CCI?me nuit (Suite) Pendant que Scheich Ibrahim, apr?s avoir bu, achevait de manger la moiti? de la pomme, la belle Persane lui emplit une autre tasse, qu?il prit avec bien moins de difficult?: il n?en fit aucune ? la troisi?me. Il buvait enfin la quatri?me, lorsque Noureddin cessa de faire semblant de dormir; il se leva sur son s?ant, et, en le regardant avec un grand ?clat de rire: ?Ah! Ah! Scheich Ibrahim, lui dit-il, je vous y surprends: vous m?avez dit que vous aviez renonc? au vin, et vous ne laissez pas d?en boire?. Scheich Ibrahim ne s?attendait pas ? cette surprise et la rougeur lui en monta un peu au visage. Cela ne l?emp?cha pas n?anmoins d?achever de boire; et quand il eut fait: ?Seigneur, dit-il en riant, s?il y a p?ch? dans ce que j?ai fait, il ne doit pas tomber sur moi, c?est sur madame: quel moyen de ne pas se rendre ? tant de gr?ces!? La belle Persane, qui s?entendait avec Noureddin, prit le parti de Scheich Ibrahim. ?Scheich Ibrahim, lui dit-elle, laissez-le dire et ne vous contraignez pas: continuez d?en boire et r?jouissez-vous?. Quelques moments apr?s, Noureddin se versa ? boire et en versa ensuite ? la belle Persane. Comme Scheich Ibrahim vit que Noureddin ne lui en versait pas, il prit une tasse et la lui pr?senta: ?Et moi, dit-il, pr?tendez-vous que je ne boive pas aussi bien que vous?? A ces paroles de Scheich Ibrahim, Noureddin et la belle Persane firent un grand ?clat de rire; Noureddin lui versa ? boire, et ils continu?rent de se r?jouir, de rire et de boire jusqu?? pr?s de minuit. Vers ce temps-l?, la belle Persane remarqua que la table n??tait ?clair?e que d?une chandelle. ?Scheich Ibrahim, dit-elle au bon vieillard de concierge, vous ne nous avez apport? qu?une chandelle, et voil? tant de belles bougies. Faites-nous, je vous prie, le plaisir de les allumer, que nous y voyions clair?. Scheich Ibrahim usa de la libert? que donne le vin lorsqu?on en a la t?te ?chauff?e; et, afin de ne pas interrompre un discours dont il entretenait Noureddin: ?Allumez-les vous-m?me, dit-il ? cette belle personne; cela convient mieux ? une jeunesse comme vous; mais prenez garde de n?en allumer que cinq ou six, et pour cause; cela suffira?. La belle Persane se leva, alla prendre une bougie, qu?elle vint allumer ? la chandelle qui ?tait sur la table, et alluma les quatre-vingts bougies, sans s?arr?ter ? ce que Scheich Ibrahim lui avait dit. Quelque temps apr?s, pendant que Scheich Ibrahim entretenait la belle Persane sur un autre sujet, Noureddin, ? son tour, le pria de vouloir bien allumer quelques lustres. Sans prendre garde que toutes les bougies ?taient allum?es: Il faut, reprit Scheich Ibrahim, que vous soyez bien paresseux ou que vous ayez moins de vigueur que moi, si vous ne pouvez les allumer vous-m?me. Allez, allumez-les; mais n?en allumez que trois?. Au lieu de n?en allumer que ce nombre, il les alluma tous et ouvrit les quatre-vingts fen?tres, ? quoi Scheich Ibrahim, attach? ? s?entretenir avec la belle Persane, ne fit pas de r?flexion.