage (le ticket de bus) et pourquoi la réglementation du transport l'exige textuellement. Le reste semble totalement inconscient qu'en l'absence de ce titre, pour toute histoire, de la plus banale à la plus complexe, il lui sera difficile de faire valoir ses droits. Du côté des transporteurs privés de l'urbain, la non remise du ticket est assumée sans complexe, pour des raisons terre à terre…. Pour l'un d'eux, « imprimer régulièrement des tickets c'est d'abord un coût d'exploitation supplémentaire ». Ensuite, « ce faisant, on se met à découvert vis-à-vis du fisc. Avec notre flanc offert à celui-ci, on se retrouve à sa merci, imaginez ce qu'il advient de nos gains ». Mais notre interlocuteur dit garder quelques liasses de vieux tickets au niveau de son bus. « On les distribue uniquement en cas de contrôle », assure-t-il. « Comment savoir qu'il y a un contrôle? », avons-nous demandé. « Je suis informé suffisamment à l'avance pour que je puisse prendre mes dispositions », a-t-il avoué, avec un sourire au coin des lèvres. Une source fiable à la Direction du Transport attribue cette situation à l'ouverture « anarchique » du secteur du transport. Pour cette source, il y a un seul remède pas 36 : la professionnalisation de l'activité et la formation préalable du personnel activant dans le transport. Elle va plus loin encore et préconise l'orientation de l'urbain vers les sociétés de transports ayant des capacités avérées en matière de moyens de transport, de personnel formé et équipé, et d'installations d'entretien et de maintenance. Quoi qu'il en soit, une chose est certaine. Le retour du secteur étatique dans le transport urbain arrive un tant soit peu à redorer le blason terni de cette activité. Mais son poids reste tout de même faible dans l'échiquier. Ses usagers avouent redécouvrir enfin les usages perdus comme la remise du titre de voyage (le ticket), le prix réglementaire (15 DA au lieu de 20DA), la tenue correcte, la politesse du personnel et le sens du temps (le respect des horaires).