Il est relativement toujours jeune. Toujours beau et élégant. Mais l'on ne pourra plus, du moins pour le moment ; apprécier sa verve ni son verbe. Farid est malade. Il a perdu la parole et avec ; un peu de sa mobilité physique. Ce physique que contient un corps esthète, digne positivement d'une race arienne. Blanc,aux cheveux lisses le plus souvent taillés à la Mireille, Farid faisait l'enfant terrible dans ces années là où même à Sétif l'on dansait le rock-and-roll, le twist et après le jerk. Il était, aimait t-il se qualifier, scribouillard de seconde zone, ou un correspondant de province. Mais en fait, ceci ne collait point à l'image de l'homme. Il le disait eu égard à la grande modestie qui le caractérise. La candeur, la haute sincérité et la forte simplicité font de Benabid l'intègre héritier de toute une lignée ancestrale bien ancrée dans les tréfonds de l'histoire familiale. Il a fait les colonnes et servi les pages parfois de leur une, comme journaliste à El Acil, au Quotidien d'Oran pour se voir arriver et aussitôt partir à Liberté, comme directeur régional du bureau à Sétif. Il a pour ainsi dire remplacé à ce titre fonctionnel, un autre tourbillon plus tonitruant et rebelle que le courage et l'intrépidité avaient forcé amèrement son exil : Djamel Benchenouf. Farid Benabid n'a pas pu résister à l'intensité d'un choc suite à un humour, peut être cette fois-ci mal placé. Poursuivi pour une probable menace par voie de sms,et nonobstant la mansuétude de l'éventuel plaignant, le journaliste de Liberté, qui excellait dans la description des soucis quotidiens du citoyens ;gît à son age comme grabataire, handicapé et surtout lâché et omis par les siens et les autres. Ain Abessa, agglomération rurale située à quelques encablures au nord de Sétif lui tient lieu de résidence. Un petit logement sous forme de F zéro, glacé et taciturne, si ce n'est la chaleur que lui prodiguent une épouse persévérante, deux belles filles et une fillette angélique, incarne encore dans son silence les fœtus des articles pensés la nuit, rédigés le jour et édités le lendemain. Farid, spécialiste de langue de Molière (licencié en lettres françaises) ne sait plus maintenant débiter un mot en quelque langue que ce soit. Il est devenu aphone .il ne s'exprime que par de la gesticulation que seule sa tendre épouse sait traduire. Avec cette impotence, une paralysie partielle ; à le voir et se le rappeler, l'on se résigne tous à dire que personne n'est à l'abri d'une impotence. Il souffre mais ne le dit pas. Il soupire et ça s'entend. Cela dure depuis plus de neuf mois ! L'on apprend que la wali de Sétif lui a rendu visite. Tout est à l'honneur de ce wali. Farid mérite une bienveillante attention. Pourquoi pas une clémence et une mansuétude par le biais d'une visite ou d'un coup de fil. De grâce, ne laissons pas se tarir une plume et aidons une famille proie à une déprime. Il n'y a pas plus terrifiant pour un homme malade que l'oubli et le défaut d'attention. Souvenons-nous de Farid Benabid. De son sourire. De sa gracilité et enfin de sa fine gentillesse. El Yazid DIB *journaliste, directeur du bureau régionale du quotidien LIBERTE à Sétif.