Deuxième wilaya du pays, après Alger, Sétif compte 1,5 million d'habitants. L'explosion démographique, résultant des années de braise quand la planification faisait défaut, se fait sentir, avec en toile de fond, une conséquence directe : la prolifération des fléaux et de la délinquance sous toutes ses formes. Pourtant, Aïn El-Fouara regorge de projets aussi ambitieux les uns que les autres. Mais les poches de la criminalité fourmillent pour imposer un semblant de nuage sur une périphérie en pleine expansion, où les chantiers se greffent au fur et à mesure pour répondre aux besoins du développement local. C'est que la carte du crime organisé est mutante même si les crimes et délits que connaissent les bourgades de Sétif sont là pour maintenir une morphologie propre aux Hauts-Plateaux. Aïn El-Fouara, aussi hospitalière que clémente, bénit les siens. Les objecteurs, eux, reviennent, désapprouvés, pour boire de son eau. Bilan de l'opération coup-de-poing : arrestation de 110 individus dont 8 activement recherchés par la justice et les services de sécurité, près de 6 000 opérations de fouille de personnes, de voitures et de locaux commerciaux, en sus de 2 400 identifications, les gendarmes et les éléments des SSI ont passé au peigne fin les noyaux durs de la criminalité. Aâssimat Al-Hidhab Al-Oûlya, capitale des Hauts-Plateaux, Sétif affiche l'auguste image d'une ville en développement constant. Pôles universitaire, judiciaire et industriel, infrastructures sportives et culturelles, le décor est planté pour imposer aux visiteurs une tout autre carte postale. L'heure est plutôt aux boissons fraîches. La chaleur est torride à la veille d'un printemps qui s'annonce chaud. 29° C à l'ombre ! Pour le 21 mars, Aïn El-Fouara est prête pour célébrer la Journée mondiale de l'arbre. Une grande pancarte l'indique juste après la bifurcation qui donne sur la zone industrielle et la sortie ouest de la ville. Les terrasses des cafétérias sont pleines à craquer en ce week-end. Rush sur El-Fouara, les élèves, escortés pour goûter à l'eau de cette légendaire fontaine, s'ajoutent à ce décor matinal. Convivial. Il y a aussi une grande affluence au Salon du livre où on affiche des réductions importantes. À l'ombre des arcades longeant le boulevard principal, les Sétifiens vaquent à leur occupation. Feux multicolores et sens giratoires à tout bout de champ, la circulation automobile est tellement dense au centre-ville. Béni de toutes parts, le fief de l'Entente, le club phare des Hauts-Plateaux, mais aussi de l'Algérie, nous donne goût à une balade pédestre. La propreté des lieux saute aux yeux. Entourée de 60 communes, peuplée par 1 100 étrangers qui bossent dans des chantiers névralgiques, elle s'étend sur des reliefs hétérogènes. Avec les 12 routes nationales et les 23 chemins de wilaya, Sétif connaît également un transit intense de routiers allant vers l'Est comme vers l'Ouest. L'autoroute Est-Ouest aidant, les investisseurs misent gros sur cet axe devenu au fil des temps un pôle économique incontournable. Surplombant l'Atlas, la Kabylie, les Bibans et le bassin du Hodna, elle recèle tous les atouts pour mériter les multiples appellations que lui collent ses enfants et ses visiteurs. Les axes de la mafia cernés L'industrie, l'agriculture, le commerce, le tourisme et l'habitat dominent la configuration de ses contours. Et ce sont ces contours justement qui inspirent aux malfaiteurs, aux contrebandiers et aux trafiquants de tous bords les tentations délictuelles et criminelles en s'organisant en réseaux mafieux. Fraude fiscale, forage illicite, drogue, vol de véhicules et de cheptel, défaut de facture et j'en passe, forment l'essentiel de la carte du crime