e tir de Antar Yahia n'a pas secoué, uniquement, le filet du gardien de but égyptien, Hassan El Hadari pour permettre à l'Algérie de prendre part à la compétition mondiale de football, mais il a surtout secoué bien des consciences et ébranlé bien des certitudes. Le but a remis en cause plusieurs décennies de matraquage idéologique et d'aliénation identitaire. Ce but fut le déclencheur d'une série interminable d'aveux et de cours d'histoire sur notre réelle identité. Notre identité plusieurs fois millénaire a retrouvé, enfin, sa place, celle importée et imposée a volé soudainement en éclat. Ceux qui ont voulu, des années durant faire passer un chameau dans le chas d'une aiguille, en chantant sur tous les toits l'arabité à outrance de l'Afrique du Nord, ont eu la réplique, combien même cela est venu de Khartoum et d'un terrain de foot. On n'efface pas des pages entières de l'Histoire d'un peuple, au gré de l'idéologie dominante. Tel un atavisme, notre amazighité s'est régénérée pour supplanter toutes les appartenances que les tenants de l'arabité exclusive de l'Algérie et même de tout le Nord africain nous chantent depuis des lustres. Nous ne remercierions jamais assez l'Egypte. Grâce à son entêtement à nous confiner ad vitam æternam sous son giron idéologique et culturel, sa suprématie qu'elle exalte parmi les pays du monde arabe, nous confère cette latitude et cette envie de retrouver notre voie et de se réconcilier, surtout avec notre Histoire pourtant jalonnée de hauts faits, et donc avec nous-mêmes. Le match gagné contre l‘Egypte, pas celui de Chachnaq, ce roi amazigh devenu pharaon, après avoir vaincu ces Egyptiens, laquelle remonte déjà à plus de 20 siècles, mais celui de l'équipe nationale qui a remis les pendules à l'heure. Cette victoire a brisé, aussi les démarches qui donnaient une autre version de l'Histoire dans nos écoles et dans les manuels scolaires à travers ce prisme de l'historiographie maghrébine portée à bras le corps par les pouvoirs successifs des Etats nord-africains. Ces pouvoirs politiques qui tantôt magnifient notre appartenance au monde arabe, tantôt la déforment, tantôt l'opacifient selon la conjoncture, les intérêts et les besoins politiques de l'idéologie qu'ils prônent, ont eu la réponse, cinglante cette fois-ci : vous n'êtes pas des Arabes ! Cette sentence est tel un jaillissement inattendu d'un volcan longtemps maintenu sous pression. Ces laves sonnent le glas d'une Histoire longtemps fabriquée pour les besoins politiques occultant de fait les vrais repères identitaires des peuples amazighs de l'Afrique du Nord. Nos victoires sur l'Egypte depuis Chachnaq nous ouvrent les portes de l'histoire. La gloire de Chachnaq nous a ouvert celle de l'humanité. Notre existence en tant que peuple libre et entier démarre depuis. 2960 ans après, les Amazighs célèbrent cette date devenue une référence indéniable dans leur histoire, même si elle n'est pas officielle dans aucun pays de Tamazgha. La victoire de l'EN face à celle de l'Egypte a, pour elle, ouvert une nouvelle page dans notre histoire nationale. La déferlante médiatique égyptienne nous a montré que nous avions raté tant et tant d'opportunités pour se réconcilier avec notre identité, longtemps frappée d'ostracisme et d'interdit. Elle a donné un nouveau souffle à une jeunesse avide de gloire et d'affirmation. De Chachnaq à Antar Yahia, des siècles se sont écoulés, sans pour autant effacer la mémoire. La persistance d'une identité et d'une appartenance historique et civilisationnelle reprend du poil de la bête pour mettre le bon ordre dans cette quête identitaire. Enfin, si l'on mesure les rôles à l'aune de tout un chacun, Chachnaq a ouvert la voie, Antar Yahia la ressuscité. Yennayer Ameggaz !