Il fallait beaucoup de courage et de volonté ce vendredi 7 juin, seizième du genre pour aller manifester au centre ville de Sétif. Le soleil était assommant et la fournaise du sirocco ont dissuadé de nombreux habitués du « vendredire » à faire le déplacement devant le siège de la wilaya. Seuls les plus déterminés, en majorité des jeunes, sont venus crier, pacifiquement faut-il le préciser, leur bruyante colère alors que d'autres, les plus âgés, marquaient leur silencieuse désapprobation aux décideurs actuels. La courte allocution prononcée la veille par le chef de l'Etat intérimaire, dépourvu de charisme et visiblement affaibli par la maladie a apparemment produit l'effet inverse que celui escompté : la colère, la lassitude et l'exaspération de n'avoir pas été ni vus ni entendus. Vers 15 heures, ils étaient à peine près d'un millier d'hommes et de femmes à se mettre en ordre de marche sur le circuit habituel : Avenues de l'ALN et Ibn Sina, bd Cheikh Laifa, Bab Biskra, bd Guessab et retour devant le siège de la wilaya pour arroser cette représentation de l'Etat central de slogans de plus en plus radicaux, voire irrévérencieux à l'adresse des personnages-symboles du système qu'ils veulent faire dégager. Chacun en pris pour son grade, à tord ou à raison. Alors que des slogans ont disparus parce que tombés en désuétude (Makanche intikhabate maa el issabate), les classiques et infâmants « khlitou leblad ya esserakine » (vous avez pillé le pays bande de voleurs) continuent d'être scandés comme des sentences sans appel. D'autres formules lapidaires accusatrices plus récentes criées par les jeunes manifestants apparaissent beaucoup moins comme de la provocation mais comme des appels pressants à être écoutés et entendus. Il en est ainsi de « doula madania, machi askaria » , « la hiwar maa elissabat », « Bensalah rouh akhtina » . L'exaspération semble pousser à la radicalité des propos des manifestants. Les éléments de la police anti- émeute alignés devant les portails du siège de la wilaya affichent, quant à eux, un calme olympien alors que les agents de circulation encadrés de leurs officiers organisent la sécurité et facilitent discrètement le déplacement de la procession des marcheurs sur les boulevards. Aucun heurt ni entre manifestants ni entre ces derniers et les forces de l'ordre n'est signalé. A Sétif, « Echaab, Echorta khawa, khawa » et la courtoisie semble toujours de mise. Touchons du bois et croisons les doigts. Selmya, selmya.