Classée soixante-dixième dans la monde, l'Université Abdelhamid Ibn Badis, en quête de prestige, veut s'imposer en grimpant les échelons. Du colloque international sur la santé au naturel, la voilà qui se tourne vers l'Orient en invitant une sommité de la culture arabe. Sous l'égide du Département des Sciences de l'information et de la Communication, dirigé par le Professeur BOUAMAMA Larbi, a été invité M. Salah FERHAN, un intellectuel et philosophe libanais de renom. D'un simple calepin, c'est dire le bon choix de M. BOUAMAMA, dans une langue arabe digne d'El Moutannabi, sans aucun accent particulier, le professeur s'est jeté, mardi dernier, corps et âme dans une diatribe élogieuse du défunt Abdelkader DJEGHLOUL. Le professeur y a mis une telle passion qu'à trois reprises, il lui a été demandé en fin de conférence par les ouailles ce qui le liait si fortement à l'Algérien.Le professeur FERHAN est d'une génération de libanais qui a aimé la Révolution algérienne et le peuple de cette noble terre qui a acquit sa liberté à la poudre et à la plume. Soixante-quatre ans, tel est son âge. Et l'âge de son ami Abdelkader DJEGHLOUL, au moment de sa disparition en avril dernier. Rappelons que le conférencier assure les fonctions de secrétaire général d'une association culturelle libanaise dénommée Halkat el Hiwar Ethakafi, autrement le Cercle du Dialogue Culturel.Dans sa conférence, préparée surement entre deux escales d'avion ou sur les quais de quelque fleuve d'Europe, vu son vieux calepin, le professeur a éclairé l'assistance sur la pensée du défunt et l'on détectait la forte amitié qui le liait à Abdelkader DJEGHLOUL. Philosophe, sociologue, anthropologue et psychanalyste, feu Abdelkader DJEGHLOUL était un écrivain prolifique de renom qui a marqué la pensée algérienne, maghrébine et arabe sans pour autant arriver à rompre la glace entre les pouvoirs et les intellectuels. C'est justement ce qui poussa un professeur dans l'assistance à en demander les causes. Les causes sont connues et le constat est amer vue la non-complémentarité entre le politique et l'intellectuel. Rien ne peut sortir du temps ni de l'histoire, a-t-il souligné. DJEGHLOUL avait un sens aigu du nationalisme arabe et prônait une dynamique de transmission du passé pour entrer dans le futur. La rupture avec les passé revenait souvent dans les propos de M. FERHAN, aussi bien en monologuant sur la pensée de son ami que sur la sienne. Et de se demander pourquoi les travaux de nos intellectuels arabes et maghrébins gisent dans les tiroirs ?Selon lui, DJEGHLOUL voulait rompre définitivement avec les mythes et les contes qui nous noient dans l'imaginaire alors que la réalité est tout autre. « Ma vie est entre vos mains. », ainsi s'adressait DJEGHLOUL à ses amis en faisant allusion à ses œuvres. Et au penseur libanais de renchérir « 1200 titres sont publiés chaque année dans le monde arabe sans tenir compte des choix aigus du lectorat qui subit. Le monde arabe est figé et se cherche. »A travers la lecture de ce que présenta le professeur FERHAN, son ami DJEGHLOUL était allé jusqu'à négliger sa personne, ne plaisantait jamais, communiquait peu, réfléchissait beaucoup et sa personnalité était difficile à cerner. « Enfin, je vous conseille de faire revivre l'œuvre d'Abdelkader DJEGHLOUL dans l'intérêt de la culture algérienne. » Tel était le dernier mot du professeur FERHAN. M. FERHAN en fin de conférence a exhorté les étudiants à être les dignes héritiers de DJEGHLOUL tout en leur rappelant que c'est l'université qui construit l'avenir des grandes nations. « L'intellectuel n'a pas droit au repos, disait DJEGHLOUL. »