organisé. Celle-ci est dominée par les fléaux que développent les criminels aux limites des wilayas avoisinantes. Sensible au Nord comme au Sud, le climat sécuritaire est défini dans une mosaïque de couloirs, comme l'axe du sud reliant Sétif à Batna et à M'sila, plus exactement sur les reliefs de Boutaleb et d'El-Hama. Au nord, en revanche, elle se confond aux limites de Béjaïa et de Jijel d'où la drogue est généralement acheminée par les dealers, en sus du couloir ouest. La couverture sécuritaire ayant atteint un taux de 100%, à savoir 61 unités (brigades et compagnies), pour 60 communes et daïras, le lieutenant-colonel du groupement de wilaya de la Gendarmerie nationale, Abdelkader Benzaza, affirme qu'un travail colossal est assuré pour sécuriser toute la wilaya, mais aussi les étrangers vivant à Sétif. On en dénombre plus d'un millier qui exercent pour les entreprises chinoises (CSCSE et CWE), japonaises (Cojal), turques (Mapa) et coréennes (Samsung et Samha). Par contre, d'autres étrangers exercent illégalement et portent atteinte à l'environnement. Comme ces Syriens arrêtés pour immigration clandestine et mis en cause dans le forage illicite de plus de 50 puits, agressant ainsi la nappe phréatique. Sétif, c'est aussi le vol de cheptel avec le démantèlement d'un important réseau qui sévissait entre Jijel, Mila et Bordj Bou-Arréridj. Cinq trafiquants sont placés sous mandat de dépôt alors qu'un sixième est en fuite. À ce sujet, les gendarmes ont traité 86 affaires, dont 12 résolues, et arrêté 94 personnes durant les 10 mois de l'année écoulée. Le trafic et le vol de véhicules fait aussi fureur à Sétif où plusieurs réseaux ont été mis hors d'état de nuire. On nous explique que les voleurs n'agissent pas en profondeur afin “d'évacuer” le véhicule en dehors de la wilaya pour le vendre ou le désosser. Ces phénomènes et bien d'autres ont conduit les gendarmes au démantèlement de 50 associations de malfaiteurs spécialisés dans tous les trafics. Un tabac pas du tout chic à… priser Le renseignement aidant, l'activité est intense sur les axes routiers. Les gendarmes ont traité des affaires saillantes comme celle liée au trafic du tabac à priser. Près de 81 tonnes de marchandises sont interceptées en quelques mois. La valeur marchande s'élève à près de 24,6 milliards. Un marché juteux qui tente les trafiquants qui bénéficient de complicités dans les fabriques tant déclarées que formelles quand on sait qu'un quintal de tabac non traité vaut 300 000 DA. D'ailleurs, une autre saisie sera opérée le lendemain de notre arrivée à Sétif, plus exactement à Guellal, relevant de Aïn Oulmène. Pas moins de 575 kilos de tabac à priser et 47 000 sachets contrefaits sont saisis lors de la perquisition d'un domicile transformé en fabrique. C'est que le fabricant indélicat, interpellé, a même recouru aux sacs d'un produit cancérigène pour conditionner et convoyer sa marchandise. L'autre marchandise sera emballée dans des sacs de fortune aux puanteurs impossibles. Il y a quelques jours, les gendarmes de Guellal ont saisi 250 cartons, soit 1/4 du même produit emballé sous différentes appellations. Il y avait même du tabac dénommé Assila et Makla Kabily. Les pétards font également recette sur les axes routiers de Sétif. Il a été enregistré une saisie record de 15 millions de produits pyrotechniques dans des hangars et sur les voies de communication et la mainmise des bonnets sur cette filière basée en Chine et à Dubaï. La police économique a du pain sur la planche sachant que les produits versés dans les réseaux des contrebandiers échappent à tout contrôle fiscal dans les marchés les plus fréquentés de Sétif. Mais les contrebandiers s'attaquent au patrimoine et aux endroits qui regorgent de pièces archéologiques aux valeurs inestimables, comme c'est le cas au niveau des somptueux sites antiques d'Al-Djamila et de Beni Fouda. Plusieurs objets sont récupérés, dont une statuette de femme et des pièces de monnaie. Quand Sétif se lit “fités” pour excès de vitesse Les Sétifiens, contrairement aux idées reçues, sont de paisibles conducteurs. Les cas atypiques, appelés communément les seigneurs de la route, comme d'ailleurs les chauffards récidivistes, ont fait que les automobilistes de cette région sont réputés pour leur conduite dangereuse, pour leur excès de vitesse sur les routes, les dépassements dangereux, mais surtout leur jusqu'auboutisme. Rien que l'année précédente, les gendarmes ont eu à enquêter sur 16 cas de délits de fuite après la constatation de l'infraction. “Un comportement très grave passible de lourdes sanctions”, nous dit-on pour aviser qui de droit. Cette wilaya a eu à abriter des colloques et des séminaires importants sur la sécurité routière. Hélas ! D'ailleurs, nous apprend le commandant de l'Escadron de sécurité routière (ESR), Mounir Bechinia, la Gendarmerie de Sétif a réuni ce lundi tous les transporteurs organisés en association. Cette rencontre se veut une aubaine pour vulgariser les dispositions du nouveau code de la route entré en vigueur depuis février dernier. Un code qui a porté le payement des amendes forfaitaires à plus de 84%. Et ce, contrairement aux années précédentes où le payement de ces contraventions ne dépassait guère les 30 ou 40%. Et dans le cadre de la sensibilisation contre les sinistres de la route, il a distribué plus de 4 000 prospectus, dont près de 2 000 dépliants sur les axes Lahoua-Abderrahmane, El-Eulma, Ouled Saber et Belaâ, aux automobilistes et aux chauffeurs des transports en commun. De l'autre côté de l'autoroute Est-Ouest, des chauffards continuent à semer la mort. Un automobiliste est flashé à 152 km/h alors que la vitesse est limitée par endroits à 80, 100 et 120 km/h. “Il nous arrive d'arrêter des semi-remorques et des bus pleins à craquer et qui roulent à des pics de 140 et 160 km/h.” Sans commentaire. L'image du radar vaut mille mots. Estimé à plus de 174 000 voitures, le parc automobile ne cesse d'augmenter à Sétif, avec un trafic routier de 56 000 véhicules/jour sur la seule RN5. Entre prévention et répression, les choses tardent à venir tant que Sétif compte au quotidien 3 accidents mortels, soit 1 283 sinistres, 125 morts et 2 133 blessés par année. Arrestation de 110 personnes en 24h Opération coup-de-poing, 24 heures sans répit, les lieux de prédilection sont ciblés. Drogue, prostitution, détournement et abus sur mineurs, détention d'armes blanches, vol et recel… Les malfaiteurs ont été acculés. Tous les moyens ont été mis à contribution par le groupement. Nous quittons Aïn El-Fouara avec ce bilan record : arrestation de 110 individus dont 8 activement recherchés par la justice et les services de sécurité. Près de 6 000 opérations de fouille de personnes, de voitures et de locaux commerciaux, en sus de 2 400 identifications, les gendarmes et les éléments des SSI ont passé au peigne fin les noyaux durs de la criminalité de Sétif. Rien n'est laissé au hasard. Même l'ESR est mis à contribution pour verrouiller les voies routières aux contrebandiers. Les gendarmes ont constaté tous les crimes et délits dans ces bourgades reculées des Hauts-Plateaux comme sur les sites en expansion de la périphérie. Vers la fin décembre dernier, on enregistrait quelque 274 opérations coup-de-poing, avec une moyenne de 30 descentes/mois pour juguler la délinquance. Un défi, mais surtout un objectif tracé par le groupement afin de débarrasser Sétif de ses gangs.
