Au sud-ouest de l'Algérie, la commune enclavée de Tabelbala se dresse au cœur d'une palmeraie située entre l'Erg Erraoui et le Djebel Kahal, dans la wilaya de Béchar. La commune, notamment connue pour ses sites préhistoriques incluant des vestiges acheuléens et ses sept tombes géantes, est constituée de plusieurs localités dont Zaouïa Sidi Zekri (aussi connue sous le nom de Kwara), Cheraïa (Ifrinyu) et Makhlouf (Yami). Avec plus de 5000 habitants, Tabelbala présente la caractéristique unique en Algérie de compter parmi eux des locuteurs d'un dialecte qui n'appartient ni à la famille des dialectes arabes, ni à celle des dialectes du tamazight : le korandjé ou kwarandzey (signifiant « langue du village »), aussi connu sous le nom de belbali. Parlé par plus de 3000 personnes à Tabelbala, le korandjé est un dialecte songhaï appartenant à la famille nilo-saharienne. Les dialectes songhaïs sont principalement parlés dans certaines régions du Niger, du Mali, du Burkina Faso ainsi que du Nigeria et du Bénin. La présence de ce dialecte dans la région s'explique alors par les origines songhaïs de nombreux de ses habitants. Tabelbala est en effet au croisement d'anciennes pistes commerciales transsahariennes et a vu l'émergence d'une société marquée par son brassage culturel. Ce dernier s'exprime entre autres par la fusion des lexiques arabes et tamazight dans le substrat songhaï, pour former un dialecte unique dans la région et distinct des autres dialectes songhaïs. Le korandjé est le dialecte nilo-saharien le plus septentrional d'Afrique et le seul dialecte issu de cette famille linguistique présent au Maghreb. Bien qu'il n'ait pas de statut officiel et soit menacé de disparition du fait de l'utilisation grandissante de l'arabe, il garde pour beaucoup d'habitants de la région une fonction sociale importante et représente un marqueur identitaire soulignant les liens historiques étroits entre le Maghreb et l'Afrique de l'Ouest.