Le début du mois sacré intervient dans un contexte politique et socioéconomique assez difficile. La recrudescence de la violence islamiste avec les deux attentats perpétrés jeudi et samedi, l'un contre le cortège présidentiel et l'autre contre les gardes-côtes, à Dellys, a ravivé les craintes d'un Ramadhan sanglant. Les Algériens sont aux portes du mois sacré. Une épreuve ? Plutôt deux fois qu'une. Et pour cause, le contexte socioéconomique reste marqué par cet affreux paradoxe où l'aisance financière de l'Algérie ne trouve aucune traduction dans le vécu du citoyen, alors que la tension sociale est de plus en plus perceptible devant une bouffée d'oxygène annoncée mais qui s'avère toujours hypothétique. Un tel décor presque inédit à l'orée d'un Ramadhan pas comme les autres nourrit les plus grandes appréhensions. D'autant mieux, qu'il est toujours orphelin, d'actions gouvernementales qui entrent tout de go dans le vif du sujet, pour conjurer les vieux démons qui se réveillent à chaque apparition de ce mois sacré. Si le citoyen a su toujours faire contre mauvaise fortune bon cœur pour s'accommoder des vieux démons de la spéculation sur les prix des produits de consommation, il aura été invariablement sensible à la donne sécuritaire en cette période de jeûne censée dans le discours du terrorisme être propice au suprême sacrifice. Une telle sensibilité, faut-il le dire, a été particulièrement exacerbée par l'attentat qui a ciblé le président de la République à Batna ainsi que l'attaque suicide de Dellys. Assurément nombreux sont les citoyens qui seront tentés par le break sur pas mal de choses. Et il est presque certain que la chose politique, même forte des prochaines élections locales ne sera pas le sujet de prédilection des Algériens. Reportée sine die, c'est la chorba et ses tracasseries qui prennent le relais avec le suprême clin d'œil à cette nouveauté macabre des attentats suicide et surtout aveugles. Et en parlant de la chorba, cette année elle risque d'avoir dans les chaumières la pâleur des jours sans, quand tout se bouscule fébrilement, pour avoir les faveurs d'un budget qui sort d'une période estivale avec des coupes sombres. Circonstance aggravante : un renchérissement sans précèdent des prix des produits alimentaires et des biens de consommation. Aux dernières nouvelles, la pomme de terre qui a fait des siennes, va revenir, dit-on, à de meilleurs sentiments. Maigre consolation, la chorba, autant que le bourek et kalb louz, ravit la vedette au moment du f'tour chez les familles algériennes les plus modestes. Mais sait-on jamais, vaut mieux de bonnes patates sautées à moindres frais qu'un régime sec. Il est vrai qu'on force quelque peu le trait, mais tout concourt à faire de ce Ramadhan, un mois de toutes les incertitudes. Disons quand même que l'Algérien en a vu d'autres. Toujours est-il que c'est un gros point d'interrogation pour la ménagère. “Qu'est-ce qu'elle peut bien offrir au f'tour ?” Elle qui est habituée à concocter de délicieuses pâtisseries orientales pour les longues veillées de Ramadhan devra peut-être se passer de certains ingrédients, comme les noix, la pistache ou encore des amandes pour perpétuer la tradition. Car, il y a plus urgent avec les incontournables huile de table, tomate en conserve, farine, couscous, lait en poudre... En un mot comme en mille, c'est le cauchemar. Un cauchemar alourdi par l'anxieuse attente des pères de famille, d'une bouffée d'oxygène, cristallisée dans une hausse des salaires, annoncée mais qui se révèle hypothétique, à un moment crucial et qui peut s'avérer déterminant pour la suite des débats. Et c'est le cas de le dire puisque tout s'enchaîne, tout s'imbrique pour amener deux pas en arrière un pouvoir d'achat censé avoir fait un magistral bond en avant sur les tablettes officielles du gouvernement. Enfin chacun semble vouloir y mettre du sien pour alléger un tant soit peu la situation. L'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) par exemple aurait tracé un programme spécial Ramadhan, consistant à faire des visites de terrain dans les marchés de gros et de détail en vue de contrôler les prix des produits alimentaires, mais avoue ne pas disposer de levier pour influer sur la mercuriale. On peut même en dire autant du gouvernement au rythme où vont les choses. Du moins le penserait-on, car déjà un mois et du côté du comité de vigilance mis sur pied par l'Exécutif, c'est toujours le silence radio. D'autant plus que les prix des produits de large consommation, dans leur folie, continuent à faire la sourde oreille